Pour que vive la Mar Menor

Des citoyens se mobilisent efficacement pour sauver de l'écocide, la plus grande lagune d'eau salée d'Europe.

La Mar Menor, un écosystème où l'être humain a sa place, quand il s'en montre digne. Foto: Fanny S. Forsdik Cortina / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Dans la Région de Murcie (Región de Murcia), gouvernée par la droite depuis 1995 et où l’extrême-droite se fait maintenant une place, la défense de l’environnement a pour l’instant encore droit de cité. Ainsi un collectif de citoyens, de juristes et de militants écologistes s’est-il constitué pour, en la dotant d’une personnalité (entité) juridique, sauver la Mar Menor de l’écocide qui la menace à très brève échéance.

La Mar Menor (Mer Mineure) est la plus grande lagune d’eau salée d’Europe. D’une superficie de 170 km², soit un peu plus de la surface du Bassin d’Arcachon à marée haute, elle est fermée par un cordon littoral appelé Manga (Manche), qui permet la communication avec la Mar Mayor (Méditerranée) par trois « Golas » (gorges). Classée zone humide d’importance internationale en 1994 par la Convention Ramsar, elle connaît depuis 2016, suite à la pollution, une très importante eutrophisation de ses eaux, au point que son écosystème en soit gravement menacé.

La régression des prairies sous-marines entraîne une réaction en chaîne, aboutissant à la disparition d’espèces animales. Conscients de l’écocide se déroulant sous leurs yeux, des citoyens se sont mobilisés, soutenus par des associations (Greenpeace, Amnesty International, Ecologists in Action, Pact for the Lesser Sea), des partis politiques (PSOE, Podemos, Equo) et même le Conseil Municipal (socialiste) de la localité de Los Alcázares riveraine de la lagune. L’idéal serait de la doter d’une entité juridique, faisant ainsi de cet écosystème une personne morale pouvant être défendue légalement, mais aussi porter plainte.

Pour l’association « Por un Mar Menor Vivo » créée à cette occasion, le compte à rebours a commencé le 28 novembre. En 9 mois, il lui faut recueillir 500.000 signatures, afin de légitimer l’Initiative Législative Populaire (ILP) que l’Assemblée Régionale avait refusé d’approuver en juillet, se déclarant sur ce point incompétente. Au Congrès des Députés, donc au niveau national, une majorité est favorable à cette Initiative Législative Populaire (ILP). Mise en œuvre au niveau de la Région de Murcie, elle nécessitait le recueil de 10.000 signatures, mais engagée au niveau national, il en faut 50 fois plus, dans un pays comptant près de 47 millions d’habitants.

Ce mécanisme de démocratie semi-directe, existant dans la constitution espagnole depuis 1978, n’est pas un référendum, mais il permet de déposer un projet de loi, soumis dans un second temps au vote des élus. Tous ceux déposés jusqu’ici dans ce cadre au niveau national, l’ont été sous des gouvernements de droite, et se sont vus rejetés, y compris ceux ayant réunis plus d’un million de signatures. Mais actuellement, le contexte politique national permet d’envisager la réussite d’une telle initiative, qu’une majorité d’élus de la Région de Murcie n’est pas parvenue à contrer.

Élus qui se sont tirés une balle dans le pied car maintenant, comme le dit l’universitaire Teresa Vicente dans El Diario, ce qui se joue autour de la Mar Menor, est observé dans le monde entier. Ainsi, ce recours aux voies juridiques et constitutionnelles, pour sauver un écosystème menacé en le dotant d’une personnalité juridique, pourrait bien faire école. Et le cas échéant, ceux qui ont voulu étouffer le projet dans l’œuf, quand il pouvait alors être présenté comme une initiative régionale d’avant-garde, vont apparaître comme les derniers ringards des ringards, voire même comme les complices d’un écocide.

Des relais existent dès à présent à l’extérieur de la région autonome, comme par exemple à Barcelone, Malaga et Zamora. Le Gouvernement de la Région de Murcie est, selon Ramón Pagán, porte-parole du « Pacto por el Mar Menor » (Pacte Pour la Mer Mineure), soumis aux pressions exercées par le tenants de l’agriculture intensive. Il n’est pas exclu qu’à la faveur de cette Initiative Législative Populaire (ILP), l’origine et le but des pressions changent radicalement. L’alliance de droite Parti Populaire (PP) – Ciudadanos (Cs), à laquelle l’extrême droite (Vox) fait ici de l’œil et du pied, pourrait alors connaître le sort du Titanic, en coulant misérablement dans la lagune…

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