Procès d’Auschwitz : Un pauvre, petit vieux. Vraiment?

Faire un procès contre un vieillard de 93 ans peut paraître étrange. Pourtant, il s’agit d’un procès qu’il faut mener.

Aucun délai de prescription ne peut s'appliquer aux crimes contre l'humanité commis à Auschwitz. Foto: Wikimedia Commons / PD

(KL) – En Allemagne, on discute actuellement si oui ou non, il faut traîner un vieux monsieur de 93 ans devant le tribunal de Detmold (Westphalie). Le chef d’accusation fait froid dans le dos – l’homme est inculpé pour avoir assisté à 170 000 assassinats.

Il appartenait à l’unité de la SS surveillant la «sélection» à la rampe d’Auschwitz, là où des monstres comme le Docteur Mengele effectuaient leur «sélection» – ceux qui étaient considérés aptes au travail étaient envoyés dans le camp, les autres directement dans le gaz. Une unité de la SS, particulièrement brutale, surveillait «la bonne marche» de cette opération, intervenant souvent personnellement, étant autorisée à tuer à volonté.

Entre Janvier 1943 et Juin 1944, l’homme aurait assisté dans plus de 170 000 cas à ce meurtre organisé, en toute connaissance de cause. Comme le souligne le parquet de Detmold, «l‘inculpé était au courant de toutes les méthodes d‘assassinat [pratiquées à Auschwitz] et il était conscient que cet assassinat de masse ne pouvait fonctionner que grâce au concours de personnes comme lui».

A Auschwitz, 1,1 millions de personnes ont trouvé la mort. Toutefois, seulement une poignée de collaborateurs de ce système de la horreur a été condamnée après la guerre, principalement suite au procès d’Auschwitz ayant été mené par le courageux procureur de Francfort Fritz Bauer dans les années 60. Déjà à l’époque, on pouvait entendre gronder «mais qu‘on nous laisse tranquilles avec ces vieilles histoires».

Non, malgré l’âge de l’inculpé, il faut mener un tel procès. Il s’agit d’un crime contre l’humanité et aucun délai de prescription ne peut s’appliquer à de tels crimes – l’âge de l’inculpé ne peut en aucun cas constituer un obstacle à un procès et à une condamnation.

Il s’agit de justice. Le fondement même d’un procès. Jamais, cette justice n’a été rendue aux victimes d’Auschwitz. Et la justice morale ne connait pas de délai de prescription. Au contraire. Ce procès constitue aussi le message que de tels crimes seront poursuivis jusqu’au bout, même si cela dure des décennies, comme dans le cas précis.

A un moment où des tendances néonazies commencent à s’installer à nouveau dans nos sociétés, il est important de ne pas fermer les yeux devant de tels crimes. Malgré les difficultés d’assembler les preuves nécessaires après de si nombreuses années, le parquet de Detmold a réussi à monter un dossier solide – que le procès ait donc lieu !

Comme la plupart des inculpés dans d’autres procès contre des SS ayant «travaillé» à Auschwitz, l’homme clame son innocence. Bien entendu, il savait pertinemment ce qui se passait à Auschwitz. Mais il insiste qu’il n’aurait pas personnellement participé à la tuerie. En vue de l’ensemble des récits de survivants d’Auschwitz, en vue des protocoles établis à l’aide d’autres procès, on sait que les SS déployés à Auschwitz formaient une troupe très soudée et sans merci et il est difficile d’imaginer qu’un membre de la SS, troupe d’élite des Nazis, aurait été l’exception confirmant la règle. Le procès établira le degré de culpabilité de l’inculpé.

Depuis la IIe Guerre Mondiale, des organisations comme le «Centre Simon Wiesenthal» chassent les criminels du système Nazis et on ne peut les remercier assez souvent. Seuls des procès comme celui-ci permettent de comprendre le fond du fonctionnement d’un système inhumain, incitant des individus à se comporter comme des sanguinaires. Que l’homme ait 93 ans ou 43 ans, cela ne fait aucune différence. Et si, à la fin de ce procès, l’homme serait condamné à passer le reste de sa vie en prison, soit. Il est déjà assez surprenant et frustrant qu’il est pu vivre sans être inquiété, pendant les 70 ans après ces crimes.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste