Pologne : pour aller où ?

La Théocratie des Bérets de laine

Radio Maryja, le poison le plus virulent de la Théocratie Rydzyk ! Foto: Piotr Drabik/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – De quoi est fait au juste le « populisme » au pouvoir en Pologne ? Vers quoi se dirige le pays ? On s’en doute : répondre à la première question, c’est largement répondre à la seconde… Et l’actualité n’est pas faite pour nous rassurer.

Les difficultés de la Pologne à sortir d’un exercice autoritaire du pouvoir politique n’a échappé à personne – surtout pas aux Polonais eux-mêmes. Mais quelles en sont au juste les causes ? Encroûtage hérité de l’époque communiste, ou bien calotinage et cléricalisme ataviques ? C’est évidemment les deux à la fois, et un peu plus compliqué que cela. Et pourtant…

La problématique occupe les esprits de nombre d’ intellectuels polonais… et les colonnes de Gazeta Wyborcza, en ce beau mois d’août agité à l’Est. Le politologue Roman Kuźniar, politologue et professeur à Varsovie, parle de « Néo-bolchévisme » ou de « bolchévisme national ». Il y retrouve un certain rapport au pouvoir et à son exercice. Il est vrai qu’on y décèle, sans ses aspects sanglants et goulaguiens, des aspects bien connus : tout le pouvoir au nom du peuple ; s’inventer des ennemis et les déshumaniser (aujourd’hui, étrangers et LGBT) ; primauté du pouvoir sur le droit ; concentration sur le pouvoir en tant que tel. Et instrumentalisation du peuple ! (aujourd’hui, par les médias et le ministère de la Culture).

Au contraire, Stanisław Obirek (professeur) et Artur Nowak (journaliste) qualifient le régime PiS actuel de « Théocratie Rydzyk ». L’expression est savoureuse. Oui, il s’agit bien sans doute de faire dévorer la politique par la religion. Mais peut-être cela revient-il seulement à insister sur des aspects différents et complémentaire de ceux qu’avance Kuźniar. Populisme ? Il est vrai que cette étiquette, malgré sa relative validité, est trop large. En trois mots : le fait de conférer à la notion de « peuple » une valeur absolue. Très commode, mais on précise trop rarement ce qu’on entend par ce mot. Pour le populisme de gauche, on insistera sur la « lutte des classes » ; pour ceux de droite, sur une sorte de pseudo-substance intangible, souvent fantasmée comme éternelle (le Général De Gaulle avec « la France », par exemple).

Dans le régime PiS, on trouve plusieurs caractères essentiels du « populisme » tel qu’il est décrit dans plusieurs ouvrages. Mais il revêt indéniablement quelques spécificités polonaises. En réalité, que s’est-il passé depuis 1989, depuis les victoires de Solidarność contre le communisme stalinien d’importation ? L’exclusivisme politique et les tendances totalitaires que décrit Kuźniak sont bien présents ; mais s’y ajoute ( no scoop) la rencontre incestueuse de la religion et du pouvoir étatique. On peut en suivre aisément l’histoire et l’évolution. C’est en ce sens que les deux intellectuels estiment que les facteurs pathologiques qui affectent la démocratisation du pouvoir après 1990 est plutôt le fait de l’Église catholique que des torsions et durcissements dus à des habitudes héritées du communisme d’État.

En un mot, le cléricalisme. L’Église se mêle très… intimement à la politique. Plus concrètement encore : par l’action infatigable et lourde de conséquences du rédemptoriste Tadeusz Rydzyk (né en 1945). Rydzyk, qu’on surnomme Papa Directeur (Ojciec Direktor) ou « le Chef de la Coalition des Bérets de Laine » (c’est-à-dire de la Pologne rurale profonde) a édifié un conglomérat de médias, et essentiellement, Radio Maryja : un puissant vecteur pour le créationnisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’homophobie, très influent dans tout le pays.Un média naguère très admiré par Jean-Paul II ! Mais qui a subi les foudres du Pape actuel (qui malgré sa myopie, a peut-être lu les Evangiles un peu plus attentivement que Monsieur Wojtyla). Radio Maryja : un média qui a fait réintroduire la religion à l’école ; une voix grinçante qui a initié l’actuelle campagne anti-LGBT.

Et cela en pleine symbiose avec le parti populiste au pouvoir, plus précisément avec le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro. En pleine confrontation avec l’Union européenne, Ziobro (fondateur d’un parti dissident du PiS, Solidarité Pologne) a octroyé ces derniers jours à la commune de Tuchów, auto-proclamée « zone libre de LGBT », trois fois plus de fonds que ce que l’UE lui retirait pour illégalité…

Et beaucoup, avec raison semble-t-il, attribuent à Ziobro l’intention de préparer les esprits à un POLEXIT, une sortie de l’Union ! Au profit de qui ? De Vladimir Poutine ?

Le Tsar contemple la carte de l’Europe orientale : Est de l’Ukraine… Belarus… Pologne… Et puis, les pays baltes ? De belles années devant moi, murmure-t-il en caressant sa chevalière vide.

A noter : un article tout frais sur le Courrier d’Europe centrale, http://courrierdeuropecentrale.fr/ à propos du rôle des femmes dans le mouvement Solidarnosc, à partir de 1980. Excellent et passionnant.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste