Régions françaises : un «Big Bang» territorial

Un projet de fusion des régions qu’il faudra digérer !

L'orage se prépare au dessus de la Maison de la Région Alsace ? Foto: Denis Helfer / WIkimedia Commons

(Par Alain Howiller) – Le moins qu’on puisse dire -et ce n’est évidemment aucunement une allusion à sa lutte perpétuelle contre le surpoids- c’est que FrançoisHollande a de l’estomac ! Au plus bas dans les sondages, courant après une reprise économique qui tarde, mais dont il est persuadé qu’elle interviendra avant 2017 pour sauver sa fin de mandat, miné par deux défaites électorales (les élections municipales plus les européennes), crotiqué dans son propre camp au bord de la rupture, il est parti à la relance. Et pour repartir en campagne, il n’a pas choisi le terrain le plus facile : celui de la réforme de ce qu’on appelle le «mille-feuilles» territoriale, la réforme des collectivités locales à travers la fusion des régions, l’émergence des inter-communalités, la disparition progressive des conseils généraux.

Somme toute, il a fait sien ce propos de son… prédécesseur Nicolas Sarkozy (!) qui disait «en politique, il faut bouger tout le temps, si tu ne bouges plus, tu es mort !» Et du coup, il a confirmé qu’il s’occupait bien de tout, comme ses prédécesseurs, enterrant cette fois (définitivement ?) son portrait de président brossé quatre jours avant d’être élu après un ultime débat télévisé -sans doute décisif- avec Nicolas Sarkozy. «Moi président,» disait-il, «je ne ferai pas ci, je ne ferai pas ça (au contraire de mon prédécesseur) – je ne serai pas président de tout et en définitive responsable de rien !»

Le projet de loi sur la «réforme territoriale» qui sera présenté le 18 Juin en conseil des Ministres, illustrera si besoin était, que comme ses prédécesseurs, la réalité du pouvoir et la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans (ce qui est finalement court !) ont conduit le titulaire de la Présidence de la République à… adapter sa façon de faire et à renoncer, autant que faire se peut, aux concepts théoriques qui ne résistent généralement guère aux réalités. Car ramener le nombre des régions de 22 à 14 a exigé de la part du Président de la République des trésors de diplomatie, de patience et de dissimulation aussi pour arriver à un découpage qui, d’après le Premier Ministre, pourrait encore évoluer !

François Hollande… au téléphone ! – A la veille de rendre publique la nouvelle carte des régions, le Président de la République a appelé la plupart des Présidents des régions qui, rappelons-le, appartiennent tous, hormis l’Alsace, à la majorité gouvernementale, pour négocier directement avec eux jusqu’à 21 heures ! Les contours des nouvelles régions, les fusions prises en compte, ont ainsi évolué tout au long de la journée suscitant spéculations, soupçons et critiques. Telle région (ex. la Bretagne qui devait fusionner avec la Loire Atlantique a réussi, grâce au Ministre de la Défense Jean Yves Le Drian, a rester seule, tout comme la région Nord-Pas de Calais (animée par l’ancienne Ministre socialiste Martine Aubry) ou la Corse. La région Poitou-Charente, le Centre et le Limousin se retrouvent -sans raison réelle- fusionnées du fait de la présence de Ségolène Royal, du Ministre Michel Sapin et surtout en raison de la volonté de François Hollande qui fut Président du Conseil Général de Corrèze. Le sabre du Président a tranché, ce qui laisse présager de vigoureux débats -y compris à l’intérieur de la majorité de gauche qui menace de se fissurer- lors du passage de la loi réformant les régions, prévoyant des incitations au regroupement des intercommunalités, l’émergence de grandes métropoles régionales (dont l’euro-métropole Strasbourg), la disparition à terme des conseils généraux etc…

Bref on va assister à une sorte be «Big Bang territorial» dont on ne connait pas encore les configurations (ni le timing exact). Tout le monde, à gauche comme à droite, mais chacun à sa façon, en rêvait, sans réussir à le faire ; François Hollande réussira-t-il ? Crées comme «circonscription d’action régionale» par Pierre Plimlin, alors Ministre des Finances en 1956, les 22 régions dont le sort avait été mis en balance lors du référendum qui devait pousser le Général de Gaulle à démissionner, dont le nombre et les missions ont été étudiés -sans suite- à plusieurs reprises (notamment : rapports Mauroy en 2000, puis Balladur en 2009 puis Raffarin-Krattinger en 2013) vont-elles être redéfinis ? Le chemin sera long, plein d’embûches.

