Pour une meilleure Europe : les propositions de l’Institut Veblen

Commerce, commerce ! Est-ce que j’ai une gueule de commerce !

Le Commerce et les Communications, à Washington Foto: Dan Vera/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Pendant que la démagogie et la surenchère font rage au plan national et d’ailleurs dans la plupart des pays européens, certains réfléchissent et essaient d‘aller droit à l’essentiel. C’est le cas, notamment, de l’Institut Veblen. Pour l’Institut, c’est la politique commerciale toute entière de l’Europe qu’il faut transformer de fond en comble, et dont il faut mettre à bas l’hégémonie indiscutée. Et cela pour installer la lutte contre la pauvreté, pour une bien plus grande égalité sociale et une économie de transition réellement écologique !

L’Institut, fondé en 2010 et que préside actuellement Philippe Frémeaux, s’inspire peu ou prou des conceptions de l’économiste américain (d’origine norvégienne) Thorstein Veblen (1857-1929) ; un économiste passionnant et qu’on pourrait qualifier de social-démocrate non-conformiste… Récemment, l’Institut a accentué son penchant écologiste en s’associant avec la Fondation Nicolas Hulot, du nom de ce célèbre ministre bébé-coucou qu’on a expulsé du nid douillet libéral.

Dans un document-résumé très consistant (https://www.veblen-institute.org/), les auteurs font remarquer d’abord, en somme, qu’on offre actuellement aux Européens une sorte de gigantomachie en mégavision : un grand spectacle avec monstres, hercules, saints et diablotins où les fiers-à-bras du show masquent l’essentiel. En effet, les accords commerciaux entre léviathans économiques (TAFTA transatlantique, TPP transpacifique, RCEP, Chine et voisins) masquent les enjeux et les dangers liés aux crises multi-facettes que nous vivons actuellement : la crise écologique, la crise sociale (10 % de la population mondiale sous le seuil de pauvreté, croissance vertigineuse des inégalités depuis 30 ans, presque partout – un peu moins en Europe qu’ailleurs…)

Ce qui paraît surprenant, c’est que si beaucoup de partis politiques appellent à des changements radicaux du modèle actuel, déterminé par la croissance du PIB, le productivisme et la consommation de masse, pas un seul n’est réellement attentif aux règles de la politique commerciale, qui revêtent pourtant une importance considérable. Ce sont eux qu’il faut repenser complètement, estime l’Institut.

Deux principes, affirme-t-il, gouvernent l’économie européenne (et mondiale) et empêchent une considération concrète des enjeux écologiques. C’est que d’une part, le droit commercial international occupe la toute première place, jusqu’à présent indéboulonnable, dans l’ensemble de tous les autres secteurs de régulation. Une constatation frappante : si les règles internationales du commerce, contraignantes, sont édictées par l’OMC ou par des accord bilatéraux, les règles environnementales, sociales ou fiscales, elles, restent définies à un échelon moins large, c’est-à-dire national : l’Accord de Paris sur l’environnement, par exemple… Une contradiction fâcheuse, qui nuit beaucoup à l’efficacité de telles décisions.

Par ailleurs, le commerce est devenu un but en soi, et entre ainsi très souvent en contradiction avec les autres politiques publiques : avec pour conséquence l’enfermement de nos sociétés dans un système désastreux sur le plan social et écologique. Les Etats se contraignent ainsi à s’auto-limiter et s’empêchent de mener une transition écologique et sociale nécessaire. C’est bien évidemment le cas de la Commission Européenne.

Pour ce qui concerne l’Union Européenne, l’Institut Veblen et la Fondation Nicolas Hulot estiment qu’il convient de poser un moratoire sur les accords en cours de négociation ou de ratification, dont le CETA (entre UE et Canada), et renégocier les accords déjà appliqués, comme le tout récent JEFTA (entre UE et Japon). Plus largement, c’est la domination et l’extension mondiales du libre-échange qui causent des problèmes que l’on sait.

En vue des toutes proches Elections Européennes, le document de l’Institut et de la Fondation expriment 14 Propositions « pour faire de la politique commerciale européenne un levier de la transition écologique ».

En bref : garantir le contrôle démocratique de la politique commerciale européenne, promouvoir le respect des normes internationales pour tous les produits commercialisés dans l’UE, conditionner toute négociation commerciale aux engagements internationaux (droits humains, lutte contre le changement climatique, évasion fiscale) ; possibilité réelle de suspendre les accords de commerce si ces engagements ne sont pas respectés ; augmentation des droits de douane pour les produits nocifs (ressources fossiles, huile de palme,…) ; préservation des marges de manœuvre des Etats et de leur capacité de régulation ; respect des règles européennes pour les produits importés ; taxe carbone et ajustement de cette taxe aux frontières. Enfin, réduction des impacts du transport international de marchandises.

Voilà qui pourrait aider puissamment à l’édification d’une Europe meilleure, d’une Europe plus proche de celle que nous souhaitons ! Ces propositions s’accompagnent, sur le document, de précisions et de commentaires très complets, qu’il est très roboratif de lire et qui en tout cas, rehaussent considérablement le débat tel que nous l’infligent certains médias ! Elles dessinent la carte d’une Europe qu’on pourrait dire à dominante social-démocrate… En tout cas plus juste et plus respirable.

Une adresse e-mail : dupre@veblen-institute.org

 

 

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