Pologne : Kaczyński et l’affaire qui grossit, grossit…

Les populistes contre le peuple (énième chapitre)

Jaroslav Kaczynski un jour de grande forme avec son camarade Viktor Orban Foto: Kancelaria Sejmu / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – L’Affaire Srebrna ! Mardi dernier, l’un des meilleurs journaux polonais, la Gazeta Wyborcza, a publié la transcription d’enregistrements savoureux de Jarosław Kaczyński, fondateur et président du parti au pouvoir, le PiS, ancien président du Conseil des ministres, frère jumeau du défunt président de la République, Lech Kaczyński. Pas net, l’ascète ? Encore un cas de populisme contre le peuple…

Jarosław Kaczyński aime se présenter comme un dirigeant irréprochable, austère même. Mais hélas, la réalité ne correspond pas à son Idealbild… Et l’affaire va faire du bruit, beaucoup de bruit en Pologne. On parle déjà de l’« Affaire Srebrna »…

La Srebrna est une entreprise que dirigent quelques petits copains de Kaczyński, et ils s’amusent bien. Cette entreprise se proposait d’édifier un bâtiment gigantesque à Varsovie. Les Polonais au parfum appelaient ce monstre virtuel de 190m de haut la Srebrna Tower ou la K.Tower… Or, l’entreprise Srebrna appartient essentiellement à une fondation que préside Jarosław Kaczyński et qui porte le nom du frère jumeau de Jarosław : Lech Kaczyński,président de la République, a disparu lors du crash de Smolensk qui, en août 2010, avait décimé la classe politique polonaise.

La Srebrna possède un nombre impressionnant de bâtiments varsoviens : parmi eux, celui où siège le parti PiS, et des bâtiments voisins dans l’arrondissement de Żoliborz. Des collaborateurs de Kaczyński siégeaient au conseil d’administration ; actuellement, il semble qu’il y reste une proche de la famille de Kaczyński, Janina Gross, et l’adjoint du chef du parti, Jacek Cieślikowski.

Ce bâtiment babylonien, s’il eût existé, eût rapporté entre 6 et 7 millions d’euros par an, selon l’estimation du journaliste de la Gazeta Wyborcza … Mais Saint Jarosław aimait à répéter qu’ « on ne fait pas de politique pour de l’argent ». Mais la réalité ne correspond pas à cette belle façade.

Le financement du projet Srebrna était disponible ; la banque Pekao S.A. (la banque au bison mazovien) avait accordé un crédit d’1 milliard de złotys (300 millions d’euros) d’investissement. L’entreprise de construction choisie était celle de Gerald Birgfellner, un ressortissant autrichien plus ou moins apparenté à Kaczynski. Mais pas de bol : la mairie de Varsovie n’est pas aux mains du PiS, mais dans celles de la Plateforme civique, le principal parti d‘opposition – comme d’ailleurs à peu près toutes les grandes villes de Pologne. Et cette mairie, avant 2017 déjà, limitait la hauteur des bâtiments constructibles à 30 mètres… Et patatras ! Le beau projet lucratif de Kaczyński a achevé de s’écrouler lorsqu’en novembre 2018, la Plateforme civique a derechef remporté les élections municipales.

Herr Birgfellner n’est pas content : puisque le projet ne peut se réaliser, la Srebrna lui refuse le règlement des 9 millions d’euros qu’elle lui doit. Et l’homme d’affaires autrichien lui fait un procès pour escroquerie. Kaczyński, d’après les enregistrement publiés par la Gazeta Wyborcza, aurait participé à 20 entretiens au moins concernant le projet, ce qui enfreint la loi sur les activités des députés. Il y a donc mélange des genres : parti, Etat, intérêts privés, disposition personnelle illégale de 300 millions d’euros de crédit… L‘affaire est en train de détruire le mythe laborieusement construit par Kaczyński de sa modestie et de sa transparence.

Saint Jarosław, austère, désintéressé et qui aime tant le peuple qu’il l’utilise (comme tout bon populiste) pour asseoir sa fortune, dérape sur son auréole gonflable et risque fort de se retrouver dans le décor.

 

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