Revendiquons un droit à l’avenir pour tout-es et tous !

Dans une tribune libre, Sofiane El Hamlili se fait fort pour l’égalité des chances dans l’enseignement supérieur.

Les aimer, c'est bien. Garantir l'égalité des chances pour l'accès à l'enseignement est encore mieux. Foto: Tael / Wikimedia Commons / PD

(Par Sofiane El Hamlili) – Une nouvelle plateforme informatique « Parcoursup » proposée par le gouvernement Philippe qui remplacera le naufrage de la fameuse plateforme d’Admission Post-Baccalauréat (APB), vous me diriez que c’est une belle nouvelle et je devrais acquiescer, mais non – rien de tout cela !

On nous vend un remplacement technique alors qu’il s’agit d’un net recul culturel et social, qui pour ce plan dit « étudiant » entamera l’exclusion de certaines catégories de populations issues des couches populaires, hors des études supérieures. Les « mauvaises orientations » étant l’argument utilisé rendant responsable l’échec en Licence, en pointant du doigt l’étudiant qui en cas d’échec perdrait ses droits aux bourses, nie une réalité connue par toutes et tous : le manque important de moyens matériels et pédagogiques, qui se traduit par une détérioration des conditions d’étude et de vie pour les étudiants mais également pour le personnel enseignant.

Dans le prétendu argument des 60% d’échec en Licence se cache des situations très diverses : des étudiants qui se réorientent après leur première année ; d’autres qui s’inscrivent pour passer un concours ; d’autres encore qui redoublent ou avec obligation de travailler pour financer les études. Cette diversité de parcours n’est donc pas caractéristique d’un échec, mais bel et bien le reflet d’une précarisation importante des étudiants et d’une liberté de choix dans le suivi de ses études.

Ce plan qui renforce l’idée de concurrence entre les étudiants, qui au préalable seront soumis à des conditions et attendus distribués par les professeurs d’université en fonction des avis rendus sur des « projets » par les conseils de classe, acte la mise en place d’un marché de l’accès à l’enseignement supérieur. Elle contredit de manière fondamentale la loi de 1968 qui garantit à tous les bacheliers l’accès à l’enseignement supérieur qui donne le droit aux universités désormais, de refuser les candidatures les moins bien classées.

Je ne vous apprends rien en vous disant que l’université en France et plus globalement les études supérieures sont un instrument de cohésion sociale, la promesse pour des jeunes de se hisser par le haut dans la société en obtenant un socle de connaissances élevées et donc de déboucher sur une carrière professionnelle qui les élève d’échelle et de condition. Cette envie d’avoir mieux sinon aussi bien que les parents est prégnante et constitue un idéal pour beaucoup de jeunes.

Une société qui tourne le dos à la démocratisation de l’enseignement supérieur est une société qui reproduira les inégalités et qui se coupera de la mixité. La situation est déjà misérable pour ne pas en rajouter, malheureusement ce qui va être acté par cette réforme de l’enseignement supérieur, est bien la fin d’une époque volontariste. Avant, il existait au moins des objectifs affichés mais sans moyens, ici il est question de la liquidation du droit à choisir ses études.

Orientation choisie et non subie ? – L’on parle ici et là de pragmatisme dans l’orientation des carrières et des individus. J’ai envie de dire « non mais allo quoi ». Les jeunes que nous sommes avons le droit d’espérer et ce n’est pas parce qu’on a moins de 50% de chances d’avoir un diplôme qu’il ne faut pas le tenter quitte à être confronté à l’échec qui forge parfois. Oui, cela a un coût, mais comme précisé plus haut, cet idéal d’être ce que l’on a choisi nous différencie de la société des machines ou des puissants qui par mécanisme ou achat se permettent de choisir à la place.

Je revendique clairement le droit à l’avenir et de l’épanouissement personnel, l’école tout au long de la vie est un préalable à la société d’aujourd’hui. L’écart entre les actes et les discours du candidat et du président Emmanuel Macron augmente et le tri semble devenir une marque de fabrique dans ses politiques. Faire des jeunes une variable d’économie des politiques publiques permet de réduire le déficit économique à court terme, mais créera assurément la stagnation de notre société. L’espoir fait naitre la créativité, la contrainte matérielle dite pragmatique ne peut s’appliquer à l’Ecole sauf à en décapiter son rôle moteur dans l’évolution de nos sociétés dites de progrès sociale.

La doctrine utilitariste de l’école comme unique lieu de formation de main d’œuvre ne permettra pas à la France de continuer à être la France. En cela cette marche arrière forcée de l’enseignement supérieur ubérise la politique éducative et empêchera l’autonomie des Etudiants. Qui peut être heureux quand il est contraint d’étudier une matière qu’il subit ? Dans le milieu professionnel, il y a la démission, en étant étudiant il y aura le renoncement, le découragement et in fine, la déscolarisation. En 1986, la loi Devaquet qui instaurait lui aussi la sélection à l’Université et la mise en concurrence des étudiants entre eux, avait donné lieu à de nombreux mouvements étudiants qui permirent l’abandon de ce projet, il est encore temps de refuser la sélection comme une généralité non négociable, de manière rationnelle.

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