Rhin Supérieur : moins d‘actifs et une immigration nécessaire ?

Après un court espoir, les chiffres actuels du chômage relativisent déjà la sensation de reprise de la conjoncture en Alsace. Le travail transfrontalier semble être la voie à suivre.

L'ouvrier, la "perle rare" d'ici l'an 2030 ? En Alsace, en Suisse et en Pays de Bade ? Foto: Maurice Le Scouezec / Moreau.Henri / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Après le message d’espoir qu’on pouvait tirer de la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France (Direction régionale de Strasbourg) qui relevait, avec prudence, une légère amélioration dans l’industrie alsacienne, les dernières statistiques sur le chômage en Alsace sont venues doucher l’optimisme relatif esquissé ici-même (eurojournalist.eu du 19.11.2014). Fin octobre, en effet, le nombre de demandeurs d’emplois sans aucune occupation salariée, avait augmenté de 0,9% par rapport à fin septembre (+1,2% dans le Bas-Rhin, +0,4% dans le Haut-Rhin). Sur un an, la progression est de +5,5%. Ces données tombent alors que les syndicats patronaux ont décidé de faire de cette semaine du 1er au 6 Décembre une période de protestation et de manifestations pour réclamer du gouvernement une politique de réformes au profit des entreprises !

Les efforts déployés pour faire profiter le marché de l’emploi alsacien de la bonne conjoncture qui continue de s’imposer en Suisse du Nord-Ouest (cantons de Bâle) et au Bade-Wurtemberg ne pèsent pas encore aussi efficacement que souhaité côté alsacien alors que, paradoxalement, le nombre des frontaliers franchissant le Rhin avait tendance, comme l’avait rappelé une étude de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques – INSEE(1), paru en avril de cette année (eurojournalist.eu du 30.04.2014), à diminuer : n’étaient-ils pas 25.500 en 2013, au Bade-Wurtemberg, soit 10.650 de moins qu’en 1999 ?

100.000 salariés au-delà des frontières. – Il n’empêche qu’entre la Suisse du Nord-Ouest, le Bade-Wurtemberg et l’Alsace, «100.000 personnes franchissent une frontière pour travailler dans un pays voisin. La Suisse du Nord-Ouest est la plus attractive pour les Alsaciens comme pour les Bade-Wurtembergeois (34.000 frontalier dans les deux cas)… Le Bade-Wurtemberg… accueille 25.00 actifs alsaciens, soit 0,4% de l’ensemble des emplois du land… Parmi les 800.000 actifs (alsaciens), 2,9% travaillent dans le land voisin et 4,2% dans les cantons suisses du nord-ouest.»(2)

Si jusqu’ici, tant les régions allemandes que suisses du Rhin Supérieur pouvaient compter sur un apport de main d’œuvre alsacienne servie par une démographie favorable, il pourrait bien en aller différemment à moyen terme, l’Alsace voyant sa situation se dégrader, rejoignant, en quelque sorte, ce qui se passe dans les régions voisines. «A l’horizon 2030», relève l’INSEE dans une étude qui vient de paraître (1), «le vieillissement de la population devrait conduire à des réajustements de ces marchés du travail. Quelle que soit la région considérée, le nombre d’actifs devrait baisser. L’Alsace et le Bade-Wurtemberg perdraient plus de 3% d’actifs, la Suisse du Nord-Ouest, 0,5%.» L’étude souligne : «La progression des seniors serait la plus forte en Suisse du Nord-Ouest (+9,4 points entre 2011 et 2030), en particulier pour les hommes.»

Un quart de plus de 65 ans ! – «Au final, en 2030, le quart de la population du Rhin Supérieur aurait plus de 65 ans : la part la plus faible serait toujours observée en Alsace (23%) tandis que qu’elle deviendrait la plus élevée en Suisse du Nord-Ouest (26,2%). Alors que les 15/64 ans représentaient les deux tiers de la population de chaque territoire en 2011, leur part diminuerait de 5 à 7 points à l’horizon 2030.»

