RefAid – une appli pour faciliter la vie aux réfugiés…

… et à ceux qui les aident. L’américaine Shelley Taylor a investi du temps et de l’argent pour créer un outil qui fait l’unanimité chez les ONGs et – les réfugiés.

Cette appli rend le travail de soutien aux réfugiés plus efficace - et tout le monde en bénéficie. Foto: Shelley Taylor

(KL) – Vedette de la «Silicon Valley», l’américaine Shelley Taylor, CEO de Trellyz.com, annoncera au cours des 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg le lancement de la plateforme RefAid en France et en Allemagne. Il s’agit d’une application gratuite d’aide aux réfugiés déjà présente dans huit pays européens et soutenue par de nombreuses ONG et associations internationales, parmi lesquelles la Croix Rouge, Caritas, MSF, Médecins du Monde, IOM ou Save the Children. Rencontre.

Shelley, vous avez lancé l’appli RefAid à destination des réfugiés et des associations et organisations travaillant avec eux. En quoi cette application se distingue-t-elle d’autres développées ailleurs en Europe ?

Shelley Taylor : La grande nouveauté de RefAid est que pour la première fois, ces structures, organisations et ONGs peuvent désormais accéder visuellement, à travers un site web et une application téléphonique, à leurs propres services mais également à ceux des autres partenaires. Concrètement, ce faisant, cette plateforme va ainsi leur permettre de mieux coordonner, de mieux collaborer et de mieux communiquer entre eux. Avec pour résultat l’optimisation de leurs offres à destination des réfugiés, en évitant par exemple des opérations en doublon. Là où une association peut par exemple déployer des moyens sur une action humanitaire ou sociale, nul besoin d’en ajouter une identique qui ne ferait qu’éparpiller les capacités d’action.

Et quant aux réfugiés ?

ST : Les réfugiés, eux, pourront accéder à tous les services géolocalisés sur la carte susceptibles de les aider dans leur quotidien, qu’il s’agisse de services alimentaires, juridiques, médicaux ou d’hébergement. Et ce, partout à travers l’Europe, selon l’endroit où ils se trouvent, qu’ils soient primo-arrivants dans une ville, en transit vers un autre pays ou qu’ils se retrouvent dans une situation où, ayant obtenu l’asile dans un pays, ceux-ci souhaitent s’y intégrer le plus aisément possible.

Tout ceci en un clic ?

ST : Oui. Voyez ça comme des informations en « self-service », leur donnant une plus grande visibilité sur leur environnement et indépendance. Simplement parce qu’ils peuvent d’eux-mêmes rechercher les services qui leur semblent les plus importants, comme ils pourraient le faire dans d’autres circonstances dans leur pays d’origine.

Vous faites partie des « vedettes » de Silicon Valley où vous avez été à l’origine de nombreux projets à succès dans le domaine des nouvelles technologies. Pourquoi, après ce parcours très mercantile, vous lancer dans une telle aventure en prenant un virage, disons, altruiste ?

ST : Comme tout le monde, j’imagine, j’ai été choquée par l’image du petit Aylan Kurdi, cet enfant kurde retrouvé mort sur une plage turque, le 2 septembre 2015. En tant que mère qui a perdu son enfant unique il y a quelques années, j’ai été particulièrement touchée par cet événement. Et donc, oui, forcément cela m’a d’une certaine façon renvoyée à une histoire très personnelle, qui m’a poussée à vouloir faire quelque chose en réponse, pour ces réfugiés, pour ces enfants, pour ces familles. Mais étant particulièrement prise par la direction de ma société, il m’était difficile de me porter bénévole à Calais ou ailleurs.

D’où la jonction numérique… ?

ST : Oui. Puisque mon entreprise produit des applications géolocalisées, pourquoi ne pas s’appuyer sur cette technologie pour aider. C’est de là qu’est née l’idée de Refugee Aid. Et de nombreuses organisations, lorsque je leur ai présenté le projet, m’ont suivi.

Qui sont justement ces organisations ?

ST : Nous en comptons désormais à peu près 300, hébergées dans 7 pays. Parmi elles, la Croix Rouge, Caritas, MSF, Médecins du Monde, IOM ou Save the Children pour les plus connues à l’échelle internationale, mais également de plus petites au niveau national ou local. Ainsi, en ce qui concerne l’est de la France et l’ouest de l’Allemagne, nous travaillons avec l’association strasbourgeoise “Alsace, Terre d’Accueil” qui est notre “ambassadeur” pour cette région.

L’application n’est-elle disponible qu’en anglais ?

