Quand Thomas de Maizière agace même ses partenaires de coalition

Les proposition du ministre de l’intérieur fédéral visant à «dissuader» les réfugiés de venir en Allemagne, se situent à la limite de la constitution allemande. Hormis le fait qu’elles soient honteuses.

Seule une telle culture pourrait faire réfléchir les xénophobes et stopper les nombreuses attaques... Foto: Prayitno / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Pour faire face à l’afflux de réfugiés en Allemagne, le ministre de l’intérieur Thomas de Maizières, l’un des faucons dans le gouvernement d’Angela Merkel, voudrait rendre le séjour en Allemagne le plus désagréable possible. Pour cela, il propose de revoir l’argent de poche accordé aux réfugiés (5 € par jour) à la baisse, en suggérant de remplacer cet argent de proche et d’autres prestations par des prestations en nature. Dans son imagination, moins on traite les réfugiés avec dignité, moins ils auront envie de venir. Cette vue un peu simpliste serait toutefois contraire à la constitution allemande, puisque la cour fédérale avait estimé que les réfugiés auraient droit aux mêmes prestations que les bénéficiaire du «Hartz IV», cette aide sociale garantissant un minimum vital aux plus démunis.

L’approche de Thomas de Maizière a suscité de vives critiques, non seulement au sein de l’opposition, mais également dans la coalition au pouvoir à Berlin. Ainsi, une porte-parole du SPD a estimé que «le ministre évolue aux bords de la constitution», tandis que la présidente du groupe des Verts au Bundestag Katrin Göring-Eckardt a souligné qu’il s’agit «d‘un mensonge de dire que le nombre de réfugiés pouvait être régulé par la hauteur des prestations»

Mais Thomas de Maizière pense être dans son bon droit, estimant que les prestations sociales en Allemagne correspondent à des salaires normaux dans des pays comme l’Albanie ou le Kosovo. Ce qui constitue exactement le problème des gens dans ces pays. Même en ayant un travail, les gens n’arrivent pas à y nourrir leurs familles – et c’est pour cela qu’ils quittent leur pays. Pour y remédier, il faudra intervenir dans ces pays, y améliorer les conditions de vie, aider les autorités à stopper un système dominé par des «warlords» locaux et établir des structures étatiques qui méritent cette appellation. Mais «dissuader» des réfugiés ? En opérant encore une fois cette distinction entre «bons» et «mauvais» réfugiés ?

La Cour Constitutionnelle avait jugé en 2012 que les prestations acordées aux réfugiés doivent permettre aux réfugiés de pouvoir participer à la vie de société, culturelle et politique, même si leur séjour ne serait pas de longue durée (par exemple, si leur demande d’asile est refusée). Il s’agit là de la question de la dignité humaine que Thomas de Maizière ne veut plus accorder aux réfugiés qui arrivent en Allemagne.

Et Thomas de Maizière contribue ainsi encore une fois à cette vague de xénophobie qui déferle sur l’Allemagne, perpétuant cette idée farfelue que les réfugiés viennent en Allemagne parce que l’Allemagne serait un pays d’accueil tellement attractif. Les réfugiés quittent leurs pays parce la situation y est devenue invivable, dangereuse, oppressante et non pas par envie de faire un tour du côté de la Bavière ou de la Forêt Noire. En traitant les réfugiés de la sorte, Thomas de Maizière travaille la base des agressions quasi-quotidiennes commises pas des faibles d’esprit d’une extrême-droite assez diffuse, que ce soit contre des centres d’accueils ou contre des personnes.

Plusieurs propositions largement plus raisonnables ont été formulées ces dernières semaines, allant de l’ouverture de centres d’information et de pré-décision pour les demandeurs d’asile souhaitant venir en Allemagne, dans les pays concernés, jusqu’à une ouverture du marché de l’emploi en Allemagne pour les demandeurs d’asile (qui actuellement, n’ont pas le droit de travailler). Traiter les réfugiés comme du bétail, ce serait une honte pour un pays industrialisé et aussi riche que l’Allemagne. Et il est grand temps que le gouvernement allemand change d’attitude vis-à-vis de la question des réfugiés – car cette attitude sert de justification pour les néonazis de commettre leurs crimes. A croire que cette ambiance xénophobe soit ce que recherche le ministre de l’intérieur.

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