Quand le gouvernement trahit son parlement…

Le gouvernement allemand s'est distancé de la résolution du parlement allemand concernant le génocide turc en Arménie. Sans vouloir se distancer. Une honte.

Pour amadouer Erdogan, le gouvernement allemand a "dilué" la résolution du "Bundestag" condamnant le génocide des Arméniens en 1915/16. Foto: Ambassador Henry Morgenthau / Wikimedia Commons / PD

(KL) – De nos jours, lorsque le gouvernement turc félicite un gouvernement étranger, il convient de regarder de près. Comme dans le cas de la déclaration du gouvernement allemand qui, pour amadouer le gouvernement Erdogan, a relativisé la résolution du parlement allemand, du «Bundestag», qui condamnait le génocide turc des Arméniens en 1915/16, tout en reconnaissant une part de responsabilité allemande, puisque le gouvernement allemand de l’époque était au courant des plans et agissements de la Turquie (comme d’autres gouvernements européens…), sans pour autant essayer de dissuader les Turcs de massacrer, selon les estimations des historiens, entre 300 000 et 1,5 millions d’Arméniens. Le «Bundestag» avait donc reconnu ce fait et le gouvernement allemand, par l’intermédiaire de son porte-parole Steffen Seibert, avait déclaré que «c’est aux tribunaux et non aux parlements de déterminer s’il s’agissait d’un génocide». Même si plus tard, le gouvernement avait rajouté qu’il ne voulait pas «invalider» la résolution du parlement, il avait toutefois ajouté que «le gouvernement et le parlement ne doivent pas toujours être du même avis». Ah bon ?

La tactique du gouvernement allemand vis-à-vis du gouvernement turc, toujours en pleine «purge» de son opposition, est claire. Berlin fait tout pour ne pas froisser le partenaire à Ankara – trop d’intérêts économiques et géostratégiques veulent que le gouvernement allemand ferme les deux yeux devant l’évolution en Turquie. La «realpolitik» concernant la Turquie prend la même forme que la coopération avec les Ghaddafi, Saddam Hussein & Cie. – tant que les affaires tournent, on s’en fiche des «valeurs européennes».

Les réactions d’Ankara ne se faisaient pas attendre. Le porte-parole de l’ambassade turque à Berlin, Refik Sogukoglu (qui s’exprimait à la place de l’ambassadeur turc rappellé en Turquie suite à cette résolution du Bundestag), se montrait satisfait. «Nous voyons cela généralement positivement», a-t-il dit.

Pendant ce temps et face à l’indignation des médias, des fédérations arméniennes et de l’opposition, le gouvernement allemand s’est essayé dans le difficile exercice de la quadrature du cercle, en déclarant qu’il ne remettait en aucun cas en question la résolution du Bundestag, soulignant toutefois que cette résolution «n’avait pas de valeur juridique».

C’est ainsi que cent ans après ce génocide, on se moque une nouvelle fois des victimes de ce massacre d’une cruauté exceptionnelle. Le tout pour amadouer un président-dictateur qui est en train de tuer la liberté d’expression, qui est en train d’emprisonner l’ensemble de l’opposition dans son pays, qui mène une guerre civile sanglante contre les Kurdes, qui malmène les minorités dans son pays, qui veut réintroduire la peine de mort. Le gouvernement allemand fait son possible pour rendre ce gouvernement turc à nouveau fréquentable. Les affaires sont les affaires. Elle est écoeurante, cette «realpolitik».

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