Pologne : deux démissions significatives

L’effeuillage forcé des pratiques du PiS populiste

Tartuffe, le saint patron caché du PiS Foto: Alexmar983/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – En ce beau mois d’août, en Pologne, deux personnalités politiques très importantes ont dû présenter leur démission à quelques jours d’intervalle.Tous deux ont été pris la main dans le sac. Il s’agit, excusez du peu, du Président du Parlement (de la Diète) et du vice-ministre de la Justice ; et ils appartiennent tous deux au parti démago-ultraconservateur au pouvoir, le PiS. Mais enfin, qu’est-ce que cela signifie ?

Que se passe-t-il ? Les hommes politiques du PiS auraient-ils perdu leur légendaire habileté à dissimuler leurs pratiques sous un manteau de vertu ? La Pologne en tout cas connaît une vaste phase d’effeuillage forcé : en témoigne, par exemple, l’immense succès de Klerk, ce film (scrupuleux et excellent) consacré aux débordements pédophiles des prêtres…

Le 13 octobre prochain auront lieu les élections législatives. Un scrutin essentiel, puisqu’il testera la résistance du parti populiste aux coups de boutoir de l’opposition, certes désunie et polarisée. Depuis, notamment, que Wiosna, le parti naguère prometteur de Robert Biedroń, progressiste et libéral, a rejoint la gauche en renonçant à la feue-coalition avec le grand parti d’opposition de centre droit, la Platforma Obywatelska ou PO (Plateforme civique).

Le scrutin est si important que 2 mois avant les élections, les campagnes de dénigrement pleuvent dru sur la classe politique. Et les allégations de certains accusateurs se trouvent vérifiées, hélas. Les plus retentissantes, les dernières, ont été celles qui visaient Marek Kuchciński et Łukasz Piebiak.

Marek Kuchciński, le président PiS du Parlement ou Diète (le 2ème personnage en importance du gouvernement, par conséquent !), est accusé d’avoir utilisé à maintes reprises des avions et des hélicoptères pour aller s’acheter des cigarettes au tabac du coin. Du moins, on n’en est pas loin : Kuchciński aurait utilisé gratis au moins cent fois ces machines volantes appartenant à l’État, du printemps 2018 à mai 2019… Ses voyages aériens pendulaient, pour la plupart, de Varsovie à chez lui à Rzeszów, à 320 kms de la capitale – avec sa famille pour une bonne vingtaine de ces périples. Sans doute pressé par son ami proche Jarosław Kaczyński, le dirigeant du PiS, Monsieur le président de la Diète a donc présenté ses excuses le 5 août dernier – et démissionné le 9 de ce mois. On est émerveillé par tant de célérité.

Et puis, bien plus grave encore : mardi dernier le 20 août, le vice-ministre de la Justice, Łukasz Piebiak, a démissionné à son tour de son poste.L’accusation, solidement étayée, est grave : il aurait (il a) organisé avec l’aide enthousiaste d’une certaine Emilia, au demeurant charmante personne, une campagne de diffamation et d’insultes par courriers anonymes et en utilisant internet. Le ministre et sa factota s’en prenaient à leurs adversaires politiques, les juges démocrates qui s’opposent à la fameuse réforme autoritaire de la justice polonaise. Łukasz Piebiak, lui-même juge de formation, a bien évidemment utilisé pour ce faire des informations personnelles et confidentielles… Quelque chose de pourri au royaume de Nulle Part.

En réalité, ce n’est là que le sommet le plus voyant et le plus obscène du harcèlement haineux, qui sévit depuis quelque temps déjà, des magistrats opposés à la réforme PiS, puisqu’un certain nombre d’entre eux ont déjà fait l’objet de mesures disciplinaires… De plus en plus inquiétant, en somme.

De telles affaires auront-elles une incidence sur l’issue des législatives d’octobre ? Rien n’est moins sûr. Essentiellement parce qu’une grande partie de la population polonaise est reconnaissante au gouvernement d’avoir versé des prestations sociales inédites. Et cela renforce chez la plupart des gens le sentiment que le PiS seul est à même d’assurer une certaine sécurité face au libéralisme qu’incarne peu ou prou l’opposition PO, et de rassurer le bon peuple des campagnes et, partiellement, des villes quant à l’égalitarisme de la gauche.

On ne se lassera jamais, en tout cas, rassurez vous, de mettre en évidence le gouffre qui sépare les déclarations patriotardes, bondieusifiantes et moralisantes de ce parti PiS et sa pratique effective. Fi donc !

 

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