Quelle était la motivation pour les déclarations de Thorbjørn Jagland en Turquie ?

Après les déclarations surprenantes du secrétaire général du Conseil d’Europe approuvant les « purges » effectuées par le régime Erdogan, on cherche à comprendre les raisons pour cette prise de position

Et si la motivation des étranges déclarations de Thorbjørn Jagland en Turquie était financière ? Foto: GreenZeb / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Le Conseil d’Europe (CoE) est une institution européenne des plus sérieuses. Fondé en 1949, le Conseil d’Europe compte 47 états-membres (donc bien plus que l’Union Européenne) qui eux, représentent 820 millions citoyens et citoyennes. Sa mission est la défense des Droits de l’Homme, de la Démocratie et de l’Etat de Droit. Voilà pour la théorie. Dans la pratique, le secrétaire général du Conseil d’Europe Thorbjørn Jagland a surpris tout le monde en approuvant mercredi après ses rencontres avec des leaders du gouvernement turc, les « purges » actuellement en cours en Turquie. Il convient donc de se poser la question pourquoi le patron du Conseil d’Europe, défenseur des Droits de l’Homme, cautionne un régime qui actuellement, bafoue autant les Droits de l’Homme que l’Etat de Droit. Et si l’explication était financière ?

Un regard sur le budget du Conseil d’Europe pourrait constituer une piste à explorer. Le budget du Conseil d’Europe s’élève à 401 millions d’euros en 2016 et il est financé par les états-membres et, en petite partie, par des états associés, mais non-membres du Conseil d’Europe, comme la Corée du Sud, le Mexique ou les Etats-Unis. La majeure partie du budget provient toutefois des états-membres et lorsque l’on regarde les chiffres de près, on constate qu’une poignée de pays finance la plus grande partie du budget – en tête, on trouve la France (37,6 millions €), l’Allemagne (35,7 millions €), l’Italie (34,7 millions €) et – la Turquie (33,5 millions €). La Turquie est donc le 4e contributeur au budget du CoE, devançant la Russie et la Grande Bretagne.

La dépendance entre le Conseil d’Europe et la Turquie semble être réciproque. Si la Turquie a besoin d’une tête de pont au niveau des institutions européennes, le CoE veut absolument maintenir les liens diplomatiques avec les pays qui ne sont pas membres de l’Union Européenne. L’importance que la Turquie accorde à sa présence au Conseil d’Europe se manifeste non seulement au niveau budgétaire (en une année, de 2015 à 2016, la contribution turque est passé de 13,6 millions € à 33,5 millions €), mais également au niveau de la nouvelle ambassade turque auprès du CoE, un palais qui dépasse toutes les autres ambassades à Strasbourg.

Lors de sa visite en Turquie mercredi, est-ce que Thorbjørn Jagland avait peur de froisser l’un des plus grands contributeurs au budget de son institution ? Est-ce que le gouvernement turc l’a menacé de fermer le robinet si Jagland n’approuvait pas la politique turque ? Toujours est-il qu’aucune organisation européenne ne pourrait facilement supporter la perte de plus de 8% de son budget et en vue des multiples menaces turques des dernières semaines, il est difficile d’écarter cette hypothèse.

Hier, nous avons interrogé plusieurs personnes proches du Conseil d’Europe, y compris des députés, mais si tout le monde a confirmé que la question quant aux déclarations de Jagland en Turquie et la contribution financière de la Turquie était « pertinente », personne n’a voulu s’exprimer. A croire que le dossier « Turquie » est vraiment épineux.

Mais quoi qu’il en soit – un secrétaire général du Conseil d’Europe qui cautionne les « purges » actuelles en Turquie, cela donne à réfléchir. Thorbjørn Jagland aurait mieux fait de ne pas s’exprimer en Turquie. La crédibilité du Conseil d’Europe a pris un sacré coup.

2 Kommentare zu Quelle était la motivation pour les déclarations de Thorbjørn Jagland en Turquie ?

  1. Interesante.
    PS: La Corée du Sud n’est pas un état associé du Conseil de l’Europe.

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