Un parallèle avec Gerhard Schröder ! – Le Président trouvera-t-il les majorités nécessaires pour lui permettre de mener à bien ses projets, lui qui connaît les tensions au sein de sa majorité, lui qui, à un moment ou à un autre, aura besoin d’une majorité élargie ? Cette majorité, il sait aussi que ce ne sera pas celle qui l’a mené à la présidence, comme celle de Gerhard Schröder face à Helmut Kohl, sa majorité présidentielle a été nourrie par un réflexe parfois épidermique contre son prédécesseur. Ce dernier pourrait bien, tout étant possible en politique, se présenter en travers de son chemin !

En attendant, les projets de Hollande méritent d’être précisées.Voici quelques unes des questions qui restent largement ouvertes : comment les régions nouvelles seront-elles financées, quels seront leurs pouvoirs, comment seront désignés ceux qui détiendront les pouvoirs, quelles économies réelles (et non supposées) attendre de la réforme, que deviennent les services de l’Etat, quels effets sur l’emploi, quels rapports avec le pouvoir central, quelles relations seront possibles dans les zones frontalières avec les euro-régions voisines, quelle sera la répartition des pouvoirs (et des recettes !) entre métropoles, régions et départements ?

En Alsace qui reste encore traumatisée par l’échec du référendum du 7 Avril 2013 qui enterra la fusion des collectivités territoriales, on se félicite que dans les projets, l’idée d’une grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne ait été abandonnée au profit d’une région Alsace-Lorraine à dimension plus raisonnable.

Il n’y aura pas de retour de l’Elsass-Lothringen ! – Mais on n’a pas toujours compris qu’il ne s’agit pas d’un retour historique à l’Elsass-Lothringen d’hier, mais bien d’un rapprochement entre une Lorraine «francophone» (capitale Nancy), une Lorraine «dialectophone» (Moselle, capitale Metz) et l’Alsace. D’aucuns y voient déjà un essai de l’Etat Jacobin de noyer dans un ensemble plus large, les départements dialectophones héritiers du droit local alsacien-mosellan. Si les présidents de la région Alsace et de la Région Lorraine se sont déjà rencontrés pour étudier la «naissance d’une vraie euro-région» sur les bords du Rhin, ils ne peuvent ignorer que tant d’un côté que de l’autre des Vosges, des réserves voire des oppositions se sont déjà manifestées. Elles sont largement alimentées politiquement par la proximité des élections sénatoriales de cet automne.

Si Philippe Richert, Président de la Région Alsace, réagit de manière positive au projet de fusion, on ne peut s’empêcher de voir dans son approche une sorte d’esprit de revanche sur l’échec subi l’année dernière : la fusion des collectivités alsaciennes se ferait finalement à travers une région plus vaste ! Et l’Alsace, une fois de plus (de trop ?), au lieu de se concerter pour définir une position commune, se divise.

Des parlementaires qui divisent. – Si, en Alsace, les parlementaires de gauche (minoritaires) adhèrent au projet de fusion, 18 parlementaires de droite -qui pourtant ne s’étaient guère engagés, en 2013, en faveur de la fusion des collectivités- veulent en rester à une région Alsace unique : la Bretagne a réussi à rester seule, pourquoi pas nous, avancent-ils ?

Pourtant, la réponse à cette question est simple : la Bretagne avance parce que elle sait s’unir et parler d’une voix ! Le Maire de Mulhouse, lui, car il n’y a pas que la Lorraine, voudrait une ouverture (non prévue à ce stade) avec le Territoire de Belfort et le Pays de Montbéliard. La député de Mulhouse, tout en critiquant le gouvernement socialiste, veut moins de crispations envers le projet. Charles Buttner, Président du Conseil Général du Haut-Rhin, comme Guy-Dominique Kennel, son homologue du Bas-Rhin, critiquent une réforme qui éloignera les structures des citoyens, qui ne définit pas ce que deviendront les tâches exercées jusqu’ici par les conseils généraux et qui s’inspire de considérations politiciennes (note de la rédaction : maintenir la gauche dans l’Ouest et le Nord, contenir le Front National dans le sud).

