Quand les Français veulent être davantage écoutés
Revendications pour une «démocratie directe» plus forte !
(Par Alain Howiller) – Il y a les mots, les intentions et la réalité ! Au soir des élections européennes, il y a eu des mots, des intentions et, déjà, quelques éléments d’une réalité qu’on affirmait vouloir changer pour contredire ce vieux trait d’humour politique soulignant que «plus ça change, plus c’est pareil !» Au soir du décompte des bulletins de vote envoyant les députés à Strasbourg, au ¨Parlement Européen, on avait promis, juré qu’on retiendrai la leçon de la montée des partis europhobes, eurosceptiques et que, même, on n’oublierait pas le signal envoyé par ceux qui avaient refusé de voter et s’étaient réfugiés dans l’abstention. Et puis, une poignée de semaines a passé : les chefs d’état et de gouvernement de l’Union Européenne qui s’étaient engagés à proposer au remplacement de José Manuel Barroso, le candidat du groupe arrivé en tête aux élections des 24/25 Mai, ont émis des doutes quant à la… pertinence du choix des électeurs !
Mise en cause par le gouvernement britannique, objet de doute chez François Hollande, la candidature de Jean Claude Juncker (Parti Populaire Européen), arrivé en tête, n’était plus du tout sûre d’être présentée par le Conseil Européen aux suffrages des parlementaires européens ! Ainsi risquait de se vérifier, une fois de plus, ce reproche exprimé l’année dernière déjà, dans un sondage publié par le «Centre de Recherches Politiques de Sciences Po – Cevipof-Paris» : 85% des Français estimaient que leurs dirigeants ne tenaient pas compte de leur avis et 83% d’entre eux pensaient que les responsables politiques ne se préoccupaient pas d’eux !
Il y aurait donc bien les mots, les intentions et… la réalité ? (voir eurojournalist.eu du 4 Juin).
A Paris, un mini-sommet de gauche ! – Deuxième chapitre de notre approche : le Président français avait invité à Paris, ses collègues dirigeants socio-démocrates. C’était samedi, le 21 Juin, le jour où on célébrait la Fête de la Musique. Il y avait là aussi bien Matteo Renzi, le Président du Conseil Italien que Sigmar Gabriel, le Vice-Chancelier allemand, et l’harmonie s’est installée entre les participants à ce «mini-sommet de gauche» pour réclamer plus de croissance grâce notamment à un programme d’investissements, pour demander que l’emploi des jeunes soit «véritablement» (sic) la priorité budgétaire de l’Europe et marquer leur souci d’organiser la transition énergétique sans négliger pour autant «de simplifier l’Europe, de la démocratiser et enfin, de maîtriser l’immigrgtion.» Beau et vaste programme qui, pour la plupart des observateurs, a déjà été revendiqué lors de plusieurs rencontres et sommets et qui, faute d’accord dans l’exécution, n’a jamais été mené à bien ! Espérons qu’il en ira différemment cette fois-ci : on devrait être fixé assez rapidement puisqu’un nouveau sommet européen aura lieu ce jeudi et ce vendredi à Bruxelles ! Mots, intentions ou concrétisation ?
Lors d’un sondage récent, 64 % des Français (contre 54% l’année dernière !) ont exprimè le sentiment que la démocratie fonctionnait mal dans leur pays : la perception de la démocratie s’est dégradée de l’année dernière à cette année où le citoyen effaré voit que droite et gauche françaises se déchirent, s’inscrivent en crise, se débattent dans des scandales et, finalement (!), alimentent la propagande du Front National. Ce dernier, oubliant qu’il a déjà dirigé sans succès des municipalités, travaille un même thème : «regardez-les, ces dirigeants qui ont échoué, qui ne tiennent pas leurs promesses. Nous, nous n’avons jamais participé au pouvoir, alors essayez-nous, vous verrez que nous ferons mieux !»
Le prix du désenchantement démocratique. – Ces arguments viennent en prolongement d’un véritable «désenchantement démocratique» qui nourrit scepticisme, vote extrémisme et abstention. Les votes nationaux -cela s’est encore vu aux récentes élections communales dans dix Länder, dont le Bade-Wurtemberg-sont concernés, et il serait illusoire de ne retenir que l’abstention aux élections européennes qui traduiraient simplement l’indifférence des citoyens au sort de l’Europe ! On sait que cette indifférence ne touche pas le projet européen en soit, mais la manière dont on le conduit ! Le vote extrême, comme l’abstention aux «européennes» trouvent leur origine dans une même source : les réticences vis-à-vis de la politique et de ceux qui l’animent. Un ancien Premier Ministre français (Jean-Pierre Raffarin) avait, un jour, évoqué, sans en tirer les conclusions utiles, la barrière qui s’était installée entre la «France d’en haut et la France d’en bas !» L’image pourrait être transposée dans la plupart des pays de l’Union Européenne comme elle pourrait être plaquée sur le mode de gestion de l’Union elle même !
