Roland Ries : un maire qui vit -enfin- le Temps de la Liberté !

Alain Howiller commente la sortie du livre écrit par le maire de Strasbourg Roland Ries – « Le Temps de la Liberté ».

Le nouveau livre de Roland Ries est sorti il y a quelques jours. Foto: FNAC

(Par Alain Howiller) – Il y a dix ans, il avait écrit : « Dans la culture socialiste, le message prime sur le messager…. »(1). Aujourd’hui, dans son nouvel ouvrage, Roland Ries semble avoir décidé à renverser l’ordre de ces facteurs pour jeter un regard (parfois un peu complaisant) moins sur ce qu’il a fait, que sur ce qu’il est. L’ancien professeur de lettres, servi par une qualité d’écriture à saluer, s’est montré tel qu’il est : il a parlé de lui, de ses valeurs. De la manière, aussi, dont il conçoit ce qui a été une part essentielle de sa vie : la politique.

« … J’ai encore devant moi, trois ans de mandat qui seront les derniers », écrit le Maire de Strasbourg dès son « avant-propos » et il précise : « Ma vie parlementaire -j’ai été sénateur (PS) pendant dix ans- est derrière moi. Délivré de toute contingence électorale, me voilà incroyablement libre -quel bel état- au moment clé où je peux témoigner, dans la plus grande sérénité, de tout ce qu’une ville d’exception peut donner à un pays ou à un continent. »(2)

Ceux qui, en lisant cette profession de foi, se plongeront dans l’ouvrage dans l’espoir -vain- de pouvoir, à travers l’auteur, jeter un regard intéressé sur les coulisses de la politique strasbourgeoise, seront déçus : Roland Ries a délibérément choisi de prendre de la hauteur pour parler politique « au sens noble du terme » (pour reprendre l’expression bien connue).

« Il faut une vision !… » – « Nous élu(e)s, nous devons descendre de notre piédestal pour nous mettre à la hauteur du citoyen », écrit-il, « ce n’est pas faire de la démagogie facile que de l’écrire… Il faut à la fois désacraliser le pouvoir, quel que soit son échelon, et lui préserver l’aura dont dépend son autorité représentative. Cela suppose une aptitude à s’élever au-dessus d’une pratique à la fois consumériste et clientéliste qui consiste à arroser de subventions et d’aides diverses pour satisfaire à peu près tout le monde. Ce type de gestion patchwork, éphémère, qui se contente de remplir aussi bien que possible une mission de service ne saurait bâtir une cité durable. Il faut une vision. »

Cette vision, Roland Ries la développe dans plus de 200 pages : à part une vacherie (pas tout à fait gratuite !) sur Fabienne Keller, qui lui succéda à la mairie, dont la dérive autoritaire apparait ici comme l’exemple de gestion municipale qu’il ne faut pas pratiquer et que lui-même, proche des gens et cultivant la concertation, ne pratiquerait pas. Il n’évoque pas les tensions, les oppositions, les guerres de succession (de sa succession !) qui pourtant minent la municipalité qu’il dirige. Autant cet aspect des choses, que le lecteur cherchera en vain, apparaissait dans son ouvrage précédent, autant, cette fois-ci, l’auteur esquive cette approche pour se hisser à un niveau « sciences-po » pour dérouler le tapis de sa vision « du » et « de la » politique.

On découvre quelques confidences sur sa naissance en pleine deuxième guerre mondiale dans un village pilonné par les affrontements de l’offensive « Nordwind », dernière tentative nazie pour reconquérir l’Alsace, le rappel d’une Alsace rhénane trop longtemps enjeu sanglant entre la France et l’Allemagne, l’évocation de ce qu’est l’Alsace et que sont les Alsaciens souligne la contribution de l’auteur à un dialogue apaisé sur le Rhin. L’Eurodistrict, le tram qui va joindre Strasbourg et Kehl apportant leur contribution à une agglomération vivant future « ville-monde » vivant à 360 degrés au-dessus du sillon rhénan, sont des marques concrètes d’un engagement européen fondateur.

Le combat pour « l’Europe de Strasbourg ». – Le combat en faveur d’une « Europe de Strasbourg » que symbolisent, notamment, le Conseil de l’Europe, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le Parlement Européen, illustre un autre aspect -essentiel- de cet engagement trop souvent mollement soutenu par les gouvernements : le fait que finalement le Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes à qui Strasbourg a aménagé un bureau à Strasbourg ait estimé qu’une résidence professionnelle strasbourgeoise était inutile, illustre l’approche parisienne du siège européen dans la capitale française de l’Europe !

En soulignant les incompréhensions d’une France centralisée, Roland Ries -sans pour autant revenir sur sa prudence (pour ne pas dire plus) dans le débat de la fusion des deux départements alsaciens qui aurait peut-être évitée le « Grand Est »- affirme son attachement à l’Alsace : il aurait bien aimé une région « Alsace-Lorraine » qui aurait eu une cohérence. Il considère que placer le siège du Grand Est à Strasbourg était une tentative gouvernementale pour faire passer la pilule de la grande région. Favorable aux régions, mais méfiant vis à vis d’un régionalisme qui risque de glisser vers un nationalisme local, Roland Ries ne manque pas de de briser une lance contre le centralisme parisien.

