Pour éviter un retour des années 1930

Faut-il que l'Allemagne continue à donner de mauvais conseils aux autres pays européens ?

Ce ne sont pas forcément les chômeurs qui font avancer l'extrême-droite ! Foto: Blu-news.org / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Marc Chaudeur) – Depuis la semaine dernière, depuis les résultats des élections italiennes (22% des votes pour l’extrême-droite, auxquels s’ajoutent les 33% de ce parti de vénusiens déjantés qui se nomme le Mouvement 5 Etoiles) et les menaces de guerre commerciale que fait peser Trump sur l’Europe, on se reprend à craindre : l’Europe va-elle être prise de convulsions analogues à celles qui l’ont presque anéantie, voici 80 ans ?

Et voilà qu’on se met à stigmatiser les Italiens : incapables structurellement de mener à bien de vraies réformes, le sang chaud des latinos, etc. Mais il est temps de remettre les pendules à l’heure.

Un excellent document (*) se fonde sur des études statistiques pour montrer que la montée du nazisme et son accession au pouvoir, en 1933, ne sont pas tant dûs au chômage, certes astronomique, qu’à la politique d’austérité qu’avait mise en place le Chancelier Brüning en 1930. Une étude statistique fine indique en effet, grâce à ce document, que les votes des chômeurs sont allés davantage au Parti Communiste (KPD) qu’au NSDAP. En revanche, on voit qu’à l’évidence, l’augmentation des impôts, la diminution drastique du montant des retraites et des allocations familiales, dont pâtissaient principalement les classes moyennes, ont fait monter en flèche les votes nazis entre 1930 et 1933. Sans les coupes sèches de Brüning dans le budget social, menant d’ailleurs à un échec catastrophique, les nazis n’auraient pu accéder au pouvoir. Crise bancaire, récession, chômage élevé, tentatives malheureuses de nettoyer les finances publiques au moyen d’une augmentation des impôts et d’une baisse des prestations sociales; conséquence évidemment directe,  le succès massif de partis populistes autoritaires, penchant nettement vers un isolationnisme national. On avait donc déjà vu cela. Et on sait où cela a mené.

Qui et quoi est responsable de la montée de ces menaces populistes ? Le chômage ? Les politiques de gauche ? Non. Bien plutôt l’austérité, prônée par un Wolfgang Schäuble. Concrètement, on demande aux classes moyennes, non seulement de payer pour des erreurs et des malheurs (crises bancaires, surtout) dont elles ne sont pas responsables, mais encore, d’endosser la responsabilité pour les dirigeants et les crises que ces derniers entraînent par leur voracité et leur inconséquence… Et cela crée un phénomène psychologique de frustration qui grossit les rangs des partis susnommés. Non pas seulement en Italie, mais dans l’Europe tout entière (Allemagne, Autriche, France…). Les conséquences politiques des mesures européennes d’austérité sont gravissimes.

Un exemple aigu parmi d’autres: celui de la concurrence victimaire. Les catégories de la population que l’on a ponctionnées et grevées voient souvent d’un mauvais œil, hélas, les aides accordées aux migrants, si nombreux notamment en Allemagne. Une politique générale socialement réaliste n’aurait jamais occasionné les débordements national-populistes que l’on sait. A cet égard, il sera passionnant de suivre l’évolution très positive de la situation au Portugal, engagée sur une pente vertueuse.

Et il est d’autant plus ridicule – et dangereux – de prendre au sérieux les claironnements de l’entourage d’Angela Merkel, qui refuse avec arrogance toute indulgence aux Etats qui ne respectent pas les Dix Commandements de l’austérité style CDU. Olaf Scholz, futur Ministre des Finances (SPD), recommande très justement de ne pas donner de mauvais conseils aux autres pays européens : ces conseils qui ont mené les peuples à une catastrophe planétaire.

(*) Austerity and the rise of the Nazi party, Gregori Galofré-Vilà, Christopher M. Meissner, Martin Mc Kee, David Stuckler, NBER Working Paper 24106, XII-2017.

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