Quand la Turquie espionne en Europe

Les services secrets de Recep Tayyip Erdogan sont gonflés – ils ont remis une liste de « personnes à surveiller » à leurs homologues allemands. Sur la liste, des responsables politiques allemands.

La Turquie peut rappeler ses espions - les services européens n'espionneront pas leurs compatriotes pour faire plaisir à Erdogan... Foto: Lockedo / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Mais qu’est-ce qu’on attend pour mettre un terme aux négociations d’adhésion entre l’Union Européenne et la Turquie ? Chaque jour, l’Europe (et plus particulièrement les pays ayant osé interdire des manifestations de propagande turque) doit faire face à de nouvelles insultes, menaces, sanctions. La Turquie se comporte aujourd’hui comme un pays carrément hostile et nous avons atteint le point où il convient de ne pas geler, mais de clore les négociations d’adhésion.

L’Allemagne est écœurée par les agissements du président-dictateur Erdogan. Son service secret MIT, qui sème la terreur en Turquie en arrêtant tout un chacun soupçonné avoir des sympathies pour l’ennemi intime d’Erdogan, s’active maintenant aussi en Allemagne. Ainsi, le MIT a remis une liste comportant 300 noms aux collègues allemands, avec la demande de surveiller les personnes se trouvant sur cette liste et de fournir des informations correspondantes au MIT. Les collègues allemands, eux, n’ont pas donné suite. D’une part, parce qu’ils n’ont aucune raison de surveiller des personnes n’ayant commis aucune infraction en Allemagne, d’autre part, parce que deux femmes politiques allemandes se trouvent sur cette liste, la député nationale Michelle Müntefering et l’ancienne secrétaire d’état du Land Berlin, Emine Demirbüken-Wegner.

Ajoutez à cela la menace d’Erdogan « qu’aucun occidental ne pourra bientôt plus se balader en sécurité » et la ligne rouge est transgressée. La Turquie d’Erdogan ne se comporte pas en partenaire potentiel, mais comme un pays ennemi et le plus surprenant dans tout cela, c’est que ce président-dictateur soit porté par la majorité de ses compatriotes.

Pourquoi est-ce que les Turcs soutiennent Erdogan ? - Il serait trop facile de penser que les Turcs soient majoritairement en faveur d’un « fascisme 2.0 » comme le prône Erdogan. Ce dernier a su, comme beaucoup de dictateurs avant lui, stimuler un sentiment nationaliste, en s’opposant aux Européens qui eux, pendant trop longtemps, n’avaient pas sérieusement mené ces négociations d’adhésion. Depuis 20 ans, la Turquie se sent, à juste titre, exclue et depuis longtemps, le sentiment en Turquie est que l’UE n’ait jamais vraiment voulu d’une adhésion.

Les différends qui opposent Erdogan au monde occidental, ne sont pas le fruit du hasard. Erdogan a tout mis en œuvre pour que ces frictions entre la Turquie et l’Europe s’installent, pour pouvoir se présenter vis-à-vis de ses électeurs, comme l’homme fort qui arrive à imposer ses exigences aux Européens. Ce qui avait déjà très bien fonctionné en amont des dernières élections, fonctionne très bien aussi maintenant en amont du référendum par lequel Erdogan espère concentrer tout le pouvoir sur sa personne.

L’Europe doit maintenant réagir. - Il serait béat de penser que le MIT turc n’ait contacté que ses homologues allemands pour faire son sale boulot. Les services secrets turcs sont, sans doute, également actifs dans d’autres pays européens et les attaques et insultes de l’Europe devraient donner lieu à une réponse européenne forte.

Ce qu’il convient de faire maintenant, c’est de terminer les négociations avec la Turquie, terminer l’accord honteux concernant les réfugiés syriens, exclure la Turquie, ne serait-ce que momentanément de l’OTAN (il est impensable de partager des secrets militaires avec un état dont le chef suprême n’a jamais pu démentir les connexions entre sa famille et Daesh !) et pour ce genre de mesure, l’Europe doit parler d’une et seule voix.

Si l’Union Européenne ne réagit pas fermement à l’émergence d’un état totalitaire qui viole systématiquement les Droits de l’Homme, à quoi servirait-elle alors ? Si jamais la Turquie se libère un jour de son dictateur, les relations normales pourront alors reprendre. Mais l’UE ne peut et ne doit pas continuer à coopérer avec de tels despotes. Il faut réagir maintenant et sans plus attendre.

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