Red Road — les gens de Glasgow dans l’objectif d’Andrea Arnold
Spécial Cannes (2). Esther Heboyan couvre pour Eurojournalist(e), l'intégralité du Festival International du Film à Cannes. L'excellente spécialiste du cinéma verra beaucoup de films ces prochains jours...

(Cannes, Esther Heboyan) – Cannes est aussi l’occasion de voir ou de revoir de vieux films et de rendre hommage aux personnalités qui ont fait le cinéma mondial. Ainsi, la Quinzaine des Cinéastes 2024 a programmé Red Road, sorti en 2006, de la cinéaste britannique Andrea Arnold qui, non seulement va être honorée d’un Carrosse d’or pour l’ensemble de son œuvre, mais va aussi présenter son dernier long-métrage Bird dans la sélection pour la Palme d’or.
Red Road désigne un quartier désœuvré à Glasgow où la télésurveillance tente de prévenir des actes de délinquance. Dans sa tour de contrôle, Jackie, jouée avec beaucoup de justesse par Kate Dickie, est une opératrice de télésurveillance qui reste attentive aux incidents pouvant déclencher des drames. Il lui arrive aussi d’éprouver de l’empathie pour un vieux chien malade accompagné de son maître, ou d’être amusée par une femme de ménage improvisant une chorégraphie.
Jackie prend très à cœur son rôle jusqu’au moment où elle croit identifier le visage d’un condamné qui vient d’être libéré pour bonne conduite. Elle se met à l’épier, à le traquer, à s’introduire chez lui et dans son quotidien. Des indices permettent de comprendre que Jackie a été la victime d’un acte répréhensible (mais lequel ?) perpétré par Clyde, interprété avec force par Tony Curran. Sur Red Road, parmi les tours gigantesques où la vie ne vaut rien et les commerces aux devantures délabrées, on peut, à tout instant, glisser vers l’horreur et la violence. Jackie va-t-elle (à nouveau ?) souffrir à cause de Clyde et de ses compères ? C’est la question qui va obséder le spectateur, comme Jackie est obsédée par Clyde.
Si le début du film déploie du réalisme social à la Mike Leigh ou à la Ken Loach, la suite du film s’imprègne des ingrédients du thriller pour brouiller les pistes, voire inverser les rôles. La narration, menée avec minutie, inclut des coups de théâtre, des surprises comme les aime Andrea Arnold. Cannes a eu raison de sélectionner une nouvelle fois Red Road qui avait déjà reçu le Prix du Jury en 2006.
La projection de ce premier long-métrage d’Andrea Arnold a été suivie d’un Master Class où la cinéaste a expliqué sa façon de travailler pour atteindre le vrai. James Joyce nous a dépeint Les Gens de Dublin. Autre lieu, autre temps, autre registre : Red Road s’attache à décrire les gens de Glasgow parlant avec l’accent écossais, traînant, sous un ciel mélancolique d’Écosse, leurs imperfections, faiblesses, frustrations, angoisses, désirs, et surtout leur quête d’un bonheur qui semble à jamais éclipsé. La caméra fouille les visages, filme les corps, cadre des situations, capte des espaces clos et des extérieurs mornes. Tout est teinté de désespoir sans toutefois exclure l’élévation vers un mieux-être.
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