Présidentielles en Pologne : grand suspens !

Un score extraordinairement incertain

Trzaskowski : une remontée extraordinaire/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le résultat des élections présidentielles après le second et dernier tour est encore inconnu, et bourré de suspens. Rafał Trzaskowski, le candidat de la plateforme civique (centre libéral) a effectué une remonté extraordinaire grâce à son charisme, à une certaine lassitude des Polonais face au populisme démagogique du PiS (dont le candidat était le président sortant, Andrzej Duda). Et peut-être surtout, des sérieuses inquiétudes de beaucoup de citoyens pour ce qui concerne l’avenir de la séparation des pouvoirs et des liberté publiques.

Moitié moitié, ou presque : on ne saura réellement que demain mardi qui des deux l’a emporté du national-populiste ou du centriste libéral. Les derniers sondages, le plus serrés, prédisent 49,2% pour le second, Trzaskowski, et 50,8% pour le premier, Duda. Les 2% d’incertitude ne peuvent encore être rangés avec certitude du côté de l’un ou du côté de l’autre.

Les sondages IPSOS nous livrent en tout cas des résultats très intéressants, qui indiquent que la Pologne est en train de changer. La participation a été forte, et plus importante au second tour qu’au premier : 68,9% ce dimanche (un beau record) contre 64 % voici deux semaines. Les Polonais se sont sentis concernés, et le report de voix a été important.

Quel report ? En réalité, nous disent ces sondages, 1/5e des électeurs de Szymon Hołownia, le candidat assez atypique, journaliste au programme un peu flou qui avait rassemblé 14% des voix au premier tour, sont allés vers Trzaskowski. Ce qui est bien moins qu’on aurait pu espérer. Mais les votes des électeurs de Robert Biedroń, le candidat de gauche (dirigeant du parti Wiośna), pourraient s’avérer déterminants pour le résultat final.

Par ailleurs, Duda attire beaucoup plus les électeurs de plus de 50 ans que son concurrent : plus de la moitié de ces derniers ont voté pour lui. Trzaskowski, lui, rassemble des gens de tous âges. Et la moitié des dudaïstes habitent à la campagne, dans les villages – ce qui est d’ailleurs moins que ce qu’on attendait, et qui est assez prometteur pour les années à venir : la moitié des gens de la campagne votent donc pour la Plateforme civique… C’est inédit. Mêmes cause d’optimisme pour ce qui concerne les petites villes : il semble bien que Trzaskowski l’ait emporté, là-bas, dans ces bourgades dont on peut donc dire qu’il les a reconquises sur l’emprise du PiS. Et dans le même sens, il s’avère que Trzaskowski a gagné dans 9 provinces, tandis que Duda a gagné dans 7 autres seulement.

Quel que seront donc les résultats définitifs, que nous ne connaîtrons que demain mardi, deux constatations s’imposent : d’une part,  cette élection montre à quel point la Pologne est partagée, clivée, scindée en deux moitiés qui se représentent différemment l’avenir de leur pays. Et d’autre part, que le pays est en train de changer, qu’une évolution lente et profonde commence réellement à s’effectuer sous nos yeux, comme le glissement peu sensible mais inéluctable de deux plaques tectoniques. Lentement, mais sûrement.

Croisons donc les doigts pour que les 20 millions d’électeurs polonais aient voté majoritairement dans le sens d’une Pologne ouverte, où ne régneront plus la censure hypocrite, le moralisme non moins hypocrite et le cléricalisme, les pressions sur la justice, la démagogie populiste et la surenchère nationaliste. Mais où l’emporteront enfin la liberté de pensée et l’ouverture d’esprit.

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