Roumanie : soutenons la lutte anti-corruption !

Laura Kövesi devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Laura Codruta Kövesi lave plus blanc - non pas l'argent, mais les politiciens Foto: AGERPRES / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – Paradoxe savoureux et douloureux à la fois : alors que la Roumanie occupe la présidence de la Commission Européenne, l’ancienne championne roumaine de la lutte anti-corruption, révoquée par le gouvernement en juillet dernier, porte plainte contre le gouvernement roumain devant la CEDH de Strasbourg. Cela fait un peu désordre…

L’ancienne procureure en chef de la DNA ( la Direction nationale anti-corruption), Laura Codruţa Kövesi, estime en effet que « ses droits ont été bafoués : droit à un procès équitable, droit à la défense, droit de faire appel ». Curieusement, la procureure déchue n’a pas demandé pour autant de compensation ni la réintégration à son ancien poste. Ce qui est fort dommage, puisque c’est bien évidemment son honnêteté et son efficacité qui lui ont valu sa révocation… Madame Kövesi est devenue un véritable symbole d’une lutte anti-corruption possible et effective. Cette personne admirable a réveillé chez les 20 millions d’habitants de la Roumanie bien des espoirs de justice enfouis.

La lutte anti-corruption secoue la Roumanie depuis quelque 4 années, depuis un certain nombre d’affaires qui ont révulsé le pays : essentiellement la gabegie que pratiquaient ministres, militaires et policiers et l’incendie d’une boîte de nuit, le night club Colectiv, qui avait fait 32 morts (de jeunes personnes principalement) le 30 octobre 2015 au centre de Bucarest et qui avait mis au grand jour plusieurs couches de corruption gouvernementale et administrative. Ces affaires avaient mis le feu aux poudres et avaient servi de déclencheur à un mouvement de protestation très virulent, qui dès 2015, avait entraîné de grandes manifestations et même, la démission de Victor Ponta, le Premier ministre.

Grâce notamment à la DNA que présidait Laura Kövesi,certaines affaires ahurissantes ont été révélées, et on a pris la mesure du problème ; dans une certaine mesure, la corruption a commencé à reculer dans plusieurs domaines. Et pourtant, 4 ans après les premiers mouvements de protestation, le pouvoir judiciaire fait encore l’objet d’une surveillance par les institutions européennes au moyen du MCV, le Mécanisme de Coopération et de Vérification, évoqué en d’autres articles d’Eurojournalist. Hélas ! Le Rapport du MCV traitant de la Roumanie fait plutôt état d’une aggravation de la situation, tant la mainmise du parti au pouvoir, le parti « Social Démocrate » (!) sur le pouvoir judiciaire devient inquiétant.

Laura Codruţa Kövesi est donc devenue une quasi-icone. Mais elle dérangeait beaucoup ; certains la surnommaient « La Grande Inquisitrice ». Le pouvoir, et plus précisément, le ministre de la Justice , Toader Tudorel, ont donc demandé sa révocation. Mais le Président de la République, Claus Iohannis, issu lui d’un parti de centre droit, a refusé de l’entériner ; jusqu’à ce 9 juillet 2018, où la Cour Constitutionnelle a obligé la procureure à obtempérer.

La DNA est alors devenue une sinécure, puisque le ministre de la Justice ayant proposé Adina Florea , ancienne procureure à la cour d’appel de la ville de Constanţa, à la place de Madame Kövesi, le président a derechef refusé de l’installer à ce poste. Et depuis juillet dernier, la DNA est donc dirigée par interim… Et Laura Kövesi travaille actuellement comme conseillère anti-corruption auprès du procureur général, Augustin Lazăr.

Mais les dents du pouvoir sont pointues : dans les derniers jours de décembre dernier, le ministre de la Justice a demandé cette fois la révocation d’Augustin Lazăr lui-même ! Hargn ! Le gouvernement semble vouloir tout dévorer sur son passage… Il est vrai que l’action de Lazăr continue celle de Laura Kövesi, certes plus difficilement, et qu’il présente donc un danger pour l’exécutif douteux en place. Mais derechef, le président Iohannis a refusé :un nouveau rendez-vous devant la Cour Constitutionnelle se prépare donc pour ces prochaines semaines.

En attendant,suivons avec grande attention le cheminement de la plainte de Laura Codruţa Kövesi auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. C’est un sujet d’intérêt majeur pour la démocratie en Europe.

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