Quelles sanctions contre la Pologne et la Hongrie ?

Le gouvernement polonais de Jaroslaw Kaczynski et plus encore, celui de Viktor Orban en Hongrie mènent une politique diamétralement opposée aux valeurs énoncées dans le Traité sur l’Union européenne. Que faire ?

Frères dans le cynisme : Orban et Kaczynski Foto: infozentrale / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 1.0int

(MC) – Qu’on juge un peu de la contradiction de ces politiques avec les valeurs de l’Europe en relisant l’Article 2 du Traité : 

«L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.»

Chacun des points énumérés fait surgir dans notre mémoire des souvenirs tout récents de profanation de ces valeurs. Mais la Pologne et la Hongrie sont attaquées principalement pour leur xénophobie, et surtout leur politique des migrants agressivement dirigée contre ces derniers. Que faire donc pour que ces 2 pays réintègrent de plein droit moral l’Union ?

En décembre 2017, la Commission a mis en branle contre la Hongrie la procédure prévue dans cette situation : à savoir, la privation du droit de vote pour le membre concerné, celui qui a commis et commet de graves manquements aux principes communs. Mais il y a un hic : pour que cette procédure devienne effective, il faut qu’elle soit votée à l’unanimité des Etats membres. Or, Pologne et Hongrie, deux pays touchés par le populisme et un nationalisme à la limite dépassée du racisme, s’entendent comme larrons en foire : jamais l’unanimité ne sera donc possible. D’ailleurs, plus largement, le PPE, le parti qui regroupe les partis conservateurs, apporte un soutien puissant et constant à Viktor Orban. De plus, la procédure est lente, très lente ; entre temps, la situation et le climat ne s’améliorent pas dans les pays concernés, bien évidemment…

Un autre type de sanction vient évidemment à l’esprit de tout anthropoïde pourvu de bon sens : les sanctions financières. Rappelons un fait que les Hongrois et les Polonais eux-mêmes font trop souvent mine d’oublier : la Pologne est le pays qui bénéficie le plus de la manne européenne, et c’est en Hongrie que la proportion de l’apport financier européen est le plus important (3 % du produit intérieur brut) ! Des sanctions financières seraient donc très sensibles. Et la procédure serait plus facile à mettre en place : elle n’exigerait pas un vote unanime, mais celui d’une majorité qualifiée.

Elles seraient aussi plutôt lentes dans leurs effets… Lenteur de la mise en place et lenteur de la réalisation s’additionnent.

A ce propos, sans doute faudrait-il lever ce qui apparaît comme une sorte de tabou mou. On partage spontanément et sans examen, en effet, une sorte de Règle d’or implicite : « N‘ applique point aux populations ce que tu dois appliquer aux gouvernements lépreux ». Mais est-ce bien sûr ? Cela demande qu’on y réfléchisse. La population, ce sont les électeurs. En principe, les électeurs sont responsables et adultes.Certes, la participation, en Pologne et en Hongrie, a été faible ; mais la moitié des électeurs environ a voté en connaissance de cause pour des programmes xénophobes, sachant que la presse serait encore davantage muselée qu’elle ne l’était dans les 5 ou 10 précédentes années; ils ont voté pour la discrimination, l’intolérance et l’injustice. Tout cela contrevient aux valeurs énoncées dans l’Article 2 et dans le Traité de Copenhague.

Des sanctions financières seraient évidemment exploitées par Orban, qui crierait à la mainmise dictatoriale de Bruxelles sur le pauvre peuple hongrois. De telles sanctions ne renforceraient-elles pas le camp de ses partisans ? Et Orban le tribun véreux risquerait fort de creuser le plus possible le fossé apparent entre les pays de l’Europe occidentale et “ceux de Visegrád » (Hongrie, Pologne, Slovaquie, République tchèque), en prétendant que sensibilités et intérêts divergent…

C’est possible. Mais le contraire est vrai aussi : ces mesures renforceraient bien autant le camp de ses adversaires, qui rejetteraient (avec raison) la responsabilité de ces mesures sur les agissements anti-démocratiques du chef de gouvernement et de ses ministres.

De telles mesures « punitives » présenteraient cependant l’inconvénient de pénaliser en même temps les entreprises étrangères implantées et qui ont apporté un investissement parfois considérable dans ce pays …

Cependant, une suggestion intéressante a été émise çà et là, à Bruxelles et à Strasbourg, et qui résoudrait tous les problèmes évoqués ici. Au lieu de cesser le versement des fonds structurels européens, on pourrait suspendre celui des fonds de la Politique Agricole Commune. Comme cela est dit élégamment… Cela signifie, en clair, que seraient pénalisés ceux qui constituent le vivier électoral principal du populisme en Europe centrale (en Pologne, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, notamment) : les populations rurales. Celles qui ont le plus bénéficié de la manne européenne, et qui votent pour des gouvernements à la limite (parfois largement dépassée) du fascisme.

Intéressant, non ? Un avantage conjoint : ces mesures seraient effectives bien plus rapidement que si elles s’attaquaient aux fonds structurels. Et elles responsabiliseraient enfin les votes européens dans ces pays… et dans ceux de l’Ouest ! Il en va de la réputation et donc, de l’efficacité des institutions européennes.

Maréchal Piłsudski, nous voilà !

 

 

 

 

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