Pour une fois, le dysfonctionnement européen est rassurant…

La décision du Parlement Européen de signer le CETA, traité sur les libres échanges entre l’Union Européenne et le Canada, doit être validée par les gouvernements. Bonne chance…

On ne sait toujours pas très bien à quoi sert le CETA entre le Canada et l'UE... Foto: Furfur / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Normalement, le dysfonctionnement de l’Europe intergouvernementale est embêtant. Le sacro-saint principe de l’unanimité entre 28 états qui défendent tous des intérêts divergents, empêche presque toutes les décisions politiques importantes et a généré une sorte de paralysie politique. Réfugiés, défense européenne, politique étrangère, politique sociale etc. – rien ne fonctionne. Car pour tout, il faut que les 28 soient d’accord. Et il se trouve toujours un pays qui n’est pas d’accord. C’est ce qu’il faut espérer en ce qui concerne le CETA. Qui lui, constitue encore une fois la preuve que la politique européenne ne se soucie que peu de l’opinion de ses citoyens et citoyennes.

Un sondage récent en Allemagne a montré que seulement 18% des sondés étaient en faveur de ce traité sur les libres échanges qui, malgré de longues négociations, présente toujours des éléments plus que critiques, comme l’arbitrage entre les entreprises canadiennes et les états européens en dehors du système juridique, comme la baisse de standards sociaux et de sécurité alimentaire et ou encore l’ouverture des marchés européens même dans des secteurs où ce sont les entreprises publiques européennes qui sont actives. Le tout, dans le vague espoir que l’abolition des droits douaniers sur 1300 produits et services puisse générer une croissance supplémentaire de 0,05% en Europe. Dans le meilleur des cas et sans aucune garantie que cette croissance se matérialise.

Les défenseurs du CETA argumentent que face à la concurrence globale, il est important de créer des alliances normatives. Mais à quel prix ? Et est-ce qu’il est vraiment nécessaire d’abolir des règles démocratiques pour obtenir un tel accord ? C’est aussi la façon de négocier ce CETA (et le TAFTA dont le nouveau président américain ne veut plus) derrière des portes fermées, visant à faciliter la vie des multinationales au détriment des citoyens, qui provoque des réactions de rejet dont les responsables politiques en Europe se fichent pas mal. La façon de négocier ces accords, en excluant l’opinion publique et pendant longtemps, même les élus nationaux et européens, donne à réfléchir. Qui veut de cette Europe qui agit contre le mandat qui lui a été conféré par les 500 millions d’Européens et Européennes et qui se comporte en fidèle agent des « marchés » et des multinationales ?

Mais, heureusement, le CETA devra être ratifié par les 28 états-membres et plusieurs « votes-test » ont déjà montré qu’il ne passera pas. Pour une fois, la paralysie politique de cette Europe intergouvernementale aura quelque chose de positif – car en l’état, le CETA ne survivra pas les décisions des 28 états-membre.

Une nouvelle fois, l’Europe se présente comme un « monstre technocratique » vis-à-vis de ses citoyens. Un monstre qui n’agit pas dans l’intérêt de ses citoyens, mais qui brade des acquis sociaux et politiques européens dans l’intérêt de multinationales et donc, du grand capital globalisé. De nombreuses questions restent pour l’instant sans réponse. Est-ce que ces multinationales profiteront des systèmes d’évasion fiscale proposés par le Luxembourg et d’autres pays ? Est-ce qu’il est vraiment nécessaire d’avoir ce type d’accord pour coopérer avec des états avec lesquels on entretient de bonnes relations ? Est-ce qu’il est vraiment nécessaire de baisser nos standards pour faciliter les affaires de groupes multinationaux ? Est-ce que le CETA pourrait profiter aussi aux entreprises américaines par le biais de filiales ou sièges installés au Canada ?

Dans ce contexte peu clair, il aurait été important que le Parlement Européen se comporte comme le défenseur des intérêts des citoyens et citoyennes européens. Il a opté pour la défense des intérêts des multinationales. Et chaque eurodéputé ayant voté en faveur du CETA, ne devrait pas s’étonner si en 2019, il ne sera pas réélu. Et pour une fois, on peut pousser un « ouf » de soulagement que l’Europe fonctionne (encore) aussi mal. C’est ce dysfonctionnement de l’Europe intergouvernementale qui risque de nous sauver du CETA. Et peut-être les grands responsables européens se rendront enfin compte que l’avenir européen ne peut que passer par une Europe fédérale et démocratique. Mais probablement, il faudra attendre les élections européennes en 2019 et l’arrivée d’une nouvelle génération de responsables politiques européens pour que les choses évoluent. A nous d’y penser en allant voter en 2019 – on a grandement besoin d’un vent frais sur les institutions européennes…

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