Pourquoi nous n’avons pas couvert les Eurocks…

… et pourquoi nous ne couvrirons pas les éditions suivantes

Allez, sans rancune. Décidement, nous n'avons pas les mêmes valeurs... Foto: Tobias Wolter / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Rédaction) – Eurockéennes de Belfort, une histoire sans heurt, au début. Process habituel. Coup de fil à Ephélide, la société parisienne en charge des relations presse pour ce festival que nous couvrions encore l’an dernier pour Eurojournal. Demande d’accréditations dans les délais impartis pour deux de nos reporters, réception des codes presse, inscription, validation de l’enregistrement avec l’assistante en charge de notre requête. Jusque-là, rien d’inhabituel. Puis l’attente, «as usual», d’un mail d’accréditation définitive qui ne viendra pas. Le mardi précédent l’ouverture des Eurocks, coup de fil rapide, donc, à Ephélide, histoire de voir ce qu’il en était pour cette année. Là, annonce un peu gênée de l’assistante de direction, genre: «Ah, oui.. enfin c’est à dire que… Les accréditations viennent tout juste d’être envoyées et vous n’êtes pas dedans. Pas cette année».

Là, forcément, on cherche à comprendre, surtout après les retours particulièrement positifs d’Ephélide sur notre boulot l’an dernier. Le problème, nous explique-t-on, ne vient en fait pas d’Ephélide, mais du staff interne des Eurocks. Comprendre, la direction belfortaine du festival. Un numéro et un nom à la direction de la communication du festival nous est donc communiqué. Premier coup de fil, donc, histoire de comprendre… Le téléphone sonne, un homme décroche. A peine le temps de se présenter et la communication coupe. Nouvelle tentative, plus personne ne répond. Midi passé, sans doute l’heure de la pause déjeuner… #méthodeCoué… Nouvelle tentative quelques heures plus tard. Le standard nous indique une ligne directe pour joindre l’assistant de communication des Eurocks, version team Belfort. On compose son numéro, parvenons à le joindre, nous présentons, expliquons paisiblement la situation, faisons part de notre incompréhension et demandons à ce ce que notre demande soit réétudiée. La fin de non recevoir ne se fait pas trop attendre. En moins d’une minute la chose est pliée. L’homme – appelons-le «G» par courtoisie, nous explique que la jauge est de toute façon pleine – comprendre qu’en raison du succès de l’édition 2014, le site est plein, qu’on ne peut plus y autoriser l’accès à deux journalistes pour des raisons de sécurité civile et pour ne pas se mettre en défaut vis-à vis de la préfecture qui, finit-il de nous préciser, compte à la personne près le nombre de personnes présentes sur le site… Puis, voyant que l’argument peine à prendre, de nous expliquer que d’autres médias n’ont de toute façon pu être accrédités mais qu’eux «n’en font pas toute une histoire»… Ceci, sans, bien sûr, nous fournir le moindre critère de sélection les ayant tout comme nous éconduits…

Reste que l’homme est imaginatif et finit finalement de dérouler ses «arguments». Et puis, nous dit-il en substance, vous n’êtes pas les seuls. «De grandes entreprises ou des élus n’ont pas eu de places» ou le nombre escompté… Là, forcément, le ton monte de notre côté, avec pour rappel que couvrir trois jours à multiplier les articles jusqu’à pas d’heure est un travail et pas particulièrement un privilège touristique. Que si quelques industriels ou hommes politiques demandent des places qu’ils n’obtiennent pas, cela les regarde. Mais que nous, on est là pour bosser, et pas particulièrement pour se pavaner ou faire plaisir à la famille… Parce qu’à ce rythme là, tant qu’on y est, autant également considérer les intermittents et salariés du festival comme des privilégiés, ce qu’ils ne sont évidemment pas… Parce que eux aussi, tout comme de nombreux journalistes, bossent, tout au long de ce weekend…

