Pologne et Etat de droit : que faire ?

La Cour de justice de l'Union Européenne entre dans l'arène

Orban et Duda avec de joyeux camarades à la commémoration de la " Révolution " de 1956 Foto: Elekes Andor / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Ces jours ci, on assiste à une aggravation du dissensus survenu entre le gouvernement polonais et la Commission européenne. Une lettre envoyée à la Commission par le gouvernement PiS, ultraconservateur et autoritaire, rejette la critique de la CE contre la réforme de la justice, et donc le licenciement des juges de la Cour suprême dont nous avons parlé à plusieurs reprises dans Eurojournalist.

Les dirigeants polonais réclament la suppression de la procédure entreprise contre la réforme. Motif : la Commission ne pourrait produire aucune preuve que cette réforme nuirait à l’indépendance de la justice et des juges. De plus, le droit de l’UE ne disposerait pas de réelle compétence pour intervenir dans le domaine qui est celui du droit national ; c’est pourquoi les Etats membres ne pourraient décider seuls de l’âge de la retraite des juges de la Cour suprême.

Dans ce genre de querelle, la Cour de justice semble toujours davantage prête à jouer le rôle d’un Tribunal constitutionnel européen, comme en France la Cour constitutionnelle ou en Allemagne le Bundesverfassungsgericht. La CJUE intervient de plus en plus fréquemment dans la politique européenne pour en défendre les principes fondamentaux.Tout se passe comme si on venait de découvrir l’utilité essentielle de cet organe de justice fondé en 1952…

Des réalisations intéressantes, ces derniers mois, en donnent l’exemple. Tout récemment, fin juillet, la Cour de justice installée au Luxembourg a décidé qu’un tribunal irlandais était habilité à refuser l’extradition d’un suspect vers la Pologne. L’homme s’est opposé à son extradition programmée en arguant de ce que la réforme polonaise en cours ne garantissait pas qu’on lui épargnerait des traitements inhumains et/ou dégradants.

C’est là une décision d’une grande importance, qui repose sur le souci de faire respecter les principes fondamentaux de l’UE ; et l’application de ces principes est grandement menacée en Pologne et en Hongrie ; deux pays qui suscitent de graves inquiétudes. La Cour a estimé, à l’occasion de cette affaire polono-irlandaise, que des tribunaux de pays de l’ UE pouvaient évaluer la garantie d’un procès équitable et indépendant du pouvoir exécutif dans un autre pays de l’Union. Si ce n’est pas le cas, ils doivent s’opposer à l’extradition.

Cette démarche a déjà été mise en oeuvre contre le gouvernement hongrois de Viktor Orbán en mai 2017, et contre le gouvernement Dudak en décembre 2017, la Commission s’appuyant sur l’Article 7 du Traité de l’UE pour fondement de son action.

Autre exemple, qui est survenu le même jour que l’exemple précédent : la Cour d’appel de Brême craignait que l’extradition d’un ressortissant hongrois le menaçât de se retrouver en prison dans des conditions peu conformes à la dignité humaine dans son pays natal. La Cour d’appel a donc adressé une demande à la CJUE : celui-ci a conclu que le tribunal allemand devait examiner les conditions prévisibles d’internement et décider de l’exécution ou non de l’extradition.

Ce recours de plus en plus fréquent de la Cour de justice par la Commission emmêle quelque peu les domaines juridique et politique. Evolution sans doute nécessaire, parce que les conditions d’une cohésion (et d’une cohérence…) ne sont plus réunies : des pays comme la Hongrie d’Orbán et la Pologne de Dudak ne se meuvent plus tout à fait dans la même sphère que ceux des les Etats membres qui continuent à se référer in concreto aux principes démocratiques européens. Inquiétude majeure : l’inféodation du système juridique, notamment dans les pays « de Visegrád » – mais aussi, bientôt, de l’Italie, de l’Autriche, etc ! – au pouvoir politique et à l’exécutif.

Mais le danger pointe nettement que les décisions juridiques de la CJUE se trouvent absorbées dans des marasmes, des particularismes et des crises politiques. Les signes me manquent pas. Il y a ici un risque majeur : que se passera-t-il si la Pologne, la Hongrie et autres ne s’en tiennent plus aux décisions de la cour de justice ?

Depuis 2 ans, les signes très préoccupants ne manquent pas. En 2015, quand les Etats membres de l’UE ont décidé de la répartition des migrants, Orbán a protesté et a fait recours à la CJUE. Quand les juges ont estimé justifée la décision de la Commission, le dirigeant hongrois a refusé d’en tenir compte. Et il continue de la refuser. Tout comme la République Tchèque et la Pologne…

En décembre 2017, la Commission a traduit les 3 pays devant la Cour. Décision au plus tôt en septembre 2018. Un moment d’une importance essentielle pour l’avenir de l’Union Européenne. Et de l’Europe.

Et de la Paix en 2050.

 

 

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