Pologne : des années décisives s’ouvrent

Varsovie peut et doit changer toute l’orientation de son économie

Opéra de Varsovie, années 1960 : la Vie en rose... Foto: Henri Musielak/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) La Pologne est l’un des principaux bénéficiaires du tout récent accord de Bruxelles entre les 27 membres de l’Union européenne. A condition cependant qu’elle modifie l’orientation même de toute sa politique économique. Mais qui le fera ? Certainement pas le parti au pouvoir. Et peut-on vraiment espérer qu’une telle révolution (au sens strict du mot) pourra s’accomplir ?

Exprimons le un peu brutalement : si tout se passe bien, la Pologne abandonnera, au moins l’an prochain, ce statut actuel d’assisté sans contrepartie qu’elle incarne depuis dix ans au moins, sinon depuis son entrée dans l’Union européenne en 2004. Les économistes polonais ne s’y trompent pas et, sauf lorsqu’ils sont rétribués par le PiS au pouvoir, estiment que l’Accord obtenu cette semaine constitue la plus grande transformation de l’économie du pays depuis 1989. Depuis la sortie des dernières séquelles du dirigisme intégral défendu alors par les partis communistes du monde entier, ceux-là même qui continuent aujourd’hui à défendre l’équité de la misère à Cuba et au Venezuela. Oui, le changement sera profond. A condition qu’il soit mis en œuvre. Le sera-t-il ?

Ce serait pour le plus grand intérêt du pays. Pour l‘instant, le Premier ministre, Mateusz Morawiecki, n’a encore fait que prétendre obstinément, haut et fort, qu’il défendait « l’intérêt des producteurs et des chefs d’entreprise ». Ce qui n’est qu’une vue à court terme, démagogique et dangereuse. Car la Pologne risque fort de s’enliser dans une croissance de plus en plus timide et dans une industrie de plus en plus polluante et en déphasage avec le reste du monde.

A condition aussi que le gouvernement polonais, quel qu’il soit, défende l’état de droit… On sait les nuisances graves et inquiétantes que les dirigeants ont fait subir depuis 2014, notamment dans le domaine de la Justice, mais aussi, sans cesse, dans les médias, que le PiS noyaute et censure plus ou moins adroitement. Pour ce qui concerne les dispositions de l’ UE qui seront mises en œuvre, il faut rappeler que les dépenses de chaque Etat membre seront soumises à examen par des tribunaux indépendants.

Par l’effet des nouvelles dispositions, les Etats membres de l’UE seront bien plus « organiquement » liées que jusqu’à présent – nous en reparlerons dans un autre article. Le corollaire en est que l’argent versé dépendra en principe de la nature et de l’ ampleur des projets d’investissement que présentera (on l’espère pour le pays !) le gouvernement de Varsovie à l’UE. Et de sa célérité à construire les projets dans les domaines instamment requis : révolution numérique, révolution verte. La première est déjà très bien engagée ; mais nullement la seconde. Le gouvernement PiS a refusé sans cesse d’emprunter cette voie ; c’est lui notamment Qui a bloqué le projet de 2019 pour la neutralité climatique à l’horizon 2050.

Tout reste donc à faire. « Révolution verte » ? Cela englobe, bien sûr, un nombre très important de secteurs à orienter de manière totalement différente. D’une situation qu’on pourrait sans guère d’exagération qualifier de « pré-moderne », le pays est censé passer du jour au lendemain (ou presque) à l’âge post moderne. Pour le moment, la Pologne reste le pays le plus polluant d’Europe avec ses mines de charbon (qui empoisonnent d’ailleurs l’eau d une partie importante de la région tchèque limitrophe, au point que les habitants n’y disposent plus d’eau potable!). Presque tout doit changer d’ici 3 ou 4 ans.

On pourrait énumérer les secteurs concernés : presque tous. Energies renouvelables. Agriculture biologique. Gestion de l’eau. Modernisation de l’énergie thermique, recherche d’une nouvelle efficience dans le chauffage, avec tout ce que cela suppose. Et des usines d’appareils photovoltaïques, suggère-t-on judicieusement – puisque ceux dont dispose avec quelque parcimonie la Pologne sont achetés à la Chine…

Chez les économistes polonais non affidés au PiS, en tout cas, on est ambitieux. On affirme avec force que la Pologne, et en principe la Hongrie avec elle, devront devenir le moteur de l’Europe toute entière… N’allons pas jusque là, mais célébrons l’air nouveau qui souffle dans les couloirs faisandés des bâtiments ministériels de Varsovie.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste