Quid des « antivax » à Cuba ?

Le professeur Leyde Ernesto Rodríguez, directeur-adjoint de l’Institut Supérieur des Relations Internationales Raúl Roa García de La Havane, répond à nos questions sur la politique vaccinale de Cuba.

Pablo Neruda aurait très certainement approuvé et soutenu la recherche cubaine face à la pandémie de Covid-19. Foto: privée / Leyde Ernesto Rodriguez

(Jean-Marc Claus) – Dans les médias et sur internet, la pandémie de Covid-19 a donné lieu à plusieurs articles, notamment à propos des Brigades Médicales et des travaux des scientifiques cubains en matière de recherche vaccinale. Par contre, rien n’est dit sur l’éventuelle opposition d’une partie de la population aux vaccins anti-covid, phénomène auquel nous assistons dans de nombreux pays occidentaux. Qu’en est-il exactement ?

Pouvez-vous, Professeur Rodríguez, faire un bref récapitulatif des politiques vaccinales en vigueur sur l’île, avant la victoire de la Révolution en 1959 et depuis ?

Leyde Ernesto Rodríguez : Depuis 1959, Cuba a fait de la santé une priorité nationale en créant un système public, universel et gratuit, subordonnant les considérations économiques à l’impératif de santé publique, avec un investissement annuel qui représente la plus grande part du budget national. Fondée sur la prévention et le concept de « médecin de famille », elle a permis à la population de l’île de bénéficier d’un niveau de protection sanitaire unique dans le tiers-monde, comparable à celui des pays les plus développés.

Avant 1959, le seul vaccin appliqué à Cuba avec une certaine régularité, était le vaccin contre les formes graves de la tuberculose, et la couverture nationale ne dépassait pas 5%. Le programme de vaccination cubain a été créé en 1962 à la suite des transformations politiques, économiques et sociales initiées en 1959, lorsque les maladies transmissibles -y compris les maladies évitables par la vaccination- étaient la principale cause de morbidité et de mortalité dans la population infantile. Malgré le blocus économique, commercial et financier des États-Unis, Cuba a pu développer avec succès, le programme national de vaccination jusqu’à aujourd’hui.

Qui soutient la recherche médicale et comment sont décidées ses orientations ?

LER : Il est soutenu par le Gouvernement Révolutionnaire Cubain, l’État de la République de Cuba, et ses orientations sont débattues et décidées au sein de la Commission de la Santé et des Sports de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, donc, le Parlement Cubain. Les politiques de santé sont mises en œuvre par le Ministère de la Santé et ses structures nationales, provinciales et municipales, par diverses entités et institutions en charge de la santé de la population.

Quelles sont les vaccinations obligatoires sur l’île et quelle valeur a le carnet de vaccination ?

LER : En 1962, avec la campagne de vaccination contre la polio, le Programme National d’Immunisation (PNI), a été créé. Ce programme administre 12 vaccins, avec une moyenne de 4.800.000 doses par an d’immunogènes simples ou combinés, protège contre 13 maladies et dépasse chaque année 98% de couverture au niveau national.

L’organisation et le fonctionnement du Programme National d’Immunisation, grâce à une vaccination systématique et soutenue dans le temps, ont eu un impact décisif sur les indicateurs de santé de la population cubaine, comme en témoigne l’éradication de six maladies : la polio (1962), la diphtérie (1979), la rougeole (1993), la rubéole (1995), les oreillons (1995) et la coqueluche (1997), et de quatre complications ou formes graves : la méningite tuberculeuse (1962), le tétanos néonatal (1972), la méningite du post-partum (1989) et le syndrome de rubéole congénitale (1989).

La vaccination anti-covid, a-t-elle rencontré des opposants dans le public et pourquoi ?

LER : Je ne connais pas d’opposition à la vaccination anti-coronavirus parce qu’à Cuba, la vaccination est un droit du peuple, ce n’est pas un commerce ou le profit personnel d’une élite oligarchique, je le répète, c’est un droit du peuple. Pour la vaccination anti-covid, elle n’est pas obligatoire, mais nos concitoyens y adhèrent. La grande majorité de la population est éduquée dès l’enfance à la vaccination, comme je l’ai montré dans des réponses précédentes. Notre peuple est informé et instruit sur les politiques de santé de l’État Cubain. Il existe une information abondante sur le programme national de vaccination dans les médias nationaux et dans chaque localité. Ce programme est réalisé avec beaucoup d’efforts par l’État cubain en raison du cruel blocus économique, commercial et financier des États-Unis contre le peuple cubain.

Comment la population cubaine et vous-mêmes, percevez-vous les mouvements antivax que nous connaissons notamment en Europe et en Amérique du Nord ?

LER : Ce mouvement anti-vaccins n’a rien à voir avec notre réalité. Peut-être sommes-nous l’une des rares exceptions dans ce monde capitaliste inégalitaire, injuste et en crise. La population cubaine est instruite en matière de politiques de santé, c’est une population qui a un haut niveau d’éducation et d’information. De nombreuses personnes aux États-Unis et en Europe sont fonctionnellement analphabètes, car elles ne savent pas qu’il existe des maladies telles que la polio, la diphtérie ou la coqueluche qui ont eu des effets terribles sur la population. Ce n’est que grâce aux vaccins que ces maladies ont pu être maîtrisées. La science explique que les vaccins sont un mécanisme de contrôle des maladies infectieuses et que l’incapacité à les contrôler, par le biais de la vaccination, aurait un impact sanitaire important, mais aussi un impact économique et social, comme on l’a vu avec le coronavirus. Dans les conditions de la crise multidimensionnelle actuelle du capitalisme, la méfiance sociale envers les politiciens et la science, l’incertitude et le manque de foi en l’avenir ont augmenté, l’éducation et l’instruction ont diminué, favorisant des positions obscurantistes et négationnistes généralisées.

Monsieur le Professeur, merci d’avoir répondu à nos questions !

 

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