ST : RefAid a été conçue pour être accessible en plusieurs langues, avec pour idée que toutes les organisations utilisant l’appli aient la capacité d’inscrire leurs services dans d’autres langues que dehors de l’anglais. Dans une telle optique, la navigation et les catégories d’aides répertoriées sur RefAid apparaissent naturellement dans d’autres langues. Reste que si jusqu’à présent nous espérions que les organisations gèrent leurs propres traductions, il est très vite apparu que la plupart d’entre elles ne disposaient pas de ressources propres pour le faire. Dès lors, nous avons dû rechercher d’autres solutions, financièrement viables, et, dans cette optique, noué un partenariat avec Translators Without Borders qui prennent en charge cette partie stratégique pour les réfugiés et partenaires. Au-delà de l’anglais, l’application est donc déjà disponible en grec et, à mesure que nos financement le permettront, d’autres langues suivront.

Vous venez de mentionner la partie monétaire du projet. Comment RefAid est-elle justement financée et par qui ?

ST : J’ai développé RefAid en interne, sur mes fonds propres et en m’adossant sur les technologies que nous avions déjà développées au sein de Trellyz, la société que je dirige. Après, si vous me demandez de vous donner un montant précis des investissements consentis, cela est quelque peu difficile dans une telle configuration, parce qu’il faut prendre en compte plusieurs données : le développement initial de la plateforme, via le développement des technologies Trellyz, qui se situe autour de 500.000 euros et l’ensemble des ajustements techniques et investissements en termes de ressources humaines qui s’élèvent aujourd’hui à environ de 50.000 euros.

Sans retour sur investisssement…

ST : Non, mais ce n’est pas là notre objectif. RefAid n’a pas été conçu pour gagner de l’argent mais pour aider des gens. C’est même là l’ADN du projet. Après, afin de pouvoir continuer à développer ce projet, ne serait-ce que sur le plan linguistique, nous restons bien évidemment ouverts à des propositions de sponsoring ou à des donations, ne serait-ce que pour couvrir les dépenses courantes.

RefAid, si je ne m’abuse est déjà présente dans huit pays européens, de quoi avoir déjà quelques retours utilisateurs. Qu’il s’agisse de vos partenaires ou des réfugiés eux-mêmes, que pensent-il de cette plateforme à ce stade de développement ?

ST : Pour vous répondre franchement, j’ai davantage de contacts directs avec les organisations qu’avec les migrants et réfugiés, dans la mesure où nous correspondons quotidiennement avec les premières. Mais récemment, lors d’un déplacement à Athènes, j’ai eu la chance de passer une après-midi avec des femmes réfugiées. Je leur ai montré l’appli et c’était gratifiant de voir leur joie en la téléchargeant. Parmi ces nouvelles utilisatrices, il y avait même une dame de 70 ans. C’est dire l’universalité de la plateforme qui, comme je l’espérais en la développant, prouve qu’elle peut être accessible à tous, indépendamment, par exemple, de l’âge des usagers. Quant aux organisations, celles-ci me confient régulièrement qu’elles sont ravies de disposer d’un outil adapté à leurs problématiques et actions quotidiennes mais qui soit également en mesure d’orienter les réfugiés vers des services qu’elles ne fournissent pas elles-mêmes. Au final, les courbes de téléchargement parlent d’elles-mêmes, je crois : mois après mois, le nombre d’utilisateurs ne cesse de croître, tant du côté des humanitaires et travailleurs sociaux que des migrants et réfugiés.

Vous participez au mois de novembre aux 11èmes Rendez-Vous Européens de Strasbourg, organisés par le Pôle européen d’adminisration public. Quel sera l’objet de votre participation à cet événement ?

ST : Je vais en effet intervenir le jeudi 24 novembre, dans un atelier axé sur le thème des réfugiés, sur les actions à mener en situation d’urgence au niveau local et les outils adéquats susceptibles d’être utilisés à de meilleures fins de coordination dans de telles situations. Et RefAid en fait partie. Lorsque les organisateurs des 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg m’ont contactée, j’avoue que leur volonté, pour 2016, d’ouvrir le format de la manifestation à de nouveaux acteurs, dont des start-ups, m’a séduit. Simplement, parce que comme ils le disent, nous ne pouvons pas continuer à travailler chacun de notre côté : société civile de l’un, institutions européennes et Etats membres de l’autre. C’est en croisant les compétences, en co-construisant que nous pourrons trouver ou, a minima, inspirer, des solutions de sortie de crise. Et ce, peut importe que l’on soit pro ou anti-européen, parce qu’au final, nous vivons tous dans le même espace géographique. C’est là tout l’enjeu et tout le sens de la présence de RefAid aux #11RVES. Témoigner, échanger, débattre et proposer, pour faire bouger les lignes citoyennes et politiques au niveau européen. Et, qui plus est après l’épisode du Brexit, il est grand temps de se mettre à l’ouvrage…

11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg
7h-1h – du 21 au 26 novembre 2016
Participation gratuite sur simple inscription

 

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