Quand « légal » ne veut pas dire « légitime »

L’arrestation du leader des séparatistes catalans Carles Puigdemont en Allemagne pose de nombreuses questions. Dont celle de la légitimité de certaines lois.

Un utopiste politique, peut-être. Un criminel qu'il faut incarcérer, non. Foto: Convergència Democràtica de Catalunya / Wikimedia Commons 6 CC-BY 2.0

(KL) – Les juristes se frottent les mains. L’arrestation du leader des indépendantistes catalans, Carles Puigdemont, au nord de l’Allemagne, suscite de nombreuses questions. Dont la première – pourquoi est-ce que les Allemands n’ont pas fait comme leurs homologues danois qui ont tout bonnement ignoré le mandat d’arrêt européen que l’Espagne venait de renouveler ? En vue des nombreuses pannes dans la transmission d’informations entre les autorités, une de plus n’aurait pas changé le cours du monde…

Plusieurs éminents juristes allemands ont déjà déclaré que le chef d’accusation avancé par l’Espagne, « Rébellion », correspondait au § 81 du Code Pénal allemand, « Haute trahison », ce qui justifierait l’extradition de Puigdemont vers l’Espagne. Ce sera donc aux tribunaux allemands de prendre une décision – une décision loin d’être facile, car ce dossier ne présente pas uniquement une dimension juridique, mais avant tout, une dimension politique et même historique.

En Espagne, Puigdemont doit faire face à un procès où il pourrait être condamné à 30 ans d’emprisonnement – une peine supérieure à ce qu’encourt un meurtrier en Allemagne. Qui peut garantir un « procès équitable » à Puigdemont en Espagne ? Si les juristes allemands se plaisent à dire qu’il pourra toujours s’adresser à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il est évident que Puigdemont ne pourra emprunter cette voie légale qu’après des années passées en prison.

L’argument selon lequel cette arrestation correspondrait à la situation légale est fallacieux. Possible que la situation légale est ainsi, mais si elle est ainsi, c’est qu’elle n’est pas bonne. Soyons clair – personne ne doit être emprisonné pour avoir défendu ses opinions politiques, même si on ne partage pas ces opinions. Etrangement, nous comprenons cela très bien lorsque des Etats totalitaires comme la Turquie emprisonnent des journalistes, intellectuels et responsables politiques de l’opposition, mais visiblement, cela ne nous empêche pas d’agir comme eux. L’Allemagne se trouvait dans l’obligation légale d’intervenir de la sorte dans ce conflit espagnol-catalan ? Cela fait penser à la tristement célèbre phrase de l’ancien juge nazi et ministre-président du Bade-Wurtemberg Hans Filbinger qui, après avoir condamné à mort trois jeunes soldats quelques jours après (!) la fin de la IIe Guerre Mondiale, justifiait son acte cruel en disant : « Ce qui était légal à l’époque, ne peut pas être illégal aujourd’hui ».

L’Allemagne a maintenant le choix – elle peut protéger Carles Puigdemont ou elle peut se comporter comme en 1936 lorsque les avions allemands de la « Légion Condor » bombardaient Barcelone pour soutenir le dictateur fasciste Franco. Mais sérieusement, si nous retombons aujourd’hui dans les travers de 1936, où irons-nous ces prochaines années ?

En Espagne, le procès contre Puigdemont et 12 autres responsables du mouvement indépendantiste a commencé. Vendredi, les autorités ont arrêté 5 séparatistes, dont le candidat à la présidence du Conseil Régional de la Catalogne, Jordi Turull. Seule l’Allemagne peut maintenant agir avec un certain bon sens en refusant d’extrader Carles Puigdemont. Ne serait-ce que pour stopper un « remake » des heures sombres du siècle dernier.

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