Pologne : la réforme ne passera pas

Une justice au service du pouvoir politique

Le ministre de la Justice polonais, Zbigniew Ziobro Foto: Piotr Drabik/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Lundi dernier, la Cour de justice de l’Union Européenne a rejeté la réforme de la justice polonaise qu’a entreprise depuis 2015 le PiS, le parti populiste au pouvoir. Une décision qui va pour ainsi dire de soi, malgré l’effritement progressif de cette réforme qui, au départ, évoquait très fort la Sanacja (assainissement) des années 1920, à l’époque du Maréchal Piłsudski. Reste cette clause qui voudrait licencier les juges de la Cour suprême âgés de 65 ans. La CJUE ira-t-elle jusqu’à mettre en œuvre le fameux Article 7, et prendra-t-elle des sanctions contre Varsovie ?

Les escarmouches contre Kaczyński et ses camarades au pouvoir durent en réalité depuis 2015. Cette année là déjà, l’exécutif polonais croque dans le Conseil constitutionnel et invente un système de nomination qui lie adroitement ce secteur juridique clé aux décisions du gouvernement. Puis les vilaines pattes populistes gratouillent avec maestria le parquet, et les statuts des tribunaux de droit commun sont partiellement transformés. En 2017 , le président de la République, lui-même issu du PiS, propose la modification d’un certain nombre de clauses importantes ! Il est vrai que parmi ces clauses, celle qui lui plaisait le moins était celle qui accordait plus d’importance au ministre de la Justice qu’au président…

Arrive donc à ce moment la partie qui pour le moment a résisté aux attaques des institution européennes et fait l’objet du rejet actuel : à savoir, la réforme du Conseil national de la magistrature et de ce qui, en Pologne, correspond à la Cour de cassation, à savoir la Cour suprême. Ici, le gouvernement veut se tailler la part belle dans le processus de choix des juges. Et veut les licencier à partir de l’âge de 65 ans, contre 70 jusqu’à présent.

Pourquoi ? Souci d’une justice djeun et branchée ? Non non : il s’agissait, dans l’esprit du PiS, de débarrasser le pays des miasmes reliquaires du communisme en débarquant des magistrats en place depuis… très longtemps. Mais ce n’est là qu’un prétexte : en effet,, le nombre de juges en poste depuis avant 1990 est très restreint, de l’ordre d’à peu près 20 %.

Selon la mouture actuelle, en réalité, 40 % des juges de la Cour suprême devraient se retrouver à la retraite, y compris la présidente. Cette décision est anti-constitutionnelle… En 2017, il était même question de former un Conseil de « recours extraordinaire », qui aurait le pouvoir de réexaminer les décisions prises depuis la promulgation de la Constitution démocratique, c’est-à-dire en 1997. Voilà qui est particulièrement inquiétant ! Par ailleurs, un Conseil disciplinaire, dirigé par le ministre de la Justice, devait rendre des verdicts concernant les juges … Une intervention directe de l’exécutif dans le judiciaire, en somme : c’est là une caractéristique propre aux régimes dictatoriaux, incontestablement.

Peut-on s’attendre à des sanctions de la part de la Cour de Justice ? Elles correspondraient en effet à la mise en œuvre du second volet de l’Article 7, suspendu aussi au-dessus de la tête des nationaux-populistes hongrois de Viktor Orbán. La Pologne ne disposerait alors plus de sa voix lors des votes du Conseil de l’Europe. C’est peu probable : les Etats membres devraient pour cela voter à l’unanimité en faveur des sanctions, et il y a fort à parier que Varsovie ne votera pas contre elle-même ! La Hongrie, d’ailleurs, l’appuiera.

La balle est dans le camp de Zbigniew Ziobro, le ministre de la Justice de Pologne. Mais il faut que les institutions européennes continuent à montrer la même pugnacité face aux dictatures naissantes, en son sein même.

Lire : https://eurojournalist.eu/pologne-danger-imminent-pour la democratie/

 

 

 

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