Mais bon, «G», toujours lui, ne se démonte pas, va jusqu’à nous faire remarquer – pour ne pas dire reprocher – que nous n’avons pas fait de pré-papier annonçant plusieurs semaines à l’avance la programmation des Eurocks. Argument ultime… #Brrrrr… C’est vrai, néanmoins : sur ce point «G» a raison. Nous n’en avons pas fait et l’assumons pleinement. Peut-être simplement parce que nous ne sommes pas l’agence de communication des Eurocks mais un média dont le rôle, n’en déplaise à «G», n’est pas de se transformer en agence de publicité, mais d’informer de ce qui ce passe accessoirement le jour de l’événement… A ce stade, de la discussion, le ton monte, monte, assez franchement…

A force d’envolées lyriques, «G», nous indique néanmoins que «ce sera avec plaisir que nous vous accréditerons pour l’édition 2015», tout en omettant toujours, bien évidemment, de nous expliquer pourquoi 2013 fut un plaisir, que 2015 le sera mais que 2014 ne l’était visiblement pas… Devant notre refus, l’homme s’offusque, ne comprend pas. Nous lui expliquons à notre tour que suivre un festival se fait dans la durée, d’année en année – bonnes ou mauvaises. Juste une question de cohérence et de fidélité éditoriale à un événement. Et qu’en retour, nous attendons la même chose des festivals avec lesquels nous travaillons. Un journal ne suis pas l’actualité de l’Assemblée nationale une année sur deux ou sur trois, au gré des envies des députés. «G» lui même, bien entendu, en tant que lecteur, ne le comprendrait pas, ce qu’il reconnaît, mais dont il ne voit pas le rapport avec les Eurocks… Forcément, quand on ne veut pas…

Lassés de cette discussion, nous lui proposons de réfléchir à nouveau à la question, d’ici le jeudi précédent l’ouverture du festival. Sans grande conviction «G» finit par nous indiquer qu’il en reparlera avec sa direction – ce dont nous doutons profondément, mais bon…. – re-méthode Coué, sans grande naïveté… L’avantage pour «G» à cet instant : réussir à mettre fin à cette discussion. Nous le prévenons néanmoins qu’en cas de maintien de leur refus d’accréditer nos deux reporters, nous ferons deux choses qui nous paraissent légitimes. Cesser de couvrir les Eurocks, non seulement cette année mais également les suivantes, parce que travailler dans ces conditions et avec un tel mépris de la presse ne fait aucun sens, et que nous publierions un papier pour expliquer notre décision, car croyons-nous, les personnes qui nous lisent ont le droit de savoir pourquoi nous n’avons pu couvrir l’édition 2014 des Eurocks et pourquoi nous ne couvrirons pas les suivantes. Un casus belli à l’entendre. Non, désolé, juste un minimum de transparence éditoriale à l’égard de celles et ceux qui nous lisent tout au long de l’année…

Entre-temps, un dernier mail de notre part, pour rappeler le contenu de nos échanges et, à défaut d’être accrédités, de recevoir a minima une réponse motivée quant au choix de la «direction», en copie de ce courrier. Bien évidemment, nulle réponse des Eurocks. Non pas que cela nous surprenne, mais bon. Sans doute est-ce désormais leur façon d’être rock…

Au lendemain de l’édition 2014 des Eurocks, nous y voilà donc. La rupture est consommée de notre côté. Pas par dépit de ne pas avoir pu couvrir le festival cette année – nous avons en échange gagné un weekend paisible, qui n’était pas pour nous déplaire… – mais parce que non, dépendre du fait du Prince n’entre pas dans notre ligne éditoriale. Pas plus que de se muer en agence publicitaire trinationale ou d’accepter qu’un journaliste en exercice soit mis sur le même pied qu’une entreprise ou un élu jugé – à tort ou à raison – privilégié. En somme, juste quelques principes auxquels nous sommes attachés.

D’autres festivals existent, qui ont le respect des journalistes et des autres programmateurs de la région – une autre histoire qui mériterait à elle seule un papier mais qui n’est pas le propos de cet article, même si de nombreuses choses mériteraient d’être dites de l’aveux même de certaines salles de l’Est… – et qui, s’ils venaient à prendre des décisions pour le moins étonnantes auraient a minima l’élégance de les motiver et d’accepter d’en discuter plutôt que de se réfugier derrière un silence de variétoche à mille lieues de l’esprit rock qu’ils revendiquent… Allez, sans rancune les Eurocks, et bon vent pour les prochaines années, mais sans nous…

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste