Réduction de la consommation de gaz : un débat houleux

La Commission Européenne demande aux états membres de réduire de 15% la consommation de gaz. Une demande qui ne plaît pas à tout le monde.

Le souhait de la Commission Européenne de réduire la consommation de gaz de 15% ne plaît pas à tout le monde. Foto: EmDee / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Anthony Branstett) – Une réduction de 15% de la consommation de gaz, c’est ce qu’a demandé la Commission Européenne lors de la réunion extraordinaire des ministres européens de l’Energie du 26 juillet 2022. L’Europe a besoin d’un régime énergétique. Un plan d’urgence avait été établi une semaine auparavant à Bruxelles. La guerre en Ukraine entraîne une pénurie de gaz russe, le Kremlin réduisant de plus en plus les fournitures. Avant la guerre, le gaz russe était abondant et bon marché. Maintenant, il est rare et cher. A force des choses, cette situation doit conduire à une dynamique européenne de sobriété énergétique.

Limiter le chauffage ainsi que la climatisation dans les bâtiments publics et commerciaux, fait partie de ce plan d’urgence. Une meilleure communication, plus ouvertement sur les bons gestes à adopter concernant le grand public, en est une autre. L’Italie, elle, est en avance par rapport aux autres : l’« Opération thermostat », comme les médias l’appellent, correspond à une politique du 1er mai relative aux écoles et aux bâtiments publics. La climatisation ne pourra être allumée que si la température est supérieure à 27°C au lieu de 26 auparavant. Le chauffage ne pourra être allumé que si le mercure est inférieur à 19°C. Dans le cas où cette politique n’est pas respectée : 500 à 3 000€ d’amende. Fin mai, de son côté, l’Espagne a incité les salariés de la fonction publique à pratiquer davantage le télétravail, d’utiliser les transports en commun, de se servir des vélos et d’éteindre les lumières plus tôt dans les administrations.

Thomas Pellerin-Carlin, spécialiste de la politique européenne de l’énergie à l’Institut Jacques-Delors, explique qu’il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité de ces initiatives. Outre-Rhin, une large campagne de communication « 80 millions ensemble pour économiser de l’énergie » a été lancée. Lors du 14 juillet 2022, Emmanuel Macron a annoncé un « plan de sobriété énergétique » pour fin septembre. « On va essayer de faire attention collectivement, le soir aux éclairages quand ils sont inutiles, on va faire un plan pour les administrations publiques, on va faire un plan de sobriété dans lequel on va demander à tous nos compatriotes de s’engager (…) », a-t-il détaillé. Celui-ci permettra peut-être de se relever de l’échec des mesures existantes, instaurées en 2018 : l’extinction des lumières dans les commerces à 1h du matin au plus tard ou alors une heure après la cessation de l’activité. Un décret de 2007 ainsi qu’un article du Code de l’énergie permettent une régulation des températures.

En 1973, le terme de « sobriété » n’est pas encore utilisé. Cependant, beaucoup de pays ont déjà mis en place « de grandes campagnes de sobriété énergétique ». Des dispositions structurelles sont apparues comme « des limitations importantes de la vitesse sur les routes ou la mise en place des premières normes d’efficacité énergétique des nouveaux bâtiments, dont nos normes actuelles sont les héritières lointaines », souligne Thomas Pellerin-Carlin. A la même ère, les Pays-Bas ont instauré un grand « plan vélo ». Au Japon, le lendemain de Fukushima, le nucléaire est laissé à l’abandon avec le « Setsuden », « une grande campagne de sobriété énergétique et d’économies d’énergie qui, porté par le rôle modèle du Premier ministre de l’époque, a entraîné une mobilisation générale de la population japonaise ». La conséquence : une réduction de 20% sa consommation, explique l’expert. « Ce n’est pas une mesure, c’est une collection de mesures qui a permis à l’industrie japonaise de ne pas s’effondrer et aux prix de l’électricité de rester élevés sans être trop excessifs ».

Les recommandations et les mesures portées par les pays démontrent un enthousiasme restreint, ce qui est surprenant vu la situation. « Il n’y a pas un seul leader du G20 qui parle de cette crise comme d’une opportunité », a relevé la Britannique Rachel Kyte, vice-présidente et envoyée spéciale du Groupe de la Banque Mondiale pour le changement climatique. « Si ce qui vous importe, c’est la transition énergétique », cette situation « est un cadeau », fait valoir cette experte en géopolitique. Paradoxalement, la crise énergétique met en avant des directions opposées pour les Etats. D’une part, une sobriété nécessaire à la lutte contre le changement climatique, et d’une autre part, une diversification en urgence des sources d’énergies passant par le besoin accru aux plus polluantes. « La priorité doit être donnée aux énergies renouvelables, mais le passage au charbon, au pétrole ou au nucléaire peut être nécessaire à titre temporaire », a ainsi reconnu la Commission Européenne le 20 juillet.

A l’heure actuelle, plusieurs pays ont dû reprendre un usage exceptionnel, retarder la fermeture ou augmenter l’utilisation de leurs centrales à charbon. Parmi ces pays : l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, Hongrie, l’Espagne et la France. Les occidentaux veulent éviter une flambée des prix, et convoitent même le gaz schiste américain ainsi que le gaz et le pétrole des pays du Golfe. Emmanuel Macron a conclu un accord énergétique avec le président des Emirats Arabes Unis, Mohammed ben Zayed, qu’il a convié à l’Elysée. Cet accord consiste à augmenter la production de pétrole du pays.

L’Union européenne lutte afin de s’affranchir de sa dépendance à l’énergie russe et paye actuellement le prix de sa complexité à se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles. Et ce, sous une pression énorme.

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