Pour que le chauve ait raison…

Suite à la défaite de la gauche à Madrid, aux élections régionales espagnoles, Pablo Manuel Iglesias Turrión s’est coupé les cheveux. Ainsi soit-il, et après ?

Pablo Iglesias Turrión - "savoir se retirer quand on n'est plus utile..." Foto: La Moncloa Gobierno de España / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Le 4 mai dernier aux élections régionales espagnoles, face à une droite ayant opté pour une rhétorique anticommuniste d’un autre âge faisant néanmoins toujours recette à l’extrême-droite, la gauche fut renvoyée dans les cordes sans ménagement. Une idiotie madrilène de plus, mais cette fois-ci à ne pas mettre que sur le compte de la droite.

Six candidatures : un parti de droite (Partido Popular), un parti d’extrême-droite (Vox), un parti centriste (Ciudadanos), trois partis et coalitions de gauche dont deux au pouvoir (Partido Socialista Obrero Españo, Unidas Podemos, Más Madrid). Résultat : la droite monte sur la première marche du podium (44,7%) et s’associe avec l’extrême-droite (9,1%) faisant l’appoint pour obtenir la majorité, tandis que la gauche dispersée avec un PSOE en perte de 10,5% rassemble près de 40,9% des suffrages, et exit le centre.

La percée de l’extrême-droite, agissant en parfaite opportuniste, n’a pas échappé aux commentateurs, ainsi que le retrait de la politique de Pablo Manuel Iglesias Turrión, leader emblématique de Podemos et vice-président du Gouvernement Sánchez II. Mais depuis, le choix de ce dernier de se faire couper les cheveux, a généré de l’autre côté des Pyrénées autant, sinon plus de commentaires dans la presse et sur les réseaux sociaux.

Engagé depuis l’âge de 14 ans dans des mouvements politiques de gauche, c’est en 2014, à l’occasion de la création de Podemos dont il fut le premier secrétaire général, que Pablo Manuel Iglesias Turrión acquit une stature nationale, et la même année, européenne avec son élection au Parlement Européen. Un beau parcours qui le mena jusqu’au Gouvernement en 2020, mais au regard du contexte politique local, sa candidature à l’Assemblée de Madrid en 2021, pouvait faire penser à un baroud d’honneur.

Contrairement aux ministres français, engagés dans les élections régionales de juin 2021 et non tenus de démissionner en cas d’échec, Pablo Manuel Iglesias Turrión a rendu son tablier. Ce qui en espagnol se dit aussi « cortarse la coleta » c’est-à-dire « se couper la queue de cheval ». Ce qu’il fit au sens figuré comme au sens propre, en démissionnant de toutes ses fonctions politiques et en allant chez le coiffeur.

« Quand on cesse d’être utile, il faut savoir se retirer » : une parole frappée au coin du bon sens, que nombre de leaders politiques actuels feraient bien d’appliquer, tant à gauche qu’à droite et notamment en France. En ce moment, les leaders « utiles » sont à l’extrême-droite de l’arc politique. Utiles en cela qu’ils rendent un grand service aux puissances d’argent, en tant que bras armé du capitalisme, mais aussi car ils sont considérés comme des idiots-utiles par la droite et des idiots-tout-court par la gauche.

Pablo Manuel Iglesias Turrión l’a très probablement compris, et ses capacités d’analyse politique lui ont sans aucun doute fait saisir certaines analogies entre les années 1930 et les années 2020. Le psychologue Rafael San Román Rodríguez a commenté le changement de look du leader de Podemos en soulignant que ce choix peut signifier une volonté de faire face à un nouveau défi. Ainsi y a-t-il lieu de penser que Pablo Manuel Iglesias Turrión ne va pas se retirer à El Hierro pour y élever des chèvres.

Objet de menaces de mort, comme d’autres candidats de gauche lors de la campagne de régionales espagnoles, il avait également été visé en août 2020 par les mêmes procédés, ainsi que sa compagne Irene María Montero Gil et leurs enfants. Conscient d’être devenu « le bouc émissaire qui mobilise les sentiments les plus obscurs, les plus contraires à la démocratie », il constate surtout qu’aujourd’hui il « ne contribue pas à rassembler ».

Loin du cliché « cheveux longs et idées courtes », Pablo Manuel Iglesias Turrión ne veut pas être un obstacle à une nécessaire rénovation de la politique en Espagne, qui n’a, du reste, rien à voir avec le pseudo monde nouveau macronien français. Le pays et la gauche espagnole ont plus que jamais besoin d’appliquer la leçon de stratégie politique qu’il donnait en 2014, car les chemises brunes s’empareront inévitablement du pouvoir, si le peuple ne parvient pas à conclure que « el calvo tiene razón » (le chauve a raison)…

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