Quand Helmut Kohl veut réclamer 5 millions d’euros à un auteur !

Même gravement atteint par la maladie, l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl ne perd pas le nord. Mécontent avec une biographie parue à son sujet, il traine l’auteur devant la justice.

C'était LE moment de la carrière politique de Helmut Kohl - l'ouverture de la Porte de Bandebourg à Berlin en 1989. Foto: SSGT F.Lee Corkran Defenseimagery.mil VIRIN DF-ST-91-03542 / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – C’est une longue histoire dont les prémices ont débuté en 2001 et dont l’épilogue tarde à se concrétiser ! Tout commence en 2001, lorsque Helmut Kohl, l’ancien chancelier allemand, fait appel à un journaliste, Heribert Schwan, pour rédiger ses mémoires. Plus de 600 heures d’interviews seront enregistrés sur deux ans, pour constituer la trame des quatre tomes prévus.

La parution traine et une rupture se produit entre Kohl et Schwan au moment de la rédaction du quatrième tome. Kohl, influencé apparemment par sa seconde femme épousée en 2008, met un terme à son contrat avec le journaliste qui, dans un premier temps, conserve les bandes enregistrées dont il s’estime être le légitime propriétaire. Il devra les rendre à l’ex-chancelier, suite à une décision de justice.

Tiré à 200.000 exemplaires ! – Cela n’empêchera pas Heribert Schwan et son co-auteur Tilmann Jens de publier, en Octobre de l’année dernière, des mémoires «apocryphes» et non autorisées sous le titre accrocheur de «Heritage : Helmut Kohl rend compte !» (titre original difficile à traduire : «Vermächtnis : die Kohl-Protokolle», un brûlot tiré à 200.000 exemplaires qui sera l’un des succès en librairie de 2014 !

Les auteurs rapportent les propos que l’ancien chancelier aurait tenu. Kohl porte des jugements péremptoires sur les personnes qu’il lui avait été donné de rencontrer au long de sa longue carrière politique. Ni son parti, ni ses dirigeants, encore moins les personnalités étrangères citées n’échappent à des propos nourris par l’amertume, la rancœur et la désillusion.

De Merkel à Mitterrand. – Ses jugements, relayés par les médias, feront évidemment le tour de la planète qui retiendra, en particulier, cette affirmation concernant Angela Merkel qui d’après lui, lorsqu’il l’a en quelque sorte découvert avec la réunification, «ne savait même pas manger correctement avec couteau et fourchette !». D’après lui, Wolfgang Schäuble (comme beaucoup d’autres!) était un «traître», l’ancien président de la République Christian Wulff était un «nul» et François Mitterrand considérait que Ronald Reagan était un «imbécile» !

Quelques échantillons (pas les plus virulents) glanés au fil des 260 pages du livre ! Kohl, bien que diminué physiquement à la suite d’une chute qui le cloue au fauteuil roulant et qui pèse sur ses capacités d’élocution, attaquera immédiatement le livre à sa parution, en contestera le contenu, publiera ses propres mémoires, réclamera en justice l’interdiction à la vente de l’ouvrage, mettra en cause le droit des auteurs de publier des «mémoires» en utilisant des propos relevant d’une clause de confidentialité.

Un livre interdit quand le mal est fait ! – Après des mois de procédure, le tribunal de Cologne lui donnera raison en s’appuyant notamment sur le fait que les auteurs ne pouvaient invoquer la liberté de la presse car un contrat, incluant une forme de confidentialité, liait l’ex-chancelier et Heribert Schwan. Le livre, a décidé le tribunal, est désormais interdit à la vente…. plusieurs mois après sa parution : alors que le mal était fait !

C’est cet aspect des choses qui conduira Helmut Kohl à réclamer des dommages et intérêts : la fabuleuse somme de 5 millions d’euros a été avancée !

Un montant que l’éditeur «Random House», filiale du groupe Bertelsmann, non seulement conteste, mais qu’il trouve, en plus, totalement extravagant ! Lorsque la demande de dommages et intérêts sera introduite, il compte demander une expertise pour juger de la réalité et éventuellement du montant du préjudice subi. Le tout paragraphe par paragraphe, page par page.

Comme je l’écrivais plus haut : on est encore loin de l’épilogue de cette étrange affaire d’édition !

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