Royaume-Uni : les tocades de Boris Johnson

Un interminable et très mauvais feuilleton…

Stormont, où se tient l'Assemblée d'Irlande du Nord : " Don't play with me, 'cause you play with fire ! " Foto: Dean Molyneaux/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Le 9 septembre dernier, le vice-président de la Commission Européenne, Maroš Šefčovič, a demandé la tenue d’une réunion extraordinaire pour permettre au gouvernement du Royaume-Uni de préciser ses intentions, et de répondre aux graves inquiétudes de l’Union européenne. Ces préoccupations concernent avant tout le recul de Boris Johnson quant aux frontières de l’Irlande. Il s’agit là de l’une de ces volte-face lamentables auxquelles Johnson nous a habitués. Sans doute la pire.

Boris Johnson est imprévisible. Il l’est sans doute pour lui-même : c’est un un incompétent impulsif et narcissique, préoccupé avant tout de sa popularité immédiate auprès de son électorat. Que fera-t-il demain ? Nul ne le sait, à commencer par lui-même. En passant, on le compare trop souvent à Trump ; mais non, ce qui l’anime, c’est plutôt une sorte de romantisme creux, un mirage de grandeur britannique complètement dépourvu de signification à l’heure présente. Et contrairement à l’image que se font trop souvent les Européens et qui est source d’erreurs parfois grossières, pas une once de pragmatisme dans cette attitude.

Les méandres des décisions johnsoniennes sont difficiles à suivre pour le grand public (encore une source de désaffection envers l’Union européenne…) : parce qu’elles sont objectivement aberrantes. Johnson a signé, en janvier dernier, l’Accord de sortie de l’UE, et pour ce faire, a provoqué la chute d’une autre grande schizoïde, Theresa May, en rejetant avec fracas la mouture qu’elle essayait de négocier ; et un peu plus tard, au lieu d’essayer d’assouplir le mouvement comme il semblait vouloir le faire, il en arrive à signer un Accord encore beaucoup moins favorable au Royaume-Uni ! Pour ce faire, il a dissous le Parlement, puis vendu un mensonge gros comme la Tour de Londres, bonimentant sur une pseudo-solution au problème des frontières de l’Irlande. Cette solution, elle n’existe pas ; mais les Britanniques l’ont élu.

En ce beau mois de septembre 2020, il y a bien pire encore : il y a rupture par Johnson du Traité de sortie de l’UE ! Le plus grave dans cette décision : selon le texte paru le 9 de ce mois, les règles commerciales à venir concernant l’Angleterre devront être appliquées en Irlande du Nord. Et donc, ce qui semblait entériné concernant l’unité de l’Irlande est remis en question. Johnson prétend que tout cela est allé un peu vite… Alors que le chancelier a lui-même précipité le mouvement, face à unMichel Barnier et à une Commission qui proposaient quelques mois supplémentaires…

Comment pourrait-on continuer à avancer si le problème des frontières entre Royaume-Uni et Irlande n’était pas résolu ?! La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a pris une décision très significative à cet égard : voici quelques jours, elle a nommé une Irlandaise, Mairead McGuiness, aux Services financiers… (le titre complet de cette fonction parle pour lui-même : Commissaire aux Service financiers, à la Stabilité financière et à l’Union des marchés des capitaux…)

Plus largement, on peut craindre une décrédibilisation internationale très grave – grave d’abord pour les Anglais, ensuite pour les Européens – d’un pays qui croit pouvoir édicter les règles à sa fantaisie, sans respect pour les traités internationaux. Et c’est précisément ce qui se passe cous jours même : le Royaume-Uni a signé hier un traité commercial avec le Japon. Johnson fait mine de triompher : voyez, le Brexit permet d’ouvrir le Royaume au monde ! Eh bien non.

En réalité, les documents signés montrent que ce Accord avec le Japon n’est en somme qu’une copie du Traité européen signé en 2019. Mais pour des raisons diplomatiques évidentes et prévisibles, le Japon ne saurait signer avec son partenaire un traité avantageux par rapport à celui qu’il signerait avec l’Union européenne. Et nous voilà donc face à de pénibles comptes d’apothicaire : un peu plus ici, un petit peu moins là… Et voilà les Britanniques face à un traité sana avantages réels, qu ne fera que compliquer les relations internationales dans les domaines politique et commercial.

Et pourquoi les échanges internationaux fonctionneraient-ils plus avantageusement avec d’autres pays ? Ce ne sera même pas le cas avec l’Australie, ni même avec les Etats-Unis, qui tiennent absolument (à raison et avec quel bon sens !) au Good Friday Agreement de 1998, cet accord irlandais qui mettait en marche le Parlement de Stormont, la Paix et des liens plus harmonieux avec le Royaume.

Que peut encore faire l’Union européenne pour éviter la catastrophe dans un pays qui veut s’ « affranchir » d’elle ? Tout ; et le jour viendra. The Day will come.

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