Quédate en casa mais sans casa

En Espagne, la pandémie complique aussi la vie des sans-abri.

« Jesús desamparado », sculpture de Timothy Schmalz, installée en 2016 près de la Cathédrale de la Almudena à Madrid. Foto: Riozujar / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Le « Quédate en casa » (Restez à la maison), qui fut le leitmotiv, pour ne pas dire le tube du printemps des pays hispanophones, prend une tournure critique cet automne avec le reconfinement. La baisse des températures provoque un accroissement des contaminations par le coronavirus. Rappelons-le  à ceux qui ne connaissent l’Espagne qu’à travers les clubs de vacances : la Péninsule Ibérique ne se situe pas sous les tropiques.

Fin octobre, Cáritas Española dénombrait plus de 40.000 sans-abri vivant véritablement dans la rue en Espagne, alors qu’en 2015, ils étaient 33.000. Durant l’année en cours, l’association a établi des profils. Beaucoup des 7.100 femmes recensées dans la rue y sont suite à des violences conjugales. Deux sans-abri sur dix sont des jeunes âgées de 18 à 29 ans et beaucoup sortent de centres d’hébergement pour mineurs. La majorité des sans-abri recensée par Cáritas est masculine, âgée de 45 à 64 ans et à 53,5% de nationalité espagnole. Les plus de 65 ans, comme les personnes souffrant de troubles mentaux, représentent environ 5% de cette population dont ils sont les plus vulnérables.

La direction de l’association tirait la sonnette d’alarme lors de la présentation de son rapport sur la situation des sans-abri en Espagne. Le couvre-feu, appliqué à Barcelone partir de 22 heures et minuit à Madrid, voudrait que plus personne ne soit dans la rue au-delà de ces limites fixées par les gouvernements des communautés autonomes. Ce qui conduit les sans-abri à se rendre invisibles pour ne pas se faire harceler par certains policiers obtus. En Catalogne, les forces de l’ordre ont la consigne de ne pas sanctionner les sans-abri, mais cela ne protège pas ces derniers du harcèlement. A Madrid, le SAMU Social est à l’œuvre, mais les places d’hébergement manquent.

Les sans-abri partageant leur existence avec un chien, préfèrent rester dans la rue plutôt que de se séparer de leur compagnon. Des expériences telles que celle réalisée à Assís, dans le quartier Sarri de Barcelone, n’ont pas encore fait école. Partant du principe que les sans-abri se sentent en confiance quand on prend soin de leurs compagnons, des éducateurs ont développé avec succès un accueil spécifique à leur situation. A Séville, tous les sans-abri se sont vus offrir un hébergement temporaire. Mesure d’autant plus importante que la pression sur l’hôpital est très forte.

Fin septembre, Serafín Romero Agüi, le président du Conseil Général des Collèges de Médecins d’Espagne (CGCOM), prévenait déjà que si des moyens n’étaient pas investis dans la santé, la prochaine pandémie serait sociale. Nous en prenons le chemin, et pas qu’en Espagne. Non, Monsieur Aznavour, la misère n’est pas moins pénible au soleil, car dans les pays ensoleillés, l’été est agréable, mais les hivers sont froids…

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