La transition est tout trouvée pour passer à la manière dont Roland Ries, qui fut très tôt -avant même qu’il ne se déclare lui-même- partisan d’une candidature Hollande aux présidentielles de 2012, juge le quinquennat du président sortant. Au-delà d’une sorte d’hymne aux maires, qui n’exercent « pas un métier… mais une fonction… » et qui souffrent « d’un manque de considération avéré », l’auteur ouvre un chapitre intitulé « Sur les terres inconnues de l’après Hollande ».

« Je n’ai pas souhaité être ministre de Hollande ! » – Le chapitre commence avec cette phrase : « Je n’ai pas souhaité devenir ministre de François Hollande ». Avec un peu de regret, le maire explique pourquoi il a refusé d’être ministre des transports : il était trop attaché à sa mairie (qu’il aurait du abandonner) et à sa ville alors que sa succession n’était pas prête et qu’il avait devant les yeux l’exemple du précédent de Catherine Trautmann devenue Ministre de la Culture avant d’être remerciée avec comme épilogue la perte de sa mairie, épisode que Roland Ries ne fait… qu’effleurer (1).

S’il porte un jugement réservé sur le quinquennat de Hollande, il ne va pas pour autant « enfoncer un poignard supplémentaire dans le dos du président » : le travail de ce dernier n’est pas aussi négatif que certains l’affirment, mais il a terriblement souffert d’un manque de pédagogie et d’un déficit de communication. A propos de la centrale de Fessenheim dont il réclame, lui aussi, la fermeture, il regrette que les promesses de reconversion du site formulées au début du quinquennat hollandais n’aient pas été tenues. Il faudra que le PS se retrouve : vieux rocardien, social-démocrate, ami d’Emmanuel Macron, il reste fidèle au parti. Mais il faudra que celui-ci fasse enfin son « aggiornamento » et tranche entre pragmatisme et fronde, en créant un « modèle de développement nouveau qui parviendrait à créer de la richesse et des emplois, dans une perspective durable. »

Le « non-cumul des mandats » : une mesure salutaire. – Le tout dans une Europe refondée, approfondie, une Europe à plusieurs vitesses, plus intégrée avec ses différentes variantes pour être efficace : « L’alternative est nette : c’est le sursaut ou le néant », relève le livre qui poursuit : « Allons donc : que nous promet d’autre la descente aux enfers que subit l’idée européenne depuis plusieurs années sous le regard impavide de chefs d’Etat et de gouvernement bataillant pour faire bonne figure sur la photo officielle. » Il plaide, bien sûr, pour le moteur franco-allemand.

Il regrette que dans la crise migratoire la France n’ait pas été à la hauteur de l’accueil nécessaire : les maires ont, estime-t-il, un rôle à jouer pour recevoir les migrants chassés de chez eux. Pourfendant les thèses du Front National, il plaide pour un renouveau de notre démocratie : ancien « cumulard », il salue les mesures prises pour lutter contre le cumul des mandats – « une évolution salutaire pour notre démocratie ».

Pudique (ou amnésique ?) sur l’environnement électoral local qui l’avait poussé à le faire, il rappelle qu’il avait précédé la loi sur le non-cumul, en abandonnant son mandat de sénateur, il écrit : « Cumuler, c’est courir d’une charge à l’autre, sans en exercer aucune ! » Il n’y a finalement que l’intention (et le résultat !) qui compte !

Terrorisme : ne pas vivre dans la peur. – En fin d’ouvrage, Roland Ries rédige des pages émouvantes sur le dialogue inter-religieux qu’il prône : « Je suis Alsacien, laïc et concordataire », précise-t-il. Evoquant longuement les tourments qui l’ont assailli, lorsqu’il s’est agi de prendre des décisions pour protéger (notamment au moment du Marché de Noël ou de la grande braderie strasbourgeoise) « sa » ville contre les risques engendrés par le terrorisme. Il fait siens les propos d’Angela Merkel dans son intervention télévisée après l’attentat qui ensanglanta Berlin et son marché de Noël : « Nous ne voulons pas vivre dans la peur qui nous est imposée par le mal. Nous allons continuer à vivre ensemble, et dans un esprit d’ouverture. » Et l’auteur a cette phrase de conclusion : « Tout commence…. » Au moment où, sereinement, il avance les perspectives de liberté(s) que lui apportera une… retraite politique désormais à… portée de main.

Mais rien encore n’est définitivement joué : il reste un mandat à terminer. A ceux qui, lisant ce livre et goûtant à sa juste valeur la hauteur de vue qui s’en dégage, oublieraient le sens des réalités pratiques du maire, je rappellerai ce propos qu’un jour il me tint alors qu’il évoquait l’une des nombreuses « broncas » qu’il eut à affronter en tant qu’élu : « Il ne faut tout de même pas me prendre pour celui que je ne suis pas. »

(1) « L’Alsace et la gauche ». Le Verger-Editeur (Janvier 2007) – 15 euros.

(2) « Le temps de la liberté » – Hugo-Doc Editeur (Février 2017) – 17 euros.

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