Réfugiés : un nouveau devoir de mémoire !

Il y a six ans, en 2015, Alain Howiller rappellait déjà le devoir d’humanisme - en tirant quelques parallèles historiques. Six ans plus tard, son texte est d'une actualité brûlante.

Et vous ? Vous y resteriez, avec votre famille ? Foto: Voice of America / Wikimedia Commons / PD

A un moment où de nombreuses personnes refusent l’accueil de réfugiés afghans, nous leur adressons ce papier qu’Alain Howiller avait rédigé en 2015, au pic de la vague d’arrivée de réfugiés. Depuis, semble-t-il, nous n’avons pas fait beaucoup de progrès. Personne ne demande aux Français « d’accueillir toute la misère du monde ». Mais Alain Howiller demande à ce qu’on fasse appel à la mémoire qui elle, nous enseigne que tout le monde peut se retrouver, un moment donné, dans une situation tellement dangereuse que la fuite s’impose pour sauver sa vie. C’est pour cela que nous republions aujourd’hui cet article.

(Septembre 2015, Par Alain Howiller) – C’est un message désespéré retrouvé au fond de ma mémoire : « Peuples civilisés du monde », dit-il, avant de poursuivre, accompagné de l’Ave Maria de Schubert, « au nom de la liberté et de la solidarité, nous demandons votre aide. Notre navire coule. La lumière faiblit. Les ténèbres s’épaississent d’heure en heure. Entendez notre cri. Faites quelque chose, tendez nous une main fraternelle. Peuples du monde, sauvez-nous. SOS ! Au secours, au secours, au secours ! Dieu soit avec vous et avec nous… » Tragique actualité d’un message retrouvé au fond de ma mémoire : il ne vient ni de Syrie, ni de la Lybie, encore moins d’Irak, du Liban, du Yemen, d’Afghanistan, ou de l’un de ces pays d’Afrique, du Proche ou du Moyen Orient avec lesquels les médias du monde ont fait leur «Une» ou ont ouvert leurs journaux tout au long d’un été de plomb ! Quatre jours plus tard un dernier message accompagné, cette fois, d’une… 9ème Symphonie, futur hymne européen conclut, avant le grand silence : «Nous arrivons à la fin de nos réserves en munitions et en vivres. Notre sang c’est maintenant tout ce qui nous reste à verser !»

Ne cherchez pas à retrouver dans l’actualité récente, la trace de ces messages : le premier avait été diffusé un 5 Novembre, le deuxième un… 9 Novembre 1956. Le premier émanait de «Radio Hongrie Libre», le second avait été diffusé par « Radio Pecs » ! Ils pourraient, sans difficulté, être transposés sur les rives de la Méditerranée et rappeler aux Hongrois, des heures tragiques qui fit des milliers de morts et, avec la fin de la révolution écrasée, jeta sur nos routes des milliers de réfugiés que l’Europe eut à cœur d’accueillir. Le gouvernement hongrois d’aujourd’hui a-t-il pu oublier ?

Strasbourg : les réfugiés d’hier, à Pourtalès ! – Les Alsaciens, eux, n’ont pas oublié ces centaines de réfugiés reçus sur les bords du Rhin. Chaque fois que je passe dans le parc du Château de Pourtalès, dans le quartier de la Robertsau à Strasbourg, je pense à cette cité -aujourd’hui disparue- qui accueillit, dans les locaux de ce qui fut le «collège de l’Europe libre», les 150 étudiants magyares reçus par l’Université de Strasbourg.

Se pourrait-il que la solidarité d’hier ne s’exerçât plus aujourd’hui ? En particulier dans cette ville, symbole de la démocratie européenne, qui, plus que toute autre, sait, du fait de son histoire tourmentée, ce qu’être réfugié veut dire ?

J’ai critiqué le fait que les politiques alsaciens aient adressé une lettre au Président de la République pour réclamer que Strasbourg devienne le siège d’un futur «Parlement de l’Eurozone» (eurpojournalist.eu du 20.07.). Un projet loin d’être acquis qui risque de générer de nouvelles illusions, en dépit du fait qu’en en inaugurant la Foire Européenne, Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie, ait semblé en légitimer l’idée. Critique sur de lointain (et hypothétique) projet, je n’en suis que plus à l’aise pour saluer l’initiative de Roland Ries, Maire de Strasbourg, d’engager des initiatives pour accueillir, à l’image de Charles Emile Altorffer, son lointain prédécesseur de 1956, les réfugiés en quête de salut. Strasbourg donc se place parmi les premiers sur le territoire national, Strasbourg « capitale de l’accueil » : bravo !

Bravo au Maire de Strasbourg ! – Le maire a bien fait de rappeler qu’il s’agit d’aider des « réfugiés », chassés par la guerre, que les médias assimilent à des « migrants », quand ils n’en font pas des… « travailleurs clandestins », illégaux en… puissance !

Délivrons un bon point à ceux qui, ces derniers jours -un peu tardivement !- rappellent qu’aucune étude n’a pu démonter que les « immigrés » pesaient sur le marché du travail en prenant les emplois de nationaux : transmis aux partisans de l’extrême-droite. Les derniers sondages soulignent que les Français -au contraire des Allemands ou des Autrichiens- ne semblent pas favorables à l’accueil de nouveaux immigrés : chacun sait qu’un sondage n’est que la photographie d’un instant donné et qu’un sondage n’est pas une élection ! Chacun sait aussi que c’est le courage, dont les sondés regrettent, en général, l’absence chez les hommes politiques !

Un bon point, aussi, à tous ceux qui se mobilisent pour aider les réfugiés et qu’elle n’a pas été ma surprise de découvrir, alors que j’étais en congés dans cette région, que l’archevêché de Salzbourg -qui ne passe pas pour être le plus proche des gens- avait demandé à ses prêtres et collaborateurs de recenser les locaux vides pour les mettre à la disposition de réfugiés !

Un slogan recyclé de Mai 1968 ! – Lors d’une émission sur ARTE, Daniel Cohn-Bendit a rappelé que ses parents avaient été « réfugiés » alors qu’ils s’étaient installé en France pour fuir le nazisme. Bonne occasion pour «détourner» un slogan de Mai 1968 : ne sommes-nous pas tous des réfugiés ou des descendants de réfugiés ? Républicains espagnols fuyant le franquisme, Hongrois de 1956, «boat people» fuyant le Viet Nam, « Pieds Noirs » rapatriés, Allemands de l’Est fuyant l’Armée Rouge puis la dictature, russes blancs pressentant les goulags, Arméniens ou Kurdes échappés de Turquie, chrétiens chassés de leur patrie etc…

La liste est longue : et elle n’est pas belle ! En plus, elle est loin d’être exhaustive. Elle ne peut que générer un « nouveau devoir de mémoire » et légitime l’action. Alors : « Refugees : welcome » ?

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