Quand le confinement accompagne l’évolution des centres-villes

Le coronavirus changera bien des choses. Alain Howiller se pose la question quant aux changement de nos villes.

Les centres des villes seront amenés à changer. Comment se présenteront les centre-villes de demain ? Foto: M. Strīķis : Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Rares sans doute étaient ceux qui s’attendaient à ce constat dressé par l’Institut Nielsen, spécialisé dans l’analyse de l’activité et des comportements des distributeurs et des consommateurs : le chiffre d’affaires des hypermarchés a diminué depuis la mise en place des mesures de confinement et la chute a même été de 24% dès les premiers jours des dispositions prises par le gouvernement d’Edouard Philippe. Certes, les hypermarchés connaissaient déjà une érosion de leurs ventes : entre 2010 et 2018 (derniers chiffres connus), leur chiffre d’affaires avait baissé de 3,3% (-30% pour les produits non alimentaires). Cette évolution avait déjà contraint un certain nombre d’enseignes à renoncer à vendre certains produits, à fermer des points de vente et à réduire parfois drastiquement leurs effectifs. Implantés à la périphérie des villes dans des zones commerciales dont la baisse actuelle du prix des carburants aurait pu stimuler la fréquentation, les hypermarchés n’avaient sans doute pas besoin des effets des mesures anti-coronavirus pour reprendre leur analyse sur le mode de distribution qu’ils incarnaient.

Leur implantation, qui est loin de faire d’eux ces « commerces de proximité » désormais privilégiés par les consommateurs, joue contre eux : pour les fréquenter, les consommateurs peuvent difficilement cocher la case « déplacements pour effectuer des achats de première nécessité », figurant sur leur « Attestation de déplacement dérogatoire ». La restructuration de la consommation, marquée au départ par des achats de précaution qui pourraient enfin fléchir, a également touché les « grandes usines à vendre » : les consommateurs achètent en moins grosses quantités et se rendent, de ce fait, plus souvent dans les points de vente près de chez eux. Les effets du confinement permettent de jeter un regard appuyé sur l’évolution de nos centres-villes.

Rendre la ville acceptable. – Les magasins de proximité (d’après leur définition : c’est celui qui couvre les besoins du quotidien) se trouvent ainsi conforté par le… confinement, et il n’est pas surprenant que leur chiffre d’affaires ait augmenté de 10% depuis le début des mesures prises par les pouvoirs publics. La fermeture des marchés hebdomadaires ou bi-hebdomadaires pourraient bien enrichir (dans tous les sens du terme) une évolution qui s’inscrit dans les tendances actuelles de revitalisation des centres-villes. En décidant finalement de rouvrir 25% de ces marchés, là où il n’y a pas d’offre alimentaire en magasin, les pouvoirs publics ont mis en exergue, sans le vouloir, qu’il y a des communes où cette offre n’existe plus : un peu plus de 50%  des communes rurales n’ont plus de commerce alimentaire. Un manque que la crise des gilets jaunes avait déjà souligné. En Alsace, 25% de la population rurale (28% en Lorraine) n’a plus de commerce de proximité. En demandant que certains quartiers (l’Elsau par exemple) bénéficient d’une dérogation pour garder leur marché, le Maire de Strasbourg a souligné que l’absence de commerce alimentaire de proximité n’est pas propre aux zones rurales : elle peut aussi se manifester dans les grandes villes. Le rejet des demandes de dérogation contribuera à relancer, une fois assurée la sortie du confinement, les débats autour des villes pour les rendre plus acceptables à ses habitants.

Les débats pour cette perspective de « ville durable » devront d’autant plus être poursuivis que, d’après les experts, dans dix ans, 60% des habitants des villes auront moins de… 18 ans, alors que 70% des habitants du globe vivront dans des agglomérations urbaines contre 50% en 2008 et… 10% en 1900). Ainsi, le retour vers la proximité, qui pourrait être accéléré par les conséquences de la crise sanitaire que nous vivons, vient ponctuer et encourager les efforts déployés à l’instigation des urbanistes, des architectes et des économistes pour évoluer vers des villes en « gestion durable ». Celle-ci, rappelons-le à l’intention des futurs responsables municipaux, « ne peut-être élaborée qu’en impliquant la population et en tenant compte de ses habitudes, qu’il s’agisse de l’étalement urbain, de renforcer la mobilité durable ou de diminuer la consommation énergétique des bâtiments… ».

