Projeter sa foi dans l’espace public

Voilà ce à quoi le Président de la République du Portugal invite les chrétiens, face au défi de l’éradication de la pauvreté.

S’il rencontre le Pape François dans les salons du Vatican, le Président Marcelo Rebelo de Sousa n’est pas pour autant un homme de cabinet. Foto: Centro Televisivo Vaticano / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Ne se faisant pas mystère de son attachement au catholicisme, l’actuel Président de la République du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa, n’a absolument rien d’une grenouille de bénitier. Ce septuagénaire alerte et par certains côtés facétieux, n’a pas sa langue dans sa poche. Ainsi, lorsqu’il dit en juin 2020 à propos des réfugiés, « toutes les vies comptent », cela n’a rien à voir avec le « plus personne dans la rue d’ici la fin de l’année » d’un certain candidat à la Présidence de la République Française en 2017.

Les paroles de Marcelo Rebelo de Sousa, sont en accord avec ses actes, d’où peut-être sa réélection haut la main, dès le premier tour en janvier dernier. Ainsi, lorsque à la mi-octobre, il lance un appel aux chrétiens, les enjoignant vis-à-vis de la pauvreté, à projeter leur foi dans l’espace public (projetar a sua fé no espaço público) en passant à l’action, cela n’a rien de commun avec la pensée prétendue trop complexe d’un certain président français.

Problème des problèmes (problema dos problemas) selon Marcelo Rebelo de Susa, la pauvreté gagne du terrain dans le monde et aussi au Portugal. « Avant la pandémie, on disait qu’il y avait près de 100 millions de pauvres, après la pandémie 220 millions de pauvres dans le monde. Avant la pandémie, on disait qu’il y avait 2 millions de pauvres au Portugal, après la pandémie 2 millions et 200 000 au Portugal », a-t-il déclaré dans un discours prononcé à la Santa Casa de Misericórdia de Lisboa, lors de la Journée Internationale pour l’Éradication de la Pauvreté.

Partageant ses réflexions à l’occasion de la publication de « Que fizeste do teu irmão ? » (Qu’as-tu fait de ton frère?) un livre consacré aux textes d’Alfredo Bruto da Costa (1938-2016), Ministre de la Santé de 1979 à 1980 qui occupa à partir de 2008 plusieurs hautes fonctions d’État jusqu’à son décès, Marcelo Rebelo de Susa qualifia ce dernier de prophète qui a fait de la délivrance de la pauvreté (libertação da pobreza) l’objectif de sa vie. Il soulignait la nécessité de l’engagement de chacun, et précisait que la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté a pour objectif d’en sortir 360.000 Portugais(es) d’ici 2030.

S’adressant aux chrétiens présents lors de cette allocution, il leur pointa qu’il y a là pour eux, un devoir d’agir (um dever de agir), faisant le comparatif entre Ancien et Nouveau Testament où dans le premier, il y a principalement devoir de ne pas agir, de ne pas violer certains commandements, alors que dans le second, il y a devoir de mettre des principes en action.

Citant Alfredo Bruto da Costa affirmant que « en s’abstenant d’intervenir politiquement, le chrétien s’abstient d’exercer de manière cohérente la charité et la justice », Marcelo Rebelo de Susa a précisé qu’il n’y a pas d’opposition constitutionnelle à une intervention des chrétiens dans le champ social. Pour lui, la foi ne se vit pas seulement à l’intérieur des temples, au sein de communautés, derrière des portes closes, mais aussi dans l’espace public.

Des propos difficilement concevables en France. Pour le Président Rebelo de Susa, la foi ne viole pas la Constitution, mais applique la Constitution à l’expérience de la foi dans l’espace public. Pour lui, la foi, si elle n’est pas boiteuse (sic), a d’évidentes implications sociopolitiques. Ce que la génération d’Alfredo Bruto da Costa a pu faire la plupart du temps sous la dictature, pourquoi ne serait-ce pas possible dans la démocratie ? Le niveau d’exigence pour les croyants est alors dans ce cas, plus élevé.

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