Quand les Hohenzollern se positionnent comme victimes…

Les Hohenzollern, la dernière dynastie des empereurs allemands, demandent des réparations au gouvernement allemand. On croit rêver.

Le Prince héritier Guillaume avait oublié une chaussette sur son bonnet - même le Führer a du rire... Foto: Bundesarchiv / Bild 102-14437 / Georg Pahl / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Les Hohenzollern, c’était la dynastie de Guillaume II, dernier empereur allemand, l’un des principaux responsables de la Ière Guerre Mondiale. Sa descendance, en particulier le Prince Georg Friedrich von Preussen, a eu la bonne idée de demander des réparations à l’Etat allemand pour la perte de plusieurs châteaux, ainsi que d’œuvres d’art et d’argent. Avec des avocats qui tirent à boulets rouges sur tous les médias qui osent publier les relations du fils de Guillaume II, le Prince héritier Guillaume avec les nazis, l’arrière-arrière-petit-fils de Guillaume II, Georg Friedrich, espère refaire les richesses de sa dynastie. Mais c’est justement cette proximité du Prince héritier Guillaume avec les nazis qui risque de rendre toute la procédure caduque. Pourtant, depuis un certain temps, le gouvernement allemand, en la personne de la ministre d’Etat Monika Grütters, mène des négociations secrètes avec la maison Hohenzollern.

Ne revenons pas sur les méfaits de Guillaume II, sur le génocide des Héréros en Namibie, le premier du 20e siècle, pendant la période colonialiste, taisons le déclenchement de la Ière Guerre Mondiale, car ni l’arrière-arrière-grand-père Guillaume II, ni l’arrière-arrière-petit-fils Georg Friedrich von Preussen ne se trouvent actuellement au centre de cette procédure étrange. Le personnage principal est le Prince héritier Guillaume (1882 à 1951) et sa proximité avec les Nazis, car la « Loi sur les dédommagements de l’Etat concernant les dépossessions sur la base du droit de l’occupation ou des décisions prises par les forces d’occupation ne pouvant être restituées » exclut dans son paragraphe 4 « toute personne, ayant-droit ou entreprise dépossédée ayant gravement violé les principes de l’humanité et de l’Etat de droit ; ayant abusé gravement de sa position pour se procurer des avantages personnels et au détriment d’autrui ou ayant favorisé fortement les systèmes national-socialiste ou communiste dans la zone occupée par l’Union Soviétique ». Et tout le problème de Georg Friedrich von Preussen se situe là – 2 des 4 expertises rédigées à ce sujet arrivent à la conclusion que le Prince héritier Guillaume avait « fortement favorisé » l’émergence et la consolidation du système nazi.

Il existe des photos montrant le Prince héritier poser fièrement en uniforme SA, on dispose de lettres d’une dévotion dégoulinante adressées à Hitler, Goebbels, Goering, il a fait des dons importants aux nazis et participé à de grandes manifestations nazies comme le Jour de Potsdam en 1935 – difficile de clamer que le Prince héritier ne faisait pas partie des promoteurs du nazisme et de ses dirigeants criminels.

Mais l’Histoire ne semble pas intéresser Georg Friedrich von Preussen – il a soumis une liste de postulats au gouvernement ; et cette liste peut surprendre. Ainsi, les Hohenzollern demandent un droit de logement dans plusieurs châteaux, dont le Cecilienhof à Potsdam où Roosevelt, Churchill et Staline s’étaient rencontrés après la guerre pour se concerter sur la marche à suivre concernant l’Allemagne ; la restitution d’environ 5000 œuvres d’art d’une valeur inestimable et la somme presque modeste de 1,3 millions d’euros.

C’est cocasse – la dernière dynastie des empereurs allemands qui a poussé l’Allemagne, l’Europe et le monde entier dans une guerre ayant coûté de dizaines de millions de vies, la famille de Guillaume II qui a su se soutirer de sa responsabilité en partant à l’exil, cette famille se positionne en « victime de guerre » ?!

