Réfugiés : Que l’Europe est bonne (ou presque)

L’Union Européenne va repartir 40 000 réfugiés se trouvant en Grèce et en Italie sur les 28 états-membres de l’UE. Pour que tout le monde puisse avoir une bonne conscience.

Si "le bateau est plein", ce n'est pas chez nous, mais chez eux - le camp de réfugiés Za'atri en Jordanie. Foto: US State Department / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Que nous sommes bons ! Que nous sommes solidaires ! L’Union Européenne, dans toute sa bonneté, fera un geste vis-à-vis de l’Italie et de la Grèce en répartissant 40 000 réfugiés de ces deux pays sur les 28 états-membre de l‘UE. Une mesure qui sert avant tout la conscience des 28 états-membres de l’Union. Qui en parallèle, mène sa guerre contre les passeurs et donc, contre les réfugiés. Et qui se situe, dans le «hitparade» mondial des pays qui accueillent des réfugiés, dans le ventre mou du classement. Loin derrière des états que les Américains avaient appelés «rogue states», états crapuleux.

Ah, que nous sommes solidaires, nous, qui rejetons tous les ans les trois quarts des demandes d’asile, reconduisant de nombreux réfugiés dans la misère qu’ils venaient de fuir. Ah, que nous sommes bons à bombarder les côtes africaines pour que les réfugiés africains soient privés des dernières possibilités illégales de rejoindre une terre qu’ils considèrent comme sûre ! Ah, que nous sommes généreux de laisser crever de centaines de milliers de gens en Méditerranée ! 40 000 réfugiés, quelques centaines par ci, quelques centaines par là – et après, nous ne devons plus nous occuper du sort de ces réfugiés. Après tout, on aura fait le maximum. De manière solidaire.

Ce ne sont pas les chiffres de notre charité qui manquent. 300 000 réfugiés qui se trouvent en Europe. Alors là, le bateau est vraiment plein ! 70 000 réfugiés acceptés aux Etats-Unis par an – le paradis ! Ne sommes-nous pas les champions du monde, nous, le monde occidental ?

Non. Le «Top 10» des pays qui accueillent des réfugiés, ce ne sont pas les Etats-Unis, ni l’Allemagne, la France ou la Suède, comme on se plait de croire. Les dix pays du monde accueillant le plus grand nombre de réfugiés sont : le Pakistan, le Congo, le Kenya, le Libéria, l’Ethiopie, le Tchad, la Syrie, le Bangladesh, l’Ouganda et la Tanzanie. Au Pakistan, leader incontesté de ce classement, avec ses 1,7 millions de réfugiés, on doit rire jaune en écoutant les Occidentaux s’auto-congratuler pour leur humanisme sans frontières.

La majorité des 44 millions de réfugiés dans le monde restent soit dans leur pays, en se réfugiant dans d’autres régions, soit, ils arrivent tout juste à gagner un pays voisin. Même des pays martyrisés comme la Syrie comptent 756 000 réfugiés – sans pour autant mettre en œuvre des systèmes onéreux pour refouler les réfugiés. S’il est difficile d’admettre que nous devrions prendre exemple sur des états que nous considérons souvent comme «peu civilisés», ces pays n’appliquent pas notre politique meurtrière en disant que «le bateau est plein».

Les drames en Méditerranée n’ont pas déclenché une prise de conscience en Europe que le monde a changé, que le partage n’est plus un geste de charité, mais un devoir. «Oui, mais seriez-vous prêt à accueillir un réfugié dans votre chambre à coucher ?», disent ceux qui craignent que les misérables du monde puissent leur piquer une tranche de saucisson de leur sandwich. Mais ils se trompent. Si nous arrêtions de dépenser des fortunes pour des foutaises, de plier le genou devant nos marchés financiers, de sacrifier nos richesses aux folles envies d’une poignée de richissimes, nous disposerions alors d’assez d’argent pour aider les plus malheureux du monde.

Les mesures décidées par l’Union Européenne sont un leurre – destinées à nous faire croire que l’Europe soit une terre de solidarité, d’humanisme, de valeurs humaines. Mais dans le fond, nous ne sommes pas mieux que ceux que nous considérons comme des «rogue states». Dans le bassin à requins qu’est devenu le monde, nous comptons parmi les chasseurs. Tout en pensant que nous puissions garder notre coin du paradis dans un monde qui s’écroule. Si nous n’apprenons pas à partager, le monde finira par nous l’apprendre.

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