Quand la corruption devient légale

Les manifestations en Roumanie ne cessent pas. Des centaines de milliers de Roumains manifestent contre un décret qui « légalise » la corruption.

Comme en 1990, les manifestations sont violentes à Bucarest. Foto: CristianChirita / Wikimedia Commons

(KL) – Incroyable, mais cela se passe au sein de l’Union Européenne. Le décret d’amnistie du gouvernement social-démocrate « légalise » en quelque sorte la corruption, en fixant des seuils jusqu’où la corruption reste impunie. Si la Commission Européenne a protesté contre cette « légalisation » de la corruption, le gouvernement roumain s’est engagé dans un bras de fer avec sa propre population.

Comment ne pas penser « tous pourris » lorsque le gouvernement décrète que la corruption reste impunie si elle ne dépasse pas 200.000 Lei (44000 €) et ce, dans un pays où le salaire annuel d’un professeur d’école ne dépasse pas les 4500 € ? Et très pratique – le gouvernement roumain avait proposé dans la foulée une amnistie pour les personnes incarcérées et condamnées à des peines de moins de 5 ans de prison. Cette mesure concernerait environ 2500 détenus, dont des responsables politiques condamnés pour – corruption et qui bénéficieraient donc de la grâce du gouvernement. Suite aux protestations musclées, cette amnistie n’a pas encore été décrétée, le gouvernement craigne que les protestations puissent se transformer en émeutes.

Si ce dossier concerne en premier lieu la Roumanie, il concerne également l’Union Européenne, car il est inconcevable qu’un état-membre de l’UE « légalise » la corruption. Ailleurs, les associations et ONGs se battent pour plus de transparence et moins de corruption, pendant qu’un état-membre « légalise » la corruption ?

Depuis mardi, la Roumanie est en état d’alerte. A Bucarest, Cluj, Timisoara et Sibiu, des dizaines, des centaines de manifestants descendent dans la rue, à Bucarest, des affrontements violents entre les manifestants et les forces de l’ordre ont eu lieu. Et la situation est loin de se calmer – et le gouvernement ne veut pas revenir sur sa décision qui est pour le moins surprenante.

Depuis la chute de Ceausescu, le pays n’a pas vu des manifestations d’une telle envergure et ce, malgré les températures glaciales qui règnent en Roumanie. Le gouvernement roumain, en place depuis moins d’un mois sous la direction de Sorin Grindeanu, est en train de se mettre non seulement la population à dos, mais également les autres institutions roumaines. Ainsi, le président Klaus Iohannis (qui avait, lors de son instauration, promis « d’éradiquer la corruption pendant les 5 ans de son mandat »), le Procureur Général, la Cour Suprême et d’autres autorités ont déjà fait savoir leur opposition à cette décision gouvernementale.

Va-t-on vers une nouvelle « révolution » en Roumanie ? Est-ce que l’intervention de Jean-Claude Juncker suffira pour raisonner le gouvernement roumain ? En tout cas, ce qu’il se passe en Roumanie montre une nouvelle fois l’incapacité de cette Europe intergouvernementale de défendre ensemble, même les valeurs les plus basiques. Seule une Europe fédérale sera en mesure de permettre une vraie organisation européenne à l’intérieur comme à l’extérieur. D’ici là, il faudra s’habituer à cette pensée – « tous pourris »…

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