République tchèque : l’alliée des Ukrainiens

Après l’Europe commence la Russie...

Une flèche vers l'Est, une flèche vers l'Ouest... Archers scythes trouvés à Kertch (4e siècle avant J-C) Foto: PHGOM / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Quelque chose bouge manifestement en République tchèque. Après le classement point trop mauvais du pays par Transparency dans le domaine de la lutte contre la corruption, on apprend qu’au début de cette semaine, le ministre des Affaires étrangères a fait un voyage de 3 jours en Ukraine. Une visite qui marque sinon un tournant, du moins un effort remarquable pour rééquilibrer les relations entre les deux pays, poser nettement ses distances envers la Russie et réaffirmer la volonté européenne de la République tchèque.

Le gouvernement tchèque, depuis les événements survenus dans la mer d’Azov en décembre de l’an dernier et l’arraisonnement de trois navires ukrainiens par la marine russe, a exprimé très clairement son soutien à Kiev. Etonnant, sans doute, puisque le fameux président Miloš Zeman affichait jusqu’à peu une russophilie galopante – et fort intéressée… C’est qu’un homme porte quelque chose comme une nouvelle voix : le ministre des Affaires étrangères, Tomás Petříček, un homme de 37 ans, membre du parti social-démocrate. Une entrevue fort intéressante dans le media ukrainien Ukrinform (https://www.ukrinform.net/) fait résonner cette voix. Petříček l’a donnée peu avant son voyage à Kiev ; un voyage de soutien au pays frontalier de la Slovaquie.

Rappelons tout de même qu’en 2009, une proposition qui émanait alors de la Pologne pré-populiste avait été lancée à Prague : l’idée d’un Partenariat oriental qui englobait l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaidjan. Queue de comète de l’optimisme des années 1990, cette belle idée avait suscité les inquiétudes et l’ire plus ou moins feutrée de Moscou… Mais Prague y a cru, et c’est ce Partenariat qui avait propulsé la signature par le premier ministre ukrainien, en 2014, du premier volet de l’accord d’association entre Ukraine et Union européenne. Un peu plus tôt, le refus par Janukowitch de le signer avait entraîné les événements que l’on sait : ce qu’on a appelé le mouvement Euromaidan, c’est-à-dire une protestation populaire massive (et cependant très politique, avec aussi une forte composante ultra-nationaliste). Et ensuite, une installation plus solide (et plus rigide) de l’Etat ukrainien – et conjointement, une distanciation radicale avec la Russie.

Les relations entre République tchèque et Ukraine sont assez étroits depuis 2009 au moins, on a tendance à l’oublier quelque peu. La République tchèque manque de main d’œuvre, notamment du fait de l’importance de l’émigration ; elle fait donc venir un contingent très important de travailleurs ukrainiens, tout comme la Pologne. En Pologne travaille un million d’Ukrainiens ; en République tchèque, bien moins, mais on peut les chiffrer à environ 200 000 personnes au moins. Dans la susdite entrevue à Ukrinform, Petříček précise que grâce à un programme appelé « Régime Ukraine », les Tchèques importaient depuis 2016 10 000 travailleurs par an, et actuellement, près de 21 000 – et bientôt, on en prévoit 40 000. Un chiffre assez considérable.

Le ministre Petříček tient à afficher son soutien solide de l’Ukraine. « La sécurité de l’Europe dépend aussi de la sécurité en Ukraine », a-t-il déclaré, très pertinent… Après l’affaire de l’arraisonnement près de Kertch, en mer d’Azov, le ministre tchèque a exprimé très librement son soutien et sa solidarité. Depuis 2014, le gouvernement tchèque n’a d’ailleurs pas accepté l’annexion de la Crimée ni reconnu son appartenance à la Russie.

Le voyage du ministre a été substantiel : rencontre avec les Tatars de Crimée, exilés mais réfractaires à l’annexion ; rencontres avec les membres d’ONG humanitaires. Et voyage jusqu’à Marioupol, au Nord Est de la péninsule de Crimée, qui pâtit d’un blocus partiel infligé par les Russes depuis deux mois. Dans son entrevue, il précise : « L’Ukraine a besoin de savoir que les pays occidentaux perçoivent les graves menaces provenant de la Russie ».

L’Ukraine va entamer une année électorale clé : en mars et en avril, présidentielles ; puis élections parlementaires en octobre. La Commission européenne a fait cadeau à Kiev de 500 millions d’euros l’an dernier ; cette somme vise, outre les conditions matérielles immédiates, le domaine politique, puisque beaucoup d’efforts restent à faire en matière de lutte contre la corruption et de démocratie.

Suivons donc avec beaucoup d’intérêt cette orientation relativement nouvelle et en tout cas positive de la diplomatie tchèque.

Cet article s’appuie en grande partie sur des informations produites ou compilées par le Courrier d’Europe Centrale.Pour en savoir plus : https://courrierdeuropecentrale.fr

 

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