«Dans le Rhin Supérieur, la population active parmi les 15/79 ans, diminuerait à l’horizon 2030. Cette tendance serait plus marquée dans le Bade-Wurtemberg et en Alsace (-3,5%) qu’en Suisse du Nord-Ouest (-0,5%) et concernerait davantage les femmes que les hommes. Entre 2011 et 2030, la population active du Bade-Wurtemberg perdrait ainsi 193.000 personnes, en recul de 6,7% pour les femmes et de 0,7% pour les hommes. L’Alsace verrait, quant à elle, diminuer sa population active de 30.000 personnes et la Suisse du Nord-Ouest de 4.000», précise l’INSEE. A quoi on peut préciser que le nombre d’actifs de moins de 25 ans serait en baisse dans les trois territoires pris en compte : leur part dans la population active progresserait légèrement en Alsace, mais diminuerait dans les autres territoires.

Plus d’Alsaciennes au travail ! – A l’horizon 2030, les seniors auraient un poids plus important dans l’ensemble du Rhin Supérieur : +1,3 points pour les 55/79 ans en Alsace, +3,6% en Suisse du Nord-Ouest et +4,2% dans le Bade-Wurtemberg : «L’Alsace compterait ainsi 7.000 actifs de plus dans cette tranche d’âge (+6,8%), la Suisse du Nord-Ouest 27.000 (+19,7%) et le Bade-Wurtemberg 189.000 (+19,7%)», souligne l’étude qui note par ailleurs que le taux d’activité des Alsaciennes dépasse de près de quatre points celui relevé dans les deux autres territoires. Par contre, chez les seniors, le taux d’activité est le plus faible en Alsace.

Les perspectives pour 2030, en mettant en relief une diminution du nombre d’actifs, ne peuvent qu’interpeller tous ceux qui suivent l’évolution de l’économie des territoires du Rhin Supérieur. Hétérogènes, ces derniers soulignent, certes, la pertinence de la mise en place d’un marché du travail transfrontalier plus perméable, plus souple et plus flexible.

Mais, elles soulignent aussi qu’à moyen terme, pour autant que la croissance se poursuive -ce que tout un chacun souhaite- cette approche trouvera ses limites, si elle n’est pas accompagnée par des apports venus de l’immigration. Par les temps qui courent et face aux orages qui trop souvent se lèvent lorsqu’on évoque cet aspect des choses, il n’est pas inutile que, au delà des statistiques, les observateurs que nous sommes, y insistent !

(1) Les publications de l’INSEE sont consultables sur www.insee.fr/alsace.

(2) Insee / analyses / Alsace N°7, Novembre 2014. L’étude s’intitule «Moins d’actifs dans le Rhin Supérieur à l’horizon 2030». Elle est due à Marie-José Durr, Audrey Isel et Marie-Laure Kayali.

1 Kommentar zu Rhin Supérieur : moins d‘actifs et une immigration nécessaire ?

  1. Lehmann Alexis // 18. Oktober 2018 um 21:28 // Antworten

    Cher Alain ,
    Bravo pour cette étude Il faut en effet considérer les choses en perspective ! Globalement lALSACE a aujourd’hui
    100 000 chômeurs bien que 50 000 alsaciens travaillent en tant que frontaliers dans le BAD Würtenberg et en suisse du nord ! Si nous ne nous adaptons pas à poursuivre ce rôle de pourvoyeur de MO pour nos voisins nous auront de graves problèmes de chômage à terme ! Ceci d’autant plus que 50 000 Alsaciens environ travaillent dans des entreprises allemandes et suisses installées en Alsace!
    Jamais le GRAND EST ne pourra prendre ce relais La gestion prévisionnelle de l’emploi frontalier et de celui des IDE investissements directes étranger est d’une importance stratégique capitale pour les générations actuelles et futures de nos deux départements rhénans ,Amitiés à toi et à Monique ! Alexis

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