Portes ouvertes : Quel sens à la visite au PE à Strasbourg ?
Antoine Spohr a visité la «Journée Portes ouvertes» samedi au Parlement Européen à Strasbourg. Comme 18.000 autres visiteurs, mais avec un regard un peu différent.
(Par Antoine Spohr) – «Portes ouvertes» au Parlement Européen de Strasbourg samedi, comme chaque année, pour la Fête de l’Europe, traditionnellement célébrée le 9 mai, date choisie pour commémorer la déclaration de Robert Schumann de 1950, amorce de la grande aventure européenne. Ouvertes certes une semaine plus tôt, mais pas au large, le plan Vigipirate contraignant les hôtes à assurer une sécurité renforcée comme dans un aéroport. Bilan : des goulots d’étranglement créant des queues interminables jusqu’à plusieurs centaines de mètres avant le parvis. Admirable, la patience de cette longue file dense de gens de tous âges dont le désir de pénétrer à l’intérieur de l’édifice est encore attisé par l’attente.
Pour quoi ? «Du pain et des jeux» ou des ballons et des monceaux de papiers, documents, dans une ambiance festive alliant «oumpapa», folklore, musique classique, jongleurs… puis frites et merguez, tartes flambées, bière ou autre.
Foule, à la vérité peu sentimentale à laquelle s’adressent à grand peine les animateurs des «stands» les plus divers, invités, pourvu que l’Association ait un rapport avec l’Europe. Evidemment, un rapport favorable ce qui est le cas pour le Mouvement Européen Alsace qui, comme la Maison d’Europe, relaye l’action sur le territoire national et dans toute l’Europe. Les autres qui affichent aussi une belle et ardente adhésion à la construction européenne ont également beaucoup de mérite car les motivations sont identiques et les moyens parfois moindres.
Bien sûr, l’institution elle-même présente son travail et ses collaborateurs à travers le Secrétariat Général qui décline ses Directions Générales, neuf en tout, avec la distribution généreuse de documentation ou gadgets divers.
Des espaces très vastes sont réservés aux partis politiques, le PPE largement représenté comme son rival le PSE, tenu à distance, géographiquement. N’y voyons pas une crainte malicieuse de voir s’afficher une animosité quelconque entre les deux mastodontes. Selon un haut fonctionnaire néerlandais du PE, les relations entre ces deux composantes essentielles se sont détendues depuis les dernières élections européennes. On y voit bien sûr une raison évidente : la montée en puissance menaçante des extrêmes. Des microcosmes communaux au macrocosme européen, en passant par les Etats, se répand cette tendance à partager, même un tant soit peu, quelques parcelles de pouvoir même lorsque cela n’est pas absolument requis par les résultats électoraux. On pense à l’Eurométropole de Strasbourg où le président Robert Hermann (PS) a sollicité la participation d’une partie significative de l’opposition, sans pour autant en venir à une condamnation de type «UMPS», chère au FN. A tous les niveaux dans l’interface, centristes (ADLE) comme écologistes (Verts/ALE) ont un rôle important à jouer.
A quoi bon cette opération «Portes Ouvertes» à rayonnement si limité ? – La presse écrite locale en tire un bien timide et court «4 colonnes» sur la dernière page du cahier local «Strasbourg». 18.000 visiteurs ? C’est bien, mais c’est le chiffre moyen, récurrent, de match et match, des spectateurs des stades de football d’équipes professionnelles en Europe.
On se demande alors à quoi çà sert. Le rayonnement du Parlement dont les élus en terrible majorité veulent partir pour Bruxelles ? On peut alors imaginer parmi les visiteurs, des irréductibles (façon Petibonum à l’envers) qui feraient de leur côté office de rempart indéfectible contre ce transfert non autorisé par les traités. Le nombre des députés européens hostiles à Strasbourg, ne cesse de croître. La tendance «14e Région de France», accompagnée voire suscitée par des quasi autonomistes, ne bonifie pas la vision ou la considération dont bénéficiait l’Alsace, pas même à sa culture, pas plus qu’à son vin.
Quelques aficionados qui se retrouvent chaque année aux «Portes Ouvertes» et d’autres manifestations pro-européennes locales, sont inquiets. Le PE «fout le camp» ; il faut se battre (Task Force de lobbying de 50000 euros pour un professionnel à Bruxelles) sans capituler… sauf à considérer un plan B que tous les «avertis» connaissent. Certains refusent radicalement, d’autres l’accepteraient sous certaines conditions et le gros des troupes s’en fiche. L’Europe est en crise, on le sait mais on le nie aussi ici ou là, en dépit des colifichets distribués en grande bonté, sans effet.
Ne pas faire cette manifestation serait sans doute une erreur mais, de grâce, qu’on trouve un moyen de l’étendre à l’Europe. Comment ? Une simple levée des couleurs, l’hymne européen, une volée de cloche, un pot sur le parvis de la mairie après un dépôt de gerbe… Peu, mais partout.
Merci pour cet article qui tire encore une sonnette d’alarme dans la stridence et le silence environnants. Au Lieu d’Europe ouvert en parallèle et tout près l’on suggérait, au moment même où se prolongeait la longue file d’attente devant le bâtiment Louise Weiss, que l’engouement populaire qui ne se dément pas pourrait être canalisé par exemple tous les premiers samedis du mois : de cette manière, les Européens, effectivement venus de plus loin, s’approprieraient ce lieu, même et surtout s’il est moins durable que symbolique.
En voyant les graves et patients visiteurs s’avancer lentement, en cortège mi-réfugié, mi-funèbre, devant les gravats laissés par le Parc d’expositions qui tombe en poussière – pour donner, je crois, notamment plus d’extension au Parlement européen, je songeais qu’un peu d’imagination nous aiderait sûrement à ouvrir les yeux, dont EurOpe constitue et porte depuis trois millénaires la vocation de Large-Vue, sur le vaste monde dont la peine gronde autour de nous, mais qui est en train de naître dans les décombres de l’aveuglement… Et, pourtant, je viens d’apprendre que la connexion numérique d’une bonne partie de la Robertsau est d’une faiblesse à faire pleurer de désespoir ou d’indignation, paralysant les réseaux les plus audacieux, les antennes les plus jeunes, bloquant toute tentative d’entrevoir un sens pour ces foules en marche, et comme en errance !
Oui, cher Antoine SPOHR ,les Peuples, pour avancer, ont besoin d’un projet motivant, de signes et de symboles ..!
Mais quel poids ont donc les Citoyens d’Europe dans cet interminable chantier, soumis qu’ils sont au soutien plus que balbutiant des Etats?
L’initiative est quand même pas mal…..
“Panem et circenses”… ou bien, adapté aux temps modernes : “Humtata et gadgets”… mais au moins, cela a le mérite d’être vrai. La place du citoyen dans cette Europe, est celui du spectateur.