Quand la misère humaine devient chiffrable

L’Autriche a déterminé un nombre maximal de réfugiés qu’elle veut accueillir pendant la période 2016-19. Tout en annonçant le renforcement des contrôles à ses frontières. Adieu, l’Europe…

Notre tentative de déterminer le nombre des victimes des guerres est cynique. L'Europe trahit ses valeurs humanistes. Foto: Wikiolo / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Depuis un bon moment, de millions de Syriens, d’Irakiens, d’Afghanes ou de Pakistanais fuient leur pays. Pourquoi ? Parce qu’ils ont envie de faire du tourisme, parce qu’ils veulent profiter de nos systèmes sociaux ou parce que chez eux, il y a des guerres et guerres civiles meurtrières ? Bien sûr, parce qu’il y a la guerre. Ils veulent sauver leur vie et celui de leurs familles. N’est-ce pas compréhensible ? L’Europe a tenté, en vain, de trouver une solution humanitaire pour un petit nombre d’entre eux – mais même la répartition de 160.000 réfugiés sur l’ensemble des états-membres de l’Union Européenne a lamentablement échouée, grâce à l’attitude de cette «communauté de valeurs» du continent qui s’est auto-proclamé «fief des Droits de l’Homme». Maintenant, l’Autriche a décidé d’accueillir en 2016, 37.500 réfugiés et d’en limiter leur nombre à 127.500 jusqu’en 2019. Tout en renforçant les contrôles aux frontières. Ainsi, on détermine le «chiffre de la misère». Non pas celui qui est réel, mais celui que nous sommes prêts à accepter. Quelle hypocrisie ! Et l’Europe regarde, impuissante, comment les frontières européennes se ferment tous les jours un peu plus.

C’est l’égoïsme nationaliste qui remportera ce continent et lorsque, dans quelques décennies, les guerres continentales auront à nouveau fait ravage, on se souviendra de cette époque et on se promettra mutuellement, comme d’habitude, «jamais plus ça». A moins qu’on ait fait exploser la Terre d’ici là.

Pendant que nous cherchons par tous les moyens de rendre nos frontières étanches (ce qui, compte tenu de la géographie de notre continent n’est pas possible), notre politique ne crée non seulement d’innombrables victimes civiles, mais elle arrange avant tout un corps de métier qui ne mérite pas ce soutien massif – les passeurs d’hommes. Car aucune frontière européenne ne peut être hermétiquement fermée, ce qui veut dire que les réfugiés réussissant de passer en Europe, auront payé le prix cher. L’Europe réussit ainsi à créer des catégories sociales même parmi les réfugiés : les fortunés qui peuvent se payer le «luxe» des services de passeurs et les autres qui eux, échoueront.

Ce sont donc les nationalistes qui auront eu le dernier mot. Déjà aujourd’hui, la «libre circulation» à l’intérieur de l’espace Schengen n’est plus qu’un souvenir, et demain, on arrive à l’époque d’avant-Schengen. De peur qu’un nombre de réfugiés qui représente entre 0,2 à 0,3% de la population européenne, puisse transformer le Vieux Continent en «zone islamique» – les incendiaires qui nous miroitent depuis quelque temps que l’Europe soit menacée d’une islamisation, auront donc réussi à semer une telle peur que nous en oublions nos principes humanistes les plus sacrés.

Mais malheureusement, ces guerres et guerres civiles (dont plusieurs pays européens profitent en fournissant les armes nécessaires), n’ont pas de limite. Tant que des bombes sont lancées sur la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan et d’autres pays, les habitants n’ont que deux options – rester ou fuir. Laquelle de ces options choisiriez-vous ?

L’exemple autrichien servira, bien entendu, d’exemple pour les autres pays européens. Les faucons dans le gouvernement allemand en profitent pour augmenter la pression sur la chancelière Angela Merkel – et on se demande où elle puise le courage pour continuer à défendre sa politique d’ouverture, contre vents et marées, contre une extrême-droite montante qui transforme déjà aujourd’hui le paysage politique en Allemagne.

Et en même temps, nous continuons à commercer avec les états dont on sait qu’ils soutiennent le terrorisme international, mais qui sont soit des clients, soit des fournisseurs importants pour nous. Nous soutenons des dictateurs, nous fermons les yeux devant la misère des populations civiles que nous bombardons et maintenant, nous décrétons un nombre de victimes aléatoires que nous sommes prêts à accueillir et dans cette évolution néfaste, nous sommes encore loin d’avoir touché le fond. Le pire est encore à venir.

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