Quand le courage ne suffit plus…
Le ministre des finances Christian Lindner (FDP) a osé affronter 30000 agriculteurs en colère. Qui l'ont copieusement hué et sifflé.

(KL) – C’était l’une des plus grandes manifestations d’agriculteurs jamais vues en Allemagne. 30000 agriculteurs en colère, 5000 camions et tracteurs et il faut reconnaître que ce n’était pas facile pour le ministre des finances Christian Lindner (FDP) de les affronter, surtout dans la mesure où il n’avait rien à leur proposer qui aurait pu amadouer cette colère qui s’exprime depuis une semaine sur les routes allemandes. Mais force est de constater que la confiance entre les Allemands et leur gouvernement se situe au même niveau qu’en France – le gouvernement fédéral n’a plus de crédit dans la population et plus personne ne croit en des promesses rapidement formulées.
« Je vous entends et vous produisez des images impressionnantes », disait Christian Lindner, mais après sa première phrase, il fallait que le président de la fédération allemande des agriculteurs Joachim Rukwied intervienne pour que Lindner puisse parler. Mais son discours était à peine audible, car les agriculteurs, n’appréciant que moyennement son discours, continuaient à siffler et à scander « Hau ab ! » (casse toi !). Il faut dire que le contraire aurait été surprenant, puisque tout ce que Lindner avait à proposer aux agriculteurs, était de « voir grand » et de lui faire confiance que l’abolition des subventions sur le diesel agricole serait accompagnée par des mesures qui devraient augmenter la productivité des agriculteurs.
La situation est difficile pour le gouvernement qui a vu son budget 2024 rejeté par la Cour Constitutionnelle et qui n’avait que quelques jours pour trouver 17 milliards d’euros pour boucler ce budget qui toutefois, est toujours contesté par l’opposition. L’idée du gouvernement était de faire contribuer tous les secteurs, y compris les agriculteurs, mais cela n’était pas au goût de cette profession qui déjà en temps normal, doit suivre des instructions de Bruxelles qui souvent, passent largement à côté des réalités de l’agriculture.
Mais l’annonce de la disparition de ces subventions était la goutte qui faisait déborder le vase chez les agriculteurs qui ne souffrent pas seulement d’un excès administratif, mais également le diktat des grandes centrales d’achat qui les pressent comme un citron.
Autre difficulté – les agriculteurs ne représentent pas un corps de métier homogène. Au contraire, entre les grandes exploitations agro-alimentaires qui gagnent très bien leur vie grâce aux subventions européennes, et le petit fermier bio dans la Forêt Noire, il y a tout un monde qui les sépare. Si les uns peuvent se permettre d’employer des experts juridiques qui vont chercher toutes les subventions pensables à Bruxelles, les autres sont dépassés par la paperasse européenne et souvent, ne touchent même pas les subventions auxquelles ils auraient droit.
Lorsque Christian Lindner disait sous les sifflements qu’il ne fallait pas que les agriculteurs s’attendent à d’autres « cadeaux » du budget fédéral, l’ambiance devenait carrément agressive. Si Lindner avait le mérite de dire la vérité et de la dire aux intéressés, le contenu de son discours ne passait pas.
Pour les agriculteurs, cette manifestation à Berlin ne marque pas la fin de leurs actions, bien au contraire. Il faudra s’attendre à une prolongation des « opérations escargot » et une montée de la colère.
Le gouvernement a beau se plaindre que des forces de l’extrême-droite tentent de « récupérer » ce mouvement des agriculteurs, la responsabilité de cette escalade lui incombe pleinement. Les agriculteurs veulent être reconnus, ils souhaitent que leur rôle sociétal soit apprécié et ils en ont marre d’être pointés du doigt. Et finalement, l’une des pancartes à Berlin disait les choses avec une formule aussi courte que juste : « Si l’agriculture se meurt, le pays meurt avec ». Il faudra peut-être en tenir compte.
Kommentar hinterlassen