Strasbourg, au coeur ! – Dernier élément enfin qui s’esquisse : quelle ville sera capitale régionale dans cette future région à trois «pôles urbains» (Metz, Nancy et Strasbourg) ? Quand on se rappelle combien le rôle de Strasbourg avait pesé dans la campagne autour du referendum de l’année dernière sur la fusion des collectivités alsaciennes, on ne peut écarter le point !

Les partisans de cette fusion souhaitaient que l’Alsace prenne de l’avance sur la réforme qui s’annonçait et qui va -sans doute- se concrétiser en Juillet par un vote du Parlement. L’avance garantissait (pensaient-ils) que ce qui est mis en place avant la réforme, sera respecté par la réforme. Que ceux qui ont saboté la réforme anticipée de l’année dernière en assument la responsabilité aujourd’hui ! François Hollande entend la conduire à son terme : même si c’est … quitte ou double !

4 Kommentare zu Régions françaises : un «Big Bang» territorial

  1. Peter Cleiss // 11. Juni 2014 um 8:05 // Antworten

    Eine echte Innovation wäre eine übernationale Region Oberrhein vom Vogesenkamm bis zum Schwarzwaldkamm und einer europäischen Haupstadt Straßburg! So einen europäische Kernregion könnte dieser (europäischen) Welt etwas neues bringen … mehrsprachigkeit … Interkulturelle Kompetenz … Einheit in Verschiedenheit …

  2. Das ist genau das, was sich die Menschen am Oberrhein wünschen (siehe Umfrage FEFA/SOFRES). Doch wenn man sieht, wie halbherzig Strukturen wie die Trinationale Metropolregion ausgebaut werden, muss man sich die Frage stellen, ob die Politik diese Entwicklung überhaupt wünscht. Das, was Peter Cleiss schreibt, ist genau das, was sich vor über 10 Jahren die Herren Chirac und Schröder für den Oberrhein gewünscht hatten – ein “europäisches Laboratorium”. Die einzige Ebene, die dies noch nicht so richtig verstanden hat, ist die Ebene der Politik – die Zivilgesellschaft am Oberrhein ist längst auf 360 Grad ausgerichtet. Bleibt die Hoffnung, dass die neue politische Konstellation auf Straßburger Seite eine positive Entwicklung beflügelt. Wir werden es erleben – qui vivra, verra…

  3. Tour d’ un horizon peint un peu à la Turner avec beaucoup de fumée ou de brouillard. C’est bien çà et Alain Howiller suggère bien les obscures raisons qui président aux positions de la plupart des parlementaires alsaciens. On dirait vraiment qu’ils ont absolument besoin d’un électorat populaire que seule, motive l’ identité alsacienne mise en danger par une extension territoriale.
    La plupart sont pourtant de respectables républicains français, souvent ” römischer aie Rom” et ont mis en permanence sous le boisseau, cette identité, si elle existe autrement que sur le plan d’une spécificité culturelle à mémoire germanique. En effet Peter Cleiss, une extension qui la sauvegarderait et la renforcerait ,même cette identité culturelle devrait englober d’autres
    territoires. Naturellement.
    Quel beau projet Oberrhein und Mosel zum Beispiel! Das ist aber noch weit !

  4. Lehmann Alexis // 17. Juni 2014 um 15:55 // Antworten

    Pour moi cet essai de concentration des Régions est une tempête en altitude avec peu d’effets sur le sol des citoyens. Si l ´idee de base est excellente , inscrite sous deux finalités : compétitivité et économies, les chances de réussites me paraissent faibles. En effet :la compétitivité des régions n est absolument pas définie : PIB par citoyen, Investissement / citoyen; innovation et recherche / citioyen, PIB/ fonctionniaire territorial ? Etc
    Rien de précis à ce sujet.

    Pour ce qui concerne les économies ! , du fait de ce que cette réforme doit se faire quasi staturairement à effectif constant ne permet d’entrevoir que peu de gains de productivité . On peu même penser le contraire du fait des remises en cause des circuits et des structures historiques de fonctionnement. La seule bonne chose pour nous serait effectivement la création d’une EUROREGION DU RHIN SUPEIRIEUR qui fusionne deux régions françaises habituées à travailler avec ses voisins européens de proximité et susceptibles de devenir une vrai Région d’Avenir ,ouverte sur l ´Europe et le monde, En aurons nous la latitude ,en aurons nous les moyens ?

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