Pologne : au pas, au pas !!
La Marche de l’Indépendance, un must pour les fascistes

(Marc Chaudeur) – A Varsovie, la Marche de l’Indépendance, qui célèbre une liberté polonaise durement gagnée sur les puissances voisines en 1918, a cependant depuis ses débuts, voici 10 ans, une signification ultra-nationaliste. A Varsovie, c’est le parti national-populiste au pouvoir, le PiS, qui la mène – mais bien davantage encore, l’extrême-droite raciste, ultra-catholique et/ou stricto sensu fasciste. Mais pourquoi les partis démocratiques et la Gauche ne se montrent-ils pas de manière beaucoup plus visible et plus profilée, lors d’une Fête dont ils affirment qu’elle les concerne autant que la droite musclée et les curés fiers-à-bras ?
Cette année, il y avait un peu moins de monde dans les rues de Varsovie que l’an dernier. Mais on ne peut pour autant en tirer une conclusion réjouissante, qui serait hâtive ; car l’an dernier, on fêtait le centenaire de l’Indépendance acquise sur l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie : il est donc normal que la foule était plus dense et encore plus bruyante que cette année. L’aspect de commémoration historique y était donc aussi plus intense : en 2019, l’évocation du Maréchal Piłsudski qui s’exhalait de multiples bouches frappait beaucoup moins les observateurs présents. Ce dirigeant autoritaire a fait les beaux jours de la Pologne des années 1920 – du moins le croit-on ; car exactement comme en certain pays beaucoup plus… à l’Ouest, on tend à ne prêter qu’aux riches, c’est-à-dire aux personnages monolithiques, au prix d’illusions regrettables sur la puissance réelle du pays…
Quoi qu’il en soit, cette année, les camps étaient bien délimités – si du moins, il s’agit de camps réellement différents. En effet, les nationaux-populistes du PiS et les mouvements d’extrême-droite (Ruch Narodny, Młodzież Wsechopolską ou encore ONR) ne servent-ils pas, par un subtil jeu dialectique, à renforcer l’image du PiS autant qu’à lui donner l’alibi du « débordement droitier » ? On voyait cependant cette année une apparence de rangement, chacun à sa place et restons sages, l’UE nous regarde ! Insulter l’Europe, oui, mais l’insulter proprement, et sans nuire au versement des subventions.
D’un côté, les manifestations que préparent et que fréquentent le PiS et ses admirateurs : la cérémonie en mémoire du crash de Smolensk, où sans doute par le fait des Russes, toute la classe politique polonaise a été décimée, et en son sein, le frère jumeau du dirigeant, Lech Kaczyński ; le défilé à part des autres formations, la messe, les prières à Marie,etc. D’un autre côté, les formations susdites, qu’accompagnaient un nombre considérable de personnalités de l’extrême-droite européenne – venus des Balkans, d’Italie, de France, de Hongrie : du fameux Jobbik qu’on prétend « recentré » et avec lequel la gauche hongroise flirte depuis 3 ans maintenant !
Hier, à Varsovie, la Marche semblait bien rodée, contrairement à l’an dernier. Si en 2018, en effet, la célébration de l’Indépendance s’était fêtée dans la plupart des villes d’une manière relativement consensuelle par les principaux partis polonais, il n’en était pas de même dans la capitale. « Débordé » par les partis d’extrême-droite, Kaczyński avait fait interdire le défilé. Mais la justice lui avait donné tort… Alors, que faire ? Grâce à un consensus d’ailleurs aisément acquis, le gouvernement a décidé de partager la rue : le PiS devant, les fascistes derrière, avec leurs insignes parfois identiques à ceux des années 1930), leurs slogans racistes et antisémites, homophobes. Et tous beuglant à peu près les mêmes énoncés anti-UE.
Et sur l’arrière du cortège, juste derrière l’extrême-droite, le « peuple », qui voulait célébrer l’Indépendance tout en ne s’éloignant pas trop des diverses droites extrêmes…
En tout,selon la Gazeta Wyborcza, de 47 000 à 100 000 personnes. Dont le nombre s’étoffait assez considérablement, on l’a dit, de nombreux militants et dirigeants de l’extrême-droite européenne.
Ce sera l’une des hontes les plus graves que se sera attirée le PiS : celle d’avoir fait de Varsovie une sorte de… Mecque du fascisme européen, comme par exemple (bien plus modestement) Dijksmuide naguère, où l’extrême-droite compte ses forces et se retrouve joyeusement, haineusement. Fi donc.
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