Pourquoi la politique allemande ferme les yeux en ce qui concerne la Turquie

La politique allemande fait semblant que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes en Turquie. Comme souvent, cette attitude est motivée par – l’argent.

Aussi longtemps que les bateaux déchargent des marchandises allemandes en Turquie, la politique allemande fermera les yeux face aux agissements d'Erdogan. Foto: Jorge Andrade, Rio de Janeiro / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – L’évolution en Turquie est inquiétante. Plus de 13000 personnes incarcérées, 60000 licenciements dans le secteur public, des journalistes en prison, un peuple surchauffé par la propagande qui réclame la ré-instauration de la peine de mort – et la politique allemande continue à déclarer qu’il ne faille surtout pas interrompre les négociations quant à une adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Donc, au lieu d’exercer un maximum de pression sur Erdogan, la politique allemande ferme les yeux. Et ce, non seulement pour que la Turquie garde les réfugiés syriens dans le pays, mais pour une raison encore beaucoup plus simple – l’argent.

On comprend mieux pourquoi certains responsables politiques allemands préfèrent fermer les yeux devant ce qui se passe actuellement en Turquie lorsque l’on regarde le bilan commercial entre les deux pays. En effet, la Turquie est le 14e importateur de biens allemands qui a importé des marchandises allemandes d’une valeur de 22,4 milliards d’euros en 2015. Dans le sens inverse, l’Allemagne a importé des marchandises turques d’une valeur de 14,5 milliards d’euros et cet excédent de la balance commerciale – assure des emplois en Allemagne. Surtout dans la mesure où l’Allemagne exporte beaucoup de voitures vers la Turquie – et ce qui assure l’emploi dans l’industrie automobile en Allemagne, est sacré.

Voitures, camions, pièces détachées – la politique allemande n’a visiblement pas envie de trop froisser ses partenaires turcs. Mieux vaut un client qui bafoue les Droits de l’Homme que de perdre un client à quelqu’un d’autre, sachant que la Turquie pourrait acquérir ses automobiles aussi ailleurs.

L’Allemagne, dont l’économie dépend fortement des exportations, ne souhaite pas perdre un marché important et axé sur son industrie fétiche, l’automobile. L’excédent commercial de 8 milliards d’euros assure donc des emplois en Allemagne et le succès des entreprises du secteur de l’automobile.

De son côté, l’Allemagne importe beaucoup de textiles depuis la Turquie, mais également des pièces détachées pour voitures, ou encore des noix et fruits séchés (pour une valeur de 460 millions d’euros par an). Ainsi, la Turquie se trouve dans une situation comparable à celle de l’Allemagne – son industrie textile et l’agriculture ont également besoin du marché allemand.

Conséquence – on ferme les yeux face à ce qui se passe actuellement en Turquie – pour ne surtout pas déranger la bonne marche des affaires. Mais considérant que la majorité des Allemands souhaitent que l’Europe stoppe les négociations avec la Turquie et qu’il y ait aussi une majorité demandant à ce que l’accord sur les « échanges » de réfugiés soit annulé, la politique allemande devra peut-être revoir sa copie. La Realpolitik a aussi ses limites.

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