Quelle place pour l’UE à la COP 21 ?
A un peu plus d’un mois de la COP 21, quelques interrogations apparaissent quant à la place de l’Union européenne dans cette enceinte. Pour l'Union, comme pour la planète, les enjeux sont majeurs : réchauffement climatique, réduction des terres arables, élévation du niveau de la mer, réfugiés climatiques…
(Par Clément Kolopp, Frédérique Berrod et Antoine Ullestad) – Face à une urgence vitale et face au groupe G77 + Chine, coalition des pays du sud, l’UE a donc un rôle important à tenir, reste à savoir lequel. Le dernier tour de table avant la COP 21 qui s’est tenu à Berlin, n’a pas encore tout à fait apporté satisfaction.
L’UE, modèle du genre – L’Union peut jouer un rôle majeur dans les négociations. D’abord parce que le président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, a placé l’Union de l’énergie parmi ses premières priorités politiques. L’existence avérée d’une politique européenne de l’énergie centrée autour de la sécurité de l’approvisionnement est un véritable atout dans la négociation.
Ensuite parce que les succès européens en matière énergétique sont de bon augure. Un rapport de l’Agence européenne de l’énergie, publié le 20 octobre, rappelle que l’Union devrait, à ce rythme, dépasser son objectif d’une réduction des émissions de CO2 de 20 % d’ici à 2020, objectif phare de sa politique énergétique.
Les 28 Etats membres ont, de surcroît, convenu qu’ils parleraient d’une seule voix avec l’Union pour obtenir à Paris un accord contraignant, avec pour objectif de contenir l’augmentation de la température en dessous de 2 degrés. Une Europe soudée peut peser pour promouvoir une politique mondiale reposant sur la négociation d’un quota contraignant de réduction de 50% des gaz à effet de serre d’ici à 2050. Elle peut aussi insister sur la mise en place de mécanismes de financement de la transition énergétique des pays vulnérables.
L’UE et ses Etats membres s’engagent aussi à une exécution conjointe des obligations du nouvel accord attendu à Paris. Ce qui est plus décevant, comme le soulignent de nombreuses ONG, c’est que l’UE ne s’engage pas au niveau international sur la promotion des énergies renouvelables.
Un poids lourd dans la négociation – La position de négociation de l’Union est en réalité encore bien plus lourde. La dépendance énergétique de l’Union fait d’elle un marché extrêmement lucratif pour ses principaux fournisseurs. Cette dépendance entretient l’influence de l’Union bien au-delà de ses frontières extérieures.
En matière énergétique, l’UE est parvenue à convaincre nombre de ses partenaires du bien fondé de son système de normes et de l’efficacité de sa politique énergétique par la libéralisation des échanges. La promotion de ce modèle énergétique est un moyen pour l’Union de légitimer ses choix au niveau international, tout en la protégeant contre le risque de rupture d’approvisionnement. Cette exportation de l’acquis normatif fait partie de ce qu’on pourrait aujourd’hui appeler une diplomatie par la norme européenne. En matière énergétique, elle a construit l’attractivité de l’UE par delà ses frontières extérieures.
De ce fait, lorsque l’UE va se mettre à la table des négociations lors de la COP 21, elle ne le fera pas uniquement comme représentante de ses 28 Etats membres. D’autres pays ont accepté de suivre le modèle promu par l’Union européenne : ceux de la Communauté de l’énergie, ceux participant à la Charte de l’énergie, comme l’Ukraine, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan, ceux de l’espace Euro-méditerranéen et aussi ceux de l’Espace Economique Européen, telle que la Norvège.
Tous ces états font ainsi partie de la zone d’influence normative de l’Union et ont déjà intégré les règles de la politique européenne de l’énergie dans leur politique nationale. L’UE pourrait ainsi faire office de poisson pilote dans les négociations internationales, finalement seule capable d’équilibrer l’influence de la Chine et des pays en développement.
La réticence des états – Reste le principal problème de l’UE dans toute négociation internationale : celui de réussir à parler d’une seule voix. La tâche est ardue, ne serait-ce que parce que la France nationalise l’événement au lieu de lui conférer la dimension européenne qu’il devrait avoir.
Dans le domaine de l’énergie, la position de l’Union en tant qu’acteur global est mise à mal par ses propres Etats membres. Sous couvert de souveraineté énergétique, les états continuent de développer des relations contractuelles bilatérales avec nombre d’Etats tiers et minent finalement la légitimité internationale de l’Union.
Cette attitude conduit à renationaliser les choix énergétiques. Plus encore, la valorisation de priorités nationales va directement à l’encontre du mandat de négociation donné par les mêmes états à l’Union.
L’Union aurait-elle peur de sa propre force de négociation ? Il faudra bien tout l’esprit de solidarité censé gouverner la politique européenne de l’énergie pour contenir la température des négociations et aboutir à un accord international à Paris.
Les auteurs : Clément Kolopp est journaliste à Paris ; Frédérique Berrod est Professeure de Droit Public à Sciences Po Strasbourg et au Collège d’Europe de Bruges et Directrice de la Fédération de recherche «L’Europe en mutation», FR Unistra/CNRS 3241 et Antoine Ullestad est Doctorant au CEIE à l’Université de Strasbourg.
Kommentar hinterlassen