Poltron et Sofa
José Manuel Lamarque n’a guère apprécié le manque de politesse de Recep Tayyip Erdogan et – de Charles Michel. Pauvre Europe…

(José Manuel Lamarque) – A l’occasion d’une énième rencontre entre l’Union européenne et le Sultan d’Ankara, l’UE s’est déconsidérée en les personnes de Monsieur Charles Michel, Président du Conseil européen et de Madame Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne. La farce a tourné au profit du Sultan et une nouvelle fois ridiculisé les représentants de l’UE. On imagine qu’une telle entrevue fut préparée bien à l’avance, entre les autorités turques et la représentation de l’UE à Ankara. L’ordre protocolaire fut respecté, sans aucun doute, mais la courtoisie européenne fut bien absente. Ce fut une mauvaise pièce de théâtre de boulevard.
Un Sultan sans limites – On connaît le Sultan, prêt à tout, qui n’hésite pas à occuper la basilique chrétienne Sainte Sophie pour en faire une mosquée, tout comme l’église Saint-Sauveur-in-Chora, remettre en question le Traité de Lausanne sur les frontières, ne plus respecter le traité de Montreux sur les détroits, ignorer les zones exclusives économiques ; fermer les yeux sur les actions de Daesh et de l’EI en Syrie, en laissant se faire massacrer les courageuses et superbes combattantes kurdes ; n’avoir de cesse de menacer la Grèce et Chypre et prolonger son chantage aux migrants face à l’UE, sans parler de son « soft power » en Europe, surtout à Strasbourg où le bâtiment du consulat et de la représentation turque auprès du Conseil de l’Europe à des allures de bunker.
De la honte au désespoir – Face au Sultan, ils étaient deux, le Président du Conseil de l’Europe et la Présidente de la Commission européenne. Sont-ils allés à Canossa, ont-ils joué les bourgeois de Calais ?… En tout état de cause, ils furent pitoyables. On connaît les intentions du Sultan que rien n’arrête, mais c’est manquer de courage, d’aplomb, de force que de ne pas lui faire face. Charles Michel, le président du Conseil européen est apparu aussi falot qu’insignifiant. Représentant les chefs d’état et de gouvernements européens, ils le sont fort mal, représentés. Quand à Madame von der Leyen, il lui a manqué ce petit rien qui fait tout. Face au Sultan, il faut être grand Mogol… quand Charles Michel est placé, même protocolairement, il faut toujours montrer à l’autre ce que l’on est et ce que l’on représente, cela s’appelle garder son rang. Quand on est deux, on reste deux. La diplomatie demande toujours du courage, de la hardiesse, de la finesse, à la condition d’être bien élevé. Monsieur Michel n’a rien de tout cela. Il s’est assis auprès du Sultan, bien content d’avoir un siège, il aurait pu avoir un strapontin. Jamais ne lui est venue l’idée d’attendre Madame von der Leyen et de se soucier de sa place, jamais. Ainsi la présidente de la Commission européenne a été assignée à un très grand canapé.
Le scandale ou la soumission – Dans ces conditions, il faut réagir. Soit Monsieur Michel demande un siège pour la présidente, soit il va rejoindre Ursula sur le canapé. Mais rien de cela, il a courbé l’échine devant le Sultan, qui ne portait pas de mules, sinon Michel les lui aurait baisés. Quant à notre chère Ursula, on imagine bien que son sang ne fit qu’un tour, mais dans ce cas, il faut toujours s’opposer pour résister. Donc, on tourne les talons, on rejoint son auto, son avion pour Bruxelles en créant un précédent, cela s’appelle marquer son territoire. Bien au contraire, elle fut la docilité même, ce qu’il ne faut jamais faire devant le Sultan. Quant à Monsieur Michel, refuser et partir avec Madame von der Leyen aurait été le camouflet rehaussant l’image de l’Europe. Entre la mollesse de Michel et la petitesse d’Ursula, une nouvelle fois l’Europe s’est couchée…
Oser, c’est gouverner ! – A travers un évènement de salon, c’est l’image de l’Europe qui, une nouvelle fois, a été mise à mal. Mais aussi -et surtout !- à l’heure où le Sultan vient de retirer son pays de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, marquer son territoire, tenir tête au Sultan, aller jusqu’à l’incident diplomatique face au Sultan, eut été un message adressé aux femmes turques qui aujourd’hui, sont bien seules et isolées, livrées à elles-mêmes face aux assassinats à venir, et l’impunité pour le meurtrier. L’Europe s’est, une nouvelle fois, ridiculisée face à l’autocrate. Et dire que les femmes turques obtinrent le droit de vote en 1934 grâce à Atatürk, alors qu’aujourd’hui, elles sont réduites à toutes les soumissions, et à l’obscurantisme. Accepter l’allégeance par l’abandon, ne fera que renforcer les Eurosceptiques qui, il faut le dire, auront bien raison. Car ce 6 avril 2021 a revêtu les oripeaux des accords de Munich en septembre 1938, et aura le goût de la non-intervention durant la guerre d’Espagne.
« Quelle rage a-t-on d’apprendre ce qu’on craint toujours de savoir ! » (Beaumarchais) – Quelle conclusion, pour quelle entrevue ?… Rien, sinon comme l’explique la locution latine, fine origine pendent, la fin dépend du début… le début est minable depuis longtemps face au Sultan, la fin ne pourra qu’être tragique. Aujourd’hui, les femmes turques paieront le prix de la cécité bruxelloise, parce que ces dirigeants européens-là n’ont jamais su être la marge qui éclaire la page…
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