Construire la ville sur la ville. – Il s’agit de lutter contre la consommation d’espace, d’utiliser la densification (« construire la ville sur la ville, utiliser tous les espaces dont les friches »), de promouvoir les trajets courts et de réduire l’usage de la voiture, donc de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de peser sur les déplacements des banlieusards, d’éviter les encombrements de trafic dans les agglomérations, d’investir dans les transports publics, d’agir sur la consommation d’énergie, de promouvoir l’isolation des immeubles. Un catalogue de mesures que les travaux du « Deutsch-Französiches Institut – DFI » et la Fondation Wüstenrot avaient déjà souligné en 2016 (eurojournalist.eu du 7.04.2016).

Si 6% seulement des consommateurs habitent à moins de 5 minutes d’un hypermarché, 28% logent près d’un supermarché et 32% près d’un commerce de proximité (selon DNA du 2.04.2020). Le confinement rejoint une réalité inscrite sur le terrain : il accompagne de fait les efforts déployés pour repenser les centres-villes. La réflexion engagée par les économistes, les sociologues et les urbanistes insiste sur le fait que pour rendre plus vivables le centre de nos villes souvent sources de mal être, voire de maladies (dépressions, maladies cardio-vasculaires, cancers dus à la pollution), il ne suffit pas de les « verdir », d’installer des aires de jeux pour les enfants, de promouvoir des structures de culture, des services ou des commerces de proximité.

Retrouver des emplois industriels dans nos cités. – Il faut aussi créer des emplois. La plupart des marques de distribution l’ont compris et réinstallent des surfaces adaptées en ville. Dans un souci de rapprocher les emplois de quartiers urbains que la gentrification fait revivre, il ne suffit pas non plus d’y favoriser les implantations de « start-ups » ou des unités relevant du secteur tertiaire : il faudra accompagner le retour qui s’amorce d’établissements industriels de taille adaptée (entre 50 et 100 salariés).

D’après les spécialistes, le temps n’est plus où on s’efforçait de diriger les usines vers des zones industrielles en périphérie. Pour créer de l’emploi, trouver une main d’œuvre qui a amorcé un retour vers les villes, pour essayer de se battre contre les longs trajets habitat/emploi : « Longtemps, les sites de production ont été rejetés au loin des zones urbanisées. La polémique née après l‘accident de l’usine chimique Lubrizol à Rouen n’a pas arrangé les choses. Pourtant, (des) industriels misent à nouveau sur la ville… Les progrès technologiques permettent aujourd’hui la création d’usines compactes, qui consomment moins de terrain et se fondent plus facilement dans le paysage urbain. Surtout, des modèles économiques plaident pour un rapprochement des unités de production du consommateur », écrit Catherine Quignon (Le Monde du 31.03.2020).

Ce retournement, comme la revitalisation des centres-villes, de plus en plus accompagné par des « managers du commerce » comme à Mulhouse ou Strasbourg, retrouveront une nouvelle actualité après la crise sanitaire. Ce ne sera pas, à coup sûr, la seule relance de nécessaires novations !

4 Kommentare zu Quand le confinement accompagne l’évolution des centres-villes

  1. Bonjour à tous. Merci pour cet article, oui cette crise devrait nous pousser à reinterroger nos modes de production urbain et plus généralement repenser notre cadre de vie. Tout comme le réchauffement climatique et ces derniers étés auraient dû etre un declencheur suffisant … las ce ne fut pas le cas.
    Pas sûr qu une famille confinée dans une barre en beton de 10etages avec pour seul horizon une autre barre et lieu de promenade un trottoir et des parkings n aspire pas plus après cette crise( cela est la tendance depuis de longues annees :voir les enquetes Credoc,Ipsos etc) à demenager vers le rural et les petites villes. Et comme je les comprends !
    Aller vers plus d espace, moins d entassement.
    D autant que la diffusion du virus est plus importante dans les lieux densément habités. Et ce ne sera pas la dernière pandemie.
    C est ainsi l occasion de cesser d imposer la ville compacte et dense et peut-être repenser à partir du concept de ville des courtes distances (commerces equipements mais aussi nature dans un rayon de 500m-1km) avec des espaces de bien être à sa porte qui nous inciteront à moins bouger pour rechercher le calme et la nature que nous meritons tous!

  2. Il est imperatif de bien distinguer ce qui releve de la pratique sportive essentielle a l’equilibre de chacun, ce qui est autorisee, et ce qui releve plus largement des loisirs Les personnes agees vivant en Europe devront attendre la mise en circulation d’un vaccin contre le virus Covid-19 pour esperer voir leur confinement prendre fin, selon Ursula von der Leyen, presidente de la Commission europeenne. Ce qui ne pourrait survenir qu’en fin d’annee 2020. « C’est une question de vie ou de mort. »

  3. Depuis la mise en place des mesures de confinement mise en place par le gouvernement pour endiguer la propagation du coronavirus, l’activite physique de plein air est toujours autorisee en France. A condition de la justifier par la fameuse attestation de deplacement derogatoire et de respecter certaines regles.

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