Et pourquoi le gouvernement allemand négocie-t-il clandestinement avec les Hohenzollern en vue de trouver « un accord » ? La proximité des Hohenzollern avec les objectifs des nazis se lit déjà en 1927 dans une déclaration de Guillaume II qui estimait qu’il y aurait une solution concernant, entre autres, les Juifs – le gaz. Mais là, nous ne sommes pas dans le juridique, mais dans la morale. Le juridique, c’est le rôle du Prince héritier Guillaume et la question si effectivement, il a fortement favorisé le système nazi. 2 des 4 expertises dont la publication est tant combattue par les avocats de Georg Friedrich sont claires, mais on vous donne les conclusions des 4 – à vous de deviner lesquelles ont été payées par le clan Hohenzollern et lesquelles ont été rédigées par des scientifiques indépendants… Pour que vous puissiez vous former une opinion vous-même, nous mettons les 4 expertises intégralement en ligne en bas de cet article (en langue allemande), même si les avocats des Hohenzollern font des pieds et des mains pour empêcher leur publication…

Expertise 1 (Professeur Christopher Clark) : « Le Prince héritier Guillaume n’a pas favorisé fortement le système national-socialiste […]. Le fait que le Prince héritier n’a pas « favorisé fortement » le régime, n’était pas la conséquence d’une opposition contre le régime ou d’une « distance intérieure » contre les objectifs de ce régime, comme explique une partie de la littérature apologétique. Il s’agissait plutôt de l’incapacité du Prince héritier d’agir efficacement dans un contexte politique complexe et en changement rapide » ;

Expertise 2 (Professeur Dr. Peter Brandt) : « […] Il est incontestable que Guillaume a, en particulier à la fin de la République de Weimar et durant la phase de consolidation du ‘Troisième Reich’ contribué de manière permanente et considérable au transfert du pouvoir au NSDAP et de sa consolidation. Il a agi ainsi en toute conscience et en accord avec le chemin vers la dictature en espérant occuper un poste important dans le nouveau système. »

Expertise 3 (Dr. phil. habil. Wolfram Pyta) : « Il ne peut y avoir de doute sur les points principaux suivants : Le Prince héritier Guillaume n’a pas favorisé fortement le système NS. Pendant la phase de fin de la République de Weimar, le Prince héritier Guillaume a joué une part très active en essayant d’empêcher l’accès de Hitler à la chancellerie. Aussi, après janvier 1933 [date de la prise de pouvoir des nazis, n.d.l.r.], le Prince héritier Guillaume s’est activement opposé au système NS. Dès le début, il était proche des réseaux de résistance qui étaient en train de se former ».

Expertise 4 (Dr. Stephan Malinowski) : « Le Prince héritier Guillaume a amélioré les conditions pour la mise en œuvre et la consolidation du régime national-socialiste par son action très constante. Son comportement général a favorisé fortement la mise en œuvre et la consolidation du régime national-socialiste ».

Les biens et objets que réclame Georg Friedrich von Preussen font aujourd’hui partie des possessions de l’Etat allemand, donc, de tous les citoyens. De quel droit cette famille Hohenzollern essaie-t-elle aujourd’hui, en 2019, de récupérer ces biens, ces châteaux, ces œuvres d’art et de l’argent qui appartient au peuple allemand qui, lui aussi, a eu à souffrir de ces deux guerres mondiales dont l’implication de la famille Hohenzollern ne peut pas être remise en cause ? Le gouvernement allemand devrait adresser une fin de non-recevoir à la famille Hohenzollern – une restitution de ne serait-ce qu’un seul tableau à cette famille, serait une insulte à toutes les victimes de ces terribles guerres pendant le siècle dernier. Quel culot !

Ci-dessous, vous trouverez les liens vers les 4 expertises qui retracent le rôle du Prince héritier Guillaume pendant la première moitié du siècle dernier. Après, à vous de décider si oui ou non, cette famille mérite vraiment à ce que le peuple allemand lui restitue des biens et objets d’une valeur inestimable…

18 expertise clark
18 expertise brandt
18 expertise pyta
18 expertise malinowski

Les expertises proviennent du site hohenzollern.lol lancé par le comédien Jan Böhmermann qui lui, a lancé en parallèle un concours pour jeunes juristes qui peuvent soumettre, eux aussi, des expertises et évaluations juridiques de cette situation.

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