Recep Tayyip Erdogan se voit en maître de l’Europe

En multipliant ses attaques contre la liberté de la presse, le président turc montre clairement qu’il ne partage en rien ce qu’on appelait autrefois «les valeurs européennes».

L'humour fait partie des choses qui manquent le plus à Recep Tayyip Erdogan. Foto: Kürschner (d) / Wikimedia Commons / PD

(KL) – L’ambassadeur allemand en Turquie, Martin Erdmann, était surpris en recevant une sommation au ministère des affaires étrangères à Ankara. Sur place, on lui signifiait le mécontentement du président Erdogan qui n’avait apprécié que moyennement une vidéo diffusée par la chaîne allemande NDR et qui, sur une musique légère et joyeuse et pendant un peu plus de 2 minutes, passait en revue le personnage d’Erdogan et son action politique. Mais l’humour n’a pas vraiment cours en Turquie ces jours-ci. Les autorités turques ont demandé à l’ambassadeur de faire enlever la vidéo sur YouTube, à quoi Martin Erdmann a répondu qu’en Europe, on considère la liberté de la presse comme une valeur à protéger.

Si l’intervention turque auprès de l’ambassadeur allemand n’aboutira à rien, ce n’est pas cela qui stoppera Recep Tayyip Erdogan dans sa lutte contre les libertés. Ainsi, il met tout en œuvre pour que le procès actuel contre deux journalistes, Can Dündar et Erdem Gül, se déroule à huis clos et le président turc s’est violemment pris à deux diplomates anglais qui assistaient à l’ouverture de ce procès en leur lançant : «Ici, ce n’est pas votre pays, ici, c’est la Turquie». Et Erdogan sait pourquoi il réagit de manière tellement sensible aux médias –ce procès tourne autour de livraisons d’armes aux extrémistes syriens et Erdogan, dont les relations avec les différents belligérants en Syrie ne sont pas très claires, ne veut pas que ce procès puisse être suivi publiquement. Par conséquent, le public (et les médias et les diplomates étrangers) a été exclu du procès – où les deux journalistes risquent la peine à perpétuité pour «haute trahison».

Et l’Union Européenne a confié ses clés à cet homme ? L’incapacité européenne de s’occuper ensemble et solidairement de ses problèmes est vraiment grave si un personnage comme Erdogan est considéré comme «le sauveur». Mais les responsables européens se trompent – Erdogan ne fera pas partie d’une solution, il fait partie du problème. Car cet homme est en train de radicaliser et d’abrutir tout un peuple, poursuivant des objectifs assez personnels et violant en permanence les règles d’or établies par le fondateur de la Turquie moderne, Kemal Atatürk.

Le prix que paie l’Union Européenne à la Turquie est trop élevé. Il aurait été moins onéreux et moins dangereux de résoudre la question des réfugiés de manière solidaire au niveau européen, au lieu de s’en remettre à Recep Tayyip Erdogan qui n’arrive pas à lever le soupçon qu’il soit mêlé directement ou indirectement au commerce avec le Daesh. La libre circulation pour les ressortissants turcs en Europe, l’ouverture de nouveaux chapitres dans les négociations sur une éventuelle adhésion de la Turquie à L’Union Européenne, les 6 milliards d’euros promis à la Turquie pour un étrange «troc» de réfugiés illégaux et réfugiés enregistrés en Turquie – nous voilà sur le chemin du dépôt du bilan européen.

Comme il l’a déclaré à plusieurs reprises, Erdogan est un ennemi de la démocratie, des libertés individuelles et collectives et il a réussi à établir une sorte «d’état policier» en Turquie. Il serait peut-être temps que nous fassions comprendre à nos élus que nous ne sommes pas du tout d’accord avec la gestion des nouvelles relations avec un pays dont le président s’est auto-déclaré ennemi de tout ce que nous voulons défendre en Europe. La liberté de la presse en fait partie. A moins que tout le monde ait déjà oublié que nous voulions être «Charlie»…

Pour visionner la vidéo sur Erdogan, CLIQUEZ ICI ! Si vous souhaitez regarder la vidéo en V.O. sous-titres en Turc, CLIQUEZ ICI ! Et pour la version avec sous-titres en Anglais, CLIQUEZ ICI

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