Reprendre l’école le 11 mai ? Euh…

Santé des enfants et absence d’avis éclairés : le Syndrome Leopoldina

Derrière les barreaux Foto: Vinod Narbar/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le président français a annoncé que les enfants reprendraient le chemin de l’école dès le 11 mai. Au fait, sur quelles bases autorisées ? Est-ce bien prudent ? Le pour et le contre.

« Nos chères têtes blondes » : quelqu’un se souvient-il d’où provient cette fichue expression si vintage ? Quelque chose, dans un recoin de mon cerveau, me dit que l’auteur en est Anatole France ; je n’en suis pas sûr. En tout cas, elle traduit bien la tonalité générale de l’estimation selon laquelle ce serait vachement bien que les enfants de 0 à 18 ans reprennent le chemin de leurs adorés établissement scolaires. Mais cette estimation est-elle pertinente ?

Emmanuel Macron, en substance, a suggéré que les élèves devraient retourner à l’école dès le 11 mai pour faire reprendre l’économie française. Cela n’a parfois pas été bien compris. Le président voulait évidemment signifier que les parents pourraient ainsi, délivrés de cette charge qui se sera imposée à eux durant plusieurs mois, se remettre à leurs activités professionnelles dans leurs entreprises.

Le président a aussi suggéré que le retour à l’école signifiait la cessation d’une certaine inégalité sociale, puisque les enfants se trouvent très inégalement mis devant l’obligation implicite de l’instruction à domicile. Certains milieux sociaux, en effet, ne peuvent assurer un tel enseignement : niveau d’instruction insuffisant, logements ultra-exigus, notamment dans les banlieues des grandes villes, conditions de vie générales très défavorables… Il faut rappeler parfois, en effet, que le but de l’école républicaine est très largement de lutter contre les inégalités sociales. Ce qu’elle a mal fait, certes, jusqu’à présent, et avec beaucoup d’hypocrisie. Remarquons cependant que ce but et ces insuffisances dans sa réalisation concrète sont le lot de l’enseignement public dans la plupart des pays démocratiques occidentaux.

Mais pourquoi le 11 mai ? Pourquoi reprendre quelques semaines avant les dates habituelles des vacances scolaires, et non pas en septembre ? A vrai dire, cette décision ne repose sur aucune étude scientifique autorisée, mais seulement sur des recommandations diverses, d’une validité floue et incertaine. On se trouve face à ce qu’on pourrait appeler le Syndrome Leopoldina. En Allemagne, l’institution consultée le plus fréquemment est l’ « Académie Nationale de Science » (Nationale Akademie der Wissenschaft) de Halle, la Leopoldina. Mais beaucoup font remarquer, outre- Rhin, que les avis de cette Académie sont aujourd’hui principalement un empilement de lieux communs provenant d’horizons très divers : des théologiens, des spécialistes de la catalyse, des techniciens, des théoriciens de la cornegidouille et de l’arbre à came en tête, des historiens,… A la base, aucune recherche scientifique, aucune conclusion réellement consistante. A plus forte raison en France ! Tout cela est donc modérément sérieux ; surtout lorsqu’il s’agit de la santé et de l’avenir de… nos chères têtes blondes (si souvent frisouillées, en France, d’ailleurs, et très brunes).

Imaginons une rentrée dans un mois, en effet… La promiscuité – plus de mille élèves dans des locaux très exigus est une situation très commune, trop commune, en France – la chaleur à cette saison, l’excitation et l’agitation inévitables, le port de masques chez les tout petits et les moins petits enfants ! Est-ce que ce monde est sérieux ?!

En tout cas, on oscille, et le cas est sans doute objectivement indécidable, entre la nécessité de ne plus faire durer trop longtemps la situation actuelle de confinement, qui présente de réels risques, et la sécurité sanitaire maximale. Aucune de ces deux éventualités n’est réellement satisfaisante.

Enfin, soyons attentifs aussi à ce que si le président annonce le déconfinement des plus jeunes, cela signifie implicitement que les plus âgés sortiront les derniers du confinement, et fermeront la porte derrière eux… D’abord les écoliers, et tout au bout de la chaîne, les Zinutiles et les Zaînés, comme le susurre mon amie Francine. Au risque de susciter une guérilla armée des Panthères grises ?

 

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