Un sondage IPSOS/PUBLICIS menée dans 6 états européens a mis en relief qu’à part l’Allemagne, où 45% des sondés estiment que l’Etat propose des solutions constructives face à la crise, le désenchantement s’impose dans les autres pays : 21% des Français estiment que le gouvernement ne propose pas de solutions constructives face à la crise, contre 19% en Espagne, 15% en Italie, 31% en Pologne, mais 40% en Grande Bretagne. Les oppositions feraient-elles mieux que les gouvernements en place ? «Oui» avaient répondu 37 % d’Allemands (avant la mise en place de la GroKo), «oui» ont répondu 25% de Français, 16 % d’Espagnols, 20 % d’Italiens, 24% de Polonais et 26 % des Britanniques !
Face à la situation, les Français veulent davantage de «démocratie directe». C’est ce que souligne un sondage TNS-Sofres réalisé pour la «Commission Nationale du Débat Public (CNDP)» (1) sur le thème : «Le citoyen et la décision publique». Sans surprise, 96% des sondés veulent que les pouvoirs publics prennent davantage en compte leur avis avant toute décision. Une très grande majorité souhaite qu’on consulte les citoyens pour tous les projets d’intérêt local ou départemental : la majorité est un peu plus faible pour (dans l’ordre) : les projets nationaux, européens et régionaux. Le sentiment que la démocratie fonctionne mal, il incite les sondés à relever, en très grande majorité (entre 57% pour la politique familiale et 78% pour l’énergie ou le nucléaire) que le citoyen est rarement ou pas du tout consulté dans les domaines qui le concernent : famille, éducation, transports, environnement, sécurité des biens et des personnes, santé, logement et urbanisme, économie, énergie (dont nucléaire).
Eviter des débats qui ne servent à rien. – Les sondés constatent que lorsqu’on organise des débats pour informer le citoyens, les décisions sont le plus souvent déjà prises, ils sont trop techniques, pas assez annoncés donc connus et donnent trop souvent la parole aux groupes de pression. Malgré cela, il faut pratiquer l’information par tous les moyens possibles : internet et réseaux sociaux, réunions, dossiers etc… Ils souhaitent que les débats/consultations soient organisés (à plus de 70%) par des «autorités indépendantes», à l’abri des pressions et des lobbies. Si 79% des sondés attendent des débats qu’ils soient informés, 58 % comptent rendre les décisions plus légitimes et plus transparentes à travers les débats, 45 % souhaitent faire évoluer les projets et 40 % estiment qu’ils permettent de faire connaître l’avis des citoyens.
Pour rendre la vie citoyenne plus démocratique, les Français -comme du reste les autres européens- veulent être davantage consultés, informés pour participer réellement aux décisions. Ils veulent qu’on tienne compte de leur avis, sans se contenter de ne les consulter qu’ aux seuls rendez-vous électoraux. Cela suppose de la part des élus, à tous les échelons, de la proximité, de la disponibilité, de la transparence. Cela passe aussi par une meilleure formation des décideurs qui doivent apprendre à écouter et à dialoguer. Cela passe encore par une meilleur information du citoyen qui doit savoir où s’adresser, où puiser ses informations, comment recevoir les réponses attendues et comment mieux participer, au delà des «rites électoraux», à la vie de la cité. Si les décideurs politiques n’arrivent pas à ouvrir la «boîte à outils» d’une démocratie régénérée, le risque est grand que les citoyens, un jour, décident pour (voire contre) eux. L’enjeu est simple, il s’agit de conforter la définition de Winston Churchill : «La démocratie est le pire des systèmes de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être essayés de temps à autre !»
(1) La Commission Nationale du Débat Public-CNDP est une autorité administrative indépendante, créée par une loi de 1995, pour favoriser, organiser et développer la concertation entre autorités (services de l’Etat, collectivités territoriales, établissements publics) et le public.
Kommentar hinterlassen