Qui sont donc les « antivax » ?

Surfant sur la vague complotiste, les « antivax » profitent bien de la pandémie de Covid-19.

Manifestation "antivax" à Berlin le 1 août 2020. Foto: Léonhard Lenz / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Début novembre 2020, une étude de la Fondation Jean Jaurès soulignant l’hostilité de 41% des Français envers la vaccination contre la Covid-19, expliquait ce chiffre par le classement de la France dans le peloton de tête des pays sceptiques envers la couverture vaccinale. S’appuyant sur cette enquête, « Le Quotidien du Médecin » traçait très schématiquement le profil type de ces « antivax » qui seraient majoritairement des femmes, plutôt jeunes et votant pour des partis populistes.

Cette mouvance « antivax » remonte à la fin du 18e siècle, avec l’invention de la vaccination par Edward Jenner (1749-1823) en 1796. Déjà perçu par certains comme une arme dont les puissants se serviraient contre le peuple, le vaccin est décrié, alors qu’à l’époque, personne ne parlait de « Big Pharma », mais le complotisme « antivax » avait déjà le vent en poupe. La première ligue antivaccinale française, créée en 1879, réunissait principalement des médecins opposés à la vaccination obligatoire.

Au 20e siècle Marcel Lemaire, un médecin, condamné en 1952 à une amende pour avoir refusé l’administration du BCG à son enfant, fonda en 1954 la Ligue Nationale Contre les Vaccins Obligatoires, qui devint en 1964 la Ligue Nationale pour la Liberté des Vaccinations (LNPLV). La tendance « New Age », prenant le relais à partir des années 1980 en décrivant le vaccin comme artificiel et par conséquent toxique, a rejoint les diatribes du biologiste Jules Tissot (1870-1950) qui fustigeait en son temps les « dogmes pasteuriens ».

Aujourd’hui, les « antivax » sont principalement des complotistes pour qui l’industrie pharmaceutique (« Big Pharma ») fournit aux états les moyens d’asservir les masses, des tenants d’une démarche politique instrumentalisant les peurs pour s’opposer aux gouvernants, des adeptes radicalisés des médecines alternatives ou d’alter-sciences, des idolâtres de la nature naïvement darwiniens, et enfin des opposants à la vaccination pour motifs religieux.

L’antivaccinisme se fondant sur des motifs religieux, procède d’une vision du mode pyramidale et binaire. Contrairement à certaines idées reçues, les Témoins de Jéhovah toujours opposés à la transfusion sanguine, ne sont plus « antivax » depuis les années 1990. L’Arabie Saoudite et l’Iran, font partie des pays ayant selon l’UNICEF les meilleures couvertures vaccinales au monde. Pour le catholicisme, le pape François parlant du négationnisme suicidaire des « antivax » a donné l’exemple en se faisant vacciner contre la Covid-19.

Pour ce qui est des juifs orthodoxes et de certains protestants, il en va autrement pour une partie d’entre eux. Lors d’une résurgence de la rougeole en 2018, alors que l’état de New York imposait la vaccination aux enfants pour réintégrer l’école, la communauté juive orthodoxe avait été l’objet d’un « propagandisme antivax » allant à l’opposé de l’absolue nécessité de protéger la vie mentionnée dans le « Choul’han Aroukhh », code de loi compilé au 16e siècle faisant pour eux référence. Aujourd’hui, un rabbin ultra-orthodoxe israélien affirme que le vaccin contre la Covid-19 tend à rendre homosexuel…

Quant aux protestants, certains d’entre eux, à l’instar d’une partie des évangéliques étasuniens comptant sur l’immunité divine, adoptent des attitudes aberrantes vis-à-vis de la vaccination, comme par exemple dans la « Bibelgordel » (Ceinture de la Bible) traversant les Pays-Bas en diagonale. C’est dans ces milieux traditionalistes où le taux de vaccination est faible, qu’avait en 2012 débuté une importante vague de rougeole, maladie infantile pouvant engendrer de graves complications et potentiellement mortelles dans 10% des cas.

Beaucoup de nos contemporains s’étant affranchis de la verticalité des religions, pour y substituer l’horizontalité des réseaux sociaux, le web regorgeant de contenus affirmant la nocivité de la vaccination, l’individu lambda se retrouve alors happé par un vortex d’informations plus ou moins (véri)fiables. Ce qui aboutit à son auto-enfermement dans un mode de pensée unique, avec pour conséquence, la perte de tout esprit critique, comme en témoignait sur LCI un « antivax » repenti. Pensant à tort se faire indépendamment sa propre idée, il se conforme à un diktat particulièrement efficace car, se proclamant faussement libre, il devient l’artisan de son